Commentaire, Capitulaire de Francfort.
Commentaire de texte : Commentaire, Capitulaire de Francfort.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Gared • 8 Novembre 2016 • Commentaire de texte • 1 851 Mots (8 Pages) • 2 848 Vues
On qualifie souvent le concile de Francfort de « coup d'état ecclésiologique », mais l'on oublie souvent qu'il ne portait pas que sur des affaires religieuses. Le capitulaire que nous allons étudier rend compte de ce concile. Un capitulaire est un texte législatif caractéristique de l'époque carolingienne reprenant les décisions prises en général lors des plaids (assemblées des hommes libres) qui tire son nom des chapitres (capitula) en lesquels il est divisé. Le capitulaire de Francfort date lui de 974, à l'instar du concile. Il a ici été extrait du recueil de sources appelé Capitularia Regnum Francorum, mis en place par le Monumenta Germaniæ Historica et datant de 1883 et regroupant les différents capitulaires émis par les monarques carolingiens.
Le concile de Francfort intervient principalement en réponse au Concile de Nicée de 787 qui avait pour but de régler le conflit lié à l'iconoclasme, pratique qui se développait en Grèce et en Orient. D'autre part, les armées de Charlemagne sont en pleine pacification de la Saxe encore sujette aux révoltes mais le royaume s'étend aussi au Sud avec la conquête progressive de la Marche d'Espagne et notamment la prise de Gérone, 9 ans plus tôt. Une grave famine frappait par ailleurs le royaume carolingien depuis 972.
Le capitulaire, lui, est composé de cinq chapitres, deux traitant d'affaires religieuses externes au royaume franc, un de l'affaire de Tassilon, ancien duc rebelle finalement repenti, et enfin deux autres sont consacrés aux différents points d'une réforme monétaire décidée par Charlemagne.
Cette diversité dans les sujets abordés nous interroge sur les objectifs poursuivis par Charlemagne lorsqu'il fait rédiger le capitulaire.
Nous étudierons donc dans un premier temps Charlemagne étendant sa domination sur l'église puis nous nous verrons le roi Charles gèrant les affaires du royaume.
En 754 donc, « tous les évêques et prêtres du royaume des Francs et d'Italie, de l'Aquitaine et de la Provence se sont réunis en un concile synodal. » (l.2-3) « de par l'autorité […] de notre très pieux seigneur le roi Charles » (l.1-2). En effet, Charlemagne, alors roi des francs et de lombards, n'est pas un simple laïc. Ayant été sacré en même temps que Pépin en 754, il est investi d'un ministère royal, une mission sacrée qui implique notamment une autorité étendue sur les clercs du royaume, lui permettant de les convoquer mais aussi de « participer à la sainte assemblée » (l.4) soit en vérité de la présider, et d'exercer alors pleinement son influence sur l'Église. Le premier chapitre a pour sujet « l'hérésie impie et néfaste d'Elipand, évêque du siège de Tolède, de Felix d'Urgel et de leurs disciples » (l.5-6). C'est ici de la doctrine adoptianiste qu'il s'agit, selon laquelle Jésus Christ ne serait devenu le fils de Dieu qu'après avoir été baptisé dans les eaux du Jourdain par Jean-Baptiste. Cette doctrine est vigoureusement « rejetée et refusée » (l.8) par les clercs du concile, les « très saints Pères » (l.8) comme ils sont appelés afin de donner plus de légitimité et de poids à leurs décisions. L'« hérésie devait être extirpée de la Sainte-Église » (l.9), ce qui est très utile pour Charlemagne : en effet, l'unité religieuse de son royaume fait partie de ses devoirs mais aussi de ses besoins. Tirant sa légitimité de Dieu mais surtout, à l'origine, du pape, Charlemagne ne peut se permettre de voir le christianisme être divisé dans son propre royaume. Hors, si Elipand prêche au cœur de l'Espagne musulmane, Felix est lui évêque d'Urgell, à la limite de la toute récente Marche d'Espagne, ce qui favorise la propagation de l'adoptianisme notamment en Septimanie qui est intégrée au royaume franc.
Le deuxième chapitre porte lui sur « la question du nouveau synode des Grecs » (l.10), soit le deuxième concile de Nicée en 787, « traitant de l'adoration des images » (l.11) qui se répandait alors rapidement. Il est ici affirmé que ledit concile a débouché sur « un écrit [qui] disait qu'étaient frappés d'anathème ceux qui n'adoreraient pas ou ne rendraient pas aux images de saints le même culte qu'à la divine Trinité » (l.13), ce qui donne une image très agressive du texte en question envers les non . Les souverains et clercs byzantins apparaissent donc comme désirant imposer cette pratique à l'ensemble de la chrétienté, ce qui est bien entendu refusé par les « très saints Pères » (l.7) « d'un consentement unanime » (l.14-15). Le concile de Nicée déboucha en réalité sur un compromis entre les partisans des images et les souverains byzantins (l'empereur Constantin et sa mère l'impératrice Irène) dont les prédécesseurs avaient fait de l'iconoclasme une doctrine. Ils décidèrent finalement que le culte des images serait autorisé dans la mesure où l'honneur n'est pas rendu à l'image en elle-même mais à travers elle à la personne qu'elle représente, et ce avec l'appui du pape. Nous sommes donc loin, ici, de la version présentée par le capitulaire qui a en réalité pour but de décrédibiliser les byzantins et d'imposer Charlemagne comme seul souverain chrétien resté fidèle aux origines du christianisme, c'est à dire selon lui un iconoclasme intransigeant.
Dans la deuxième partie du troisième chapitre, on observe par ailleurs que Charles est décrit de façon très favorable : « notre seigneur, mû par une pitié miséricordieuse, pardonna au dit Tassilon, le cœur libre et joyeux, les fautes qu'il avait commises » (l.26-28). On note aussi l'omniprésence du champ lexical de la miséricorde, du pardon, qui n'est pas sans faire penser au vocabulaire du divin dans le christianisme. L'impression est encore renforcée quand Tassilon, une fois « accueillit dans sa charité et son affection » (l.28-29) peut-être « dorénavant sûr de la miséricorde de Dieu » (l.29). Charles dégage donc ici vraiment une aura de sainteté, encore renforcée par la décision qu'il prend à l'issue de cet entretien, qui est de « faire rédiger trois brefs de ce chapitre » (l.30) puisque le mot « bref » n'est ici pas anodin, en effet les brefs apostoliques ou pontificaux sont des actes administratifs d'ordinaire délivrés par le pape.
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