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L'Italie de 1918 aux années 1990

Dissertation : L'Italie de 1918 aux années 1990. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  9 Novembre 2020  •  Dissertation  •  6 518 Mots (27 Pages)  •  389 Vues

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L’Italie de 1918 aux années 1990

Introduction

« Chi alla patria non dà il braccio, deve dare la mente, il bene, il cuore, le rinunzie, i sacrifizi ». Tel résonnaient les mots d’Antonio Salandra, le 2 juin 1915 lors de son discours à Rome, place du Capitole. Ces paroles, empreintes d’une teinture patriotique, témoignent du fait que le président du Conseil italien de l’époque avait prédit le caractère «total» de la «Grande Guerre» (1914-1918), un conflit qui nécessiterait une mobilisation globale de la population au service de la nation, à laquelle l’italien doit donner « son esprit, ses biens, son coeur » et pour laquelle il ne doit pas hésiter à renoncer ou à sacrifier. En effet, l’Italie entre en guerre aux côtés de la Triple-Entente le 23 mai 1915, malgré son choix initial de la neutralité. Contrairement à ses nouveaux alliés, qui ont ouvert les hostilités en raison d’une (menace d’) agression, le choix italien de la guerre est essentiellement expansionniste, comme en témoignent les revendications des terres irrédentes (Istrie, Trentin, Dalmatie...) ou la volonté du pays à exercer un protectorat sur l’Albanie, souhaits promis par le pacte de Londres (26 avril 1915) signé avec les représentants de la Triple-Entente. Dès le mois de juin 1915, les troupes partent à l’assaut des positions austro-hongroises et se heurtent à de solides défenses, qui annulent la supériorité numérique italienne. Au terme de trois ans d’une guerre harassante, un armistice est signé entre l’Autriche-Hongrie et l’Italie, le 3 novembre 1918, soit un an après la lourde défaite subie à Caporetto. Pourtant, l’issue de la guerre ne va pas de soi : la «victoire mutilée» répand un sentiment d’injustice auprès de la population, cause d’une forte agitation sociale. C’est un climat anxiogène qui s’installe dans le pays à la sortie de la guerre, avec l’apparition également d’une crise économique, la multiplication des mouvements sociaux, ou encore avec la diffusion d’une profonde peur à l’égard d’une possible révolution communiste. Cette extrême fragilité socio-économique favorise l’émergence des Faisceaux italiens de combat, milices fascistes fondées par Benito Mussolini en mars 1919 à l’origine du parti fasciste, dont l’accès au pouvoir en 1922 inaugure une période de dictature en Italie, longue de plus de 20 ans, qui s’achève en 1945 avec la mort du Duce. Encore sous l’emprise monarchique, le référendum du 2 juin 1946 proclame la République italienne et installe alors un régime parlementaire dominé par la Démocratie chrétienne. Dès lors, l’Italie s’inscrit alors pleinement dans le contexte des «30 Glorieuses», le nouveau régime favorisant la reconnaissance internationale, l’intégration européenne et un développement économique sans précédent. Toutefois, la période que les historiens nomment le «miracle économique italien» ne s’étend guère au-delà de 1963 : de nouvelles vagues de contestations sociales apparaissent en effet à l’aube des années 1970, résultats et conséquences de l’incapacité de la politique à gouverner cette Italie moderne en incubation. Les Années de Plomb (fin des années 1960-début des années 1980) marquent le début d’une série de transformations au sein de la société italienne durant la décennie 1980, qui aboutissent à une relative crise de la République à l’aube des années 1990, à tel point que l’on peut parler di una « Seconda Repubblica » à partir de 1992. Le XX° siècle apparaît donc comme une période  historique mouvementée pour la Péninsule, sur le plan politique au même titre que sur les plans économique et social. En effet, l’Italie témoigne d’une véritable instabilité politique, avec, en un peu plus de 20 ans, le passage d’un royaume à une république, le tout accompagné de l’expérience de la dictature. Une instabilité de la sphère politique, accompagnée d’une certaine tendance à la corruption (affaire «Mains propres»/Mani Pulite), vecteur d’instabilité économique (crise d’après-guerre, boom économique) et sociale, cette dernière illustrée notamment par le clivage entre Italie du Nord et du Sud ou par les tensions avec la criminalité organisée depuis les années 1980. Pourtant, malgré le caractère à « montagnes russes » de l’histoire contemporaine italienne, le pays possède les traits évidents d’une nation puissante : l’Italie constitue, en 1992, la cinquième puissance économique mondiale, figure comme un des piliers de l’Union européenne, et parmi les pays les plus développés du monde. Comment comprendre les fondements et les manifestations du fascisme italien ? Dans quelle mesure justement, l’expérience de la dictature a permis la naissance de la République italienne ? Dans quelle mesure cette République a connu des crises structurelles malgré sa continuité ? En quoi l’Italie peut être considérée comme une puissance mondiale au crépuscule du XX° siècle malgré une Histoire contemporaine mouvementée et chaotique ?

