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Analyse de la nécessité des croyances dogmatiques chez Tocqueville

Chronologie : Analyse de la nécessité des croyances dogmatiques chez Tocqueville. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  8 Novembre 2020  •  Chronologie  •  3 295 Mots (14 Pages)  •  1 184 Vues

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Les croyances dogmatiques sont plus ou moins nombreuses, suivant les temps. Elles naissent de différentes manières et peuvent changer de forme et d'objet; mais on ne saurait faire qu'il n'y ait pas de croyances dogmatiques, c'est-à-dire d'opinions que les hommes reçoivent de confiance et sans les discuter. Si chacun entreprenait lui-même de former toutes ses opinions et de poursuivre isolément la vérité dans des chemins frayés par lui seul, il n'est pas probable qu'un grand nombre d'hommes dût jamais se réunir dans aucune croyance commune. Or, il est facile de voir qu'il n'y a pas de société qui puisse prospérer sans croyances semblables, ou plutôt il n'y en a point qui subsistent ainsi; car, sans idées communes, il n'y a pas d'action commune, et, sans action commune, il existe encore des hommes, mais non un corps social. Pour qu'il y ait société, et, à plus forte raison, pour que cette société prospère, il faut donc que tous les esprits des citoyens soient toujours rassemblés et tenus ensemble par quelques idées principales; [a]et cela ne saurait être, à moins que chacun d'eux ne vienne quelquefois puiser ses opinions à une même source et ne consente à recevoir un certain nombre de croyances toutes faites. Si je considère maintenant l'homme à part, je trouve que les croyances dogmatiques ne lui sont pas moins indispensables pour vivre seul que pour agir en commun avec ses semblables[b]. Si l'homme était forcé de se prouver à lui-même toutes les vérités dont il se sert chaque jour, il n'en finirait point; il s'épuiserait en démonstrations préliminaires sans avancer; comme il n'a pas le temps, à cause du court espace de la vie, ni la faculté, à cause des bornes de son esprit, d'en agir ainsi, il en est réduit à tenir pour assurés une foule de faits et d'opinions qu'il n'a eu ni le loisir ni le pouvoir d'examiner et de vérifier par lui-même, mais que de plus habiles ont trouvés ou que la foule adopte. C'est sur ce premier fondement qu'il 1 2 3 élève lui-même l'édifice de ses propres pensées. Ce n'est pas sa volonté qui l'amène à procéder de cette manière; la loi inflexible de sa condition l'y contraint. Il n'y a pas de si grand philosophe dans le monde qui ne croie un million de choses sur la foi d'autrui, et qui ne suppose beaucoup plus de vérités qu'il n'en établit. Ceci est non seulement nécessaire, mais désirable. Un homme qui entreprendrait d'examiner tout par lui-même ne pourrait accorder que peu de temps et d'attention à chaque chose; ce travail tiendrait son esprit dans une agitation perpétuelle qui l'empêcherait de pénétrer profondément dans aucune vérité et de se fixer avec solidité dans aucune certitude. Son intelligence serait tout à la fois indépendante et débile. Il faut donc que, parmi les divers objets des opinions humaines, il fasse un choix et qu'il adopte beaucoup de croyances sans les discuter, afin d'en mieux approfondir un petit nombre dont il s'est réservé l'examen. Il est vrai que tout homme qui reçoit une opinion sur la parole d'autrui met son esprit en esclavage; mais c'est une servitude salutaire qui permet de faire un bon usage de la liberté. Il faut donc toujours, quoi qu'il arrive, que l'autorité se rencontre quelque part dans le monde intellectuel et moral. Sa place est variable, mais elle a nécessairement une place. L'indépendance individuelle peut être plus ou moins grande; elle ne saurait être sans bornes.

En 1831, Alexis de Tocqueville est mandaté par l’Assemblée nationale pour se rendre aux Etats-Unis afin d’en étudier le système pénitentiaire. Il découvre et alors le système démocratique américain et se fascine pour lui. A son retour en France, il rédige et publie une analyse sociale et politique du régime américain, De la démocratie en Amérique, comme un plaidoyer pour le libéralisme politique qui lui est cher. La société américaine étant fort jeune, le modèle social construit par le régime démocratique est pratiquement vierge d’établissements antérieurs : Tocqueville peut donc étudier à souhait les mécanismes de la société essentiellement démocratique, notamment entre le collectif et l’individu, qui est citoyen et acteur de la vie politique. De ce fait, le rapport du citoyen à la vérité est crucial, en ce qu’il doit être animé par sa recherche de la vérité dans le domaine des affaires publiques, afin de servir au mieux l’intérêt général, en faisant triompher par les urnes l’approche politique qu’il estime la plus adéquate à cette vérité. Tocqueville s’interroge sur le rapport entre l’accès de l’individu à la vérité et les croyances dogmatiques, qui sont des énoncés reçus d’une autorité. En les adoptant, on reconnaît ces énoncés comme conformes au réel, c’est à dire vrais. 

Dans quelle mesure l’homme peut-il et doit-il se reposer sur les croyances dogmatiques qu’il reçoit pour accéder à la vérité[c] ?

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Tocqueville estime tout d’abord[d] que l’individu doit[e] se reposer sur les croyances dogmatiques car elles lui sont indispensables et qu’il n’est pas en mesure de toutes les remettre en cause. 

Il affirme que les “croyances dogmatiques” sont “indispensables” à “l'homme à part” qui souhaite “vivre seul”. Tocqueville réfléchissant sur le comportement de l’individu dans la société, les termes “vivre seul” renvoient donc à la vie intérieure de l’individu. Pourtant, le comportement que la société devrait adopter est mesure du comportement de l’individu, la vie solitaire est comparée à la vie communautaire avec les “semblables” : il semble ainsi que Tocqueville rappelle que la vie intérieure de l’individu ne peut être que épanouissante que lorsqu’elle reconnaît l’existence d’une société de “semblables” à  laquelle elle appartient. Il convient pour Tocqueville de vérifier en quoi les croyances dogmatiques servent cette intériorité, en tant qu’elle est partie de la société. Or les croyances dogmatiques sont des énoncés reçus qui revendiquent dire la vérité. Tocqueville reconnaît donc implicitement que le développement intérieur de l’individu dépend d’un certain accès à la vérité, ici garanti par les croyances dogmatiques. Tocqueville veut démontrer en quoi les croyances dogmatiques servent le développement de l’individu. Ce développement est donc implicitement assimilé à l’accès à la vérité, en ce que l’acceptation croyance dogmatique en est un chemin. Cela signifie-t’il que l’individu devrait abandonner la recherche de la vérité, qui est repose sur le doute et la remise en question rationnelle, selon la méthode adoptée par la majorité des philosophes et scientifiques ?

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