Les Bourreaux volontaires de Hitler, D. J. Goldhagen
Fiche de lecture : Les Bourreaux volontaires de Hitler, D. J. Goldhagen. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Roger Le Camionneur • 6 Janvier 2018 • Fiche de lecture • 2 262 Mots (10 Pages) • 754 Vues
Les Bourreaux volontaires de Hitler, D. J. Goldhagen
Introduction
I/ Ancrage de l’antisémitisme
a. Chrétienté et histoire
b. Vision du juif comme mal social
c. Une certaine logique à éradiquer ce mal social jusqu’à une solution
II/ Passer à l’acte
a. Une continuité par rapport aux mesures déjà prises
b. 2 études de cas : les camps de travail et les marches de la mort
c. Preuve du volontarisme : l’absence de punition et de contrainte
III/ Des limites analytiques
a. Ampleur et succès du livre
b. Faiblesses et généralités de la thèse
c. Limites d’une approche purement contextuelle et historique
Conclusion
Introduction
« Sans Allemands, pas d’Holocauste ». C’est par cette formule provocatrice que l’on peut résumer la thèse de l’ouvrage controversé de Goldhagen, Les Bourreaux volontaires de Hitler. Paru en 1996, ce livre est le premier de Daniel Goldhagen, professeur de sciences politiques a Harvard, et a comme particularité d’avoir eu un important succès auprès du grand public mais un accueil très critique auprès des historiens professionnels. Cela tient à la thèse radicale que l’auteur défend dans ce livre, celle que les Allemands auraient massivement approuvé, voire participé, à l’Holocauste.
Les théories les plus communément admises par la communauté scientifique pour expliquer la Shoah, comme celle de la banalité du mal d’Hannah Arendt, celle de la machine bureaucratique de Raul Hilberg, ou celle de Christopher Browning sur l’importance des facteurs psychologiques, ont été rejetées par Goldhagen, qui a préféré se concentrer sur le rôle qu