I) Le Ventennio fasciste ou l’avènement d’une dictature en Italie (1918-1945)

        L’ère fasciste italienne fait figure de relative parenthèse de l’histoire du pays, et peut être considérée, à l’image du régime de Vichy (1940-1944) français, comme «un passé qui ne passe pas», pour reprendre l’expression d’Eric Conan et d’Henry Rousso (Vichy, un passé qui ne passe pas, 1994). Pour comprendre cela, il s’agit alors d’analyser les fondements et les origines d’un régime autoritaire qui domine la Péninsule pendant plus de 20 ans, avant de disparaître avec la mort de Benito Mussolini en avril 1945.

A) Une sortie problématique du conflit à l’origine de la montée du fascisme

Le fascisme italien tire ses fondements de la forte agitation sociale qui fait suite à la Première Guerre mondiale. En effet, le prix de la victoire est élevé pour l’Italie : les pertes se chiffrent à 650 000 hommes, la lire a perdu une grande partie de sa valeur et le coût de la vie a augmenté de 450 %. En outre, Rome doit revoir ses prétentions à la baisse. Lors des négociations du traité de Versailles (28 juin 1919), le président américain Woodrow Wilson ne se sent pas lié par les promesses faites par Londres et Paris en 1915, en vertu du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qu’il a annoncé lors de la déclaration des Quatorze points. Les Italiens n’obtiennent qu’une partie des terres irrédentes (Trentin-Haut-Adige et Trieste), la Dalmatie est annexée au nouveau royaume de Yougoslavie, l’Albanie devient indépendante, et ne reçoivent que 10 % des 132 milliards de marks-or que l’Allemagne doit payer aux vainqueurs. Les nationalistes parlent alors de «victoire mutilée» et font de l’agitation pour mettre la pression sur le gouvernement. Ce sentiment d’injustice se répand également au sein des couches sociales, parmi lesquelles émergent des organisations d’anciens combattants, en particulier celles des ex-arditi (troupes d’assaut), qui estiment ne pas avoir obtenu une reconnaissance à la hauteur des sacrifices des années de combat. Ces anciens militaires se rapprochent progressivement des idées révolutionnaires des Faisceaux italiens de combat, mouvement politique crée par Benito Mussolini le 23 mars 1919 à Milan. Première incarnation du mouvement fasciste, ils attirent des futuristes (artistes et écrivains), des nationalistes et expriment la volonté de «transformer, s’il le faut même par des méthodes révolutionnaires, la vie italienne». S’inspirant du folklore inventé par le poète Gabriele D’Annunzio pendant son occupation de Fiume (1919-1920), le mouvement adopte les symboles distinctifs des arditi, à savoir la chemise noire et la tête de mort. Les frustrations de la guerre sont donc à l’origine du fascisme italien, mais, le mouvement naît aussi en réaction au socialo-communisme en plein expansion à cette époque. Vingt jours après la naissance des faisceaux, les nouveaux squadre d’azione (forces paramilitaires) affrontent les communistes et assaillent le siège du journal socialiste Avanti! à Rome. En quelques mois, les squadristi fascistes se répandent dans toute l’Italie et donnent au mouvement une force paramilitaire. En 1920, l’agitation sociale monte d’un cran : en réaction à la crise économique initiée en 1919, les ouvriers occupent les usines et multiplient les grèves. Pendant deux ans, l’Italie est parcourue du nord au sud par les violences des mouvements politiques et révolutionnaires opposant les fascistes au mouvement ouvrier et socialiste, sous le regard passif de l’Etat, incapable de réagir mais soutenant de plus en plus les squadristes. «Partout, enfin, les fascistes vont trouver l’appui des autorités locales, de l’armée, de la police, de la gendarmerie» affirment Serge Berstein et Pierre Milza dans Le Fascisme italien, 1919-1945 (1980). L’action fasciste se développe par dessus tout par la violence : en octobre 1920, le siège du journal socialiste de Trieste, Il Lavoratore, est incendié, les squadristes intimident syndicalistes et socialistes par la pratique du manganello (gourdin, symbole d’autorité brutale) et de l’huile de ricin, purgatif puissant qu’ils font avaler de force à leurs adversaires. Membres de ce qui n’était qu’un mouvement à l’époque, les fascistes rejoignent la coalition gouvernementale et obtiennent 35 sièges sur les 275 élus à l’issue des élections du 15 mai 1921. Mussolini présente le programme du fascisme parlementaire le 21 juin 1921 : il revendique la Dalmatie, condamne le communisme et le divorce, se prononce en faveur de l’enseignement privé et affirme le caractère anti-clérical du fascisme. Le 12 novembre 1921, le mouvement devient un parti, le Parti national fasciste (PNF), et le Duce mûrit son projet de marche sur Rome.

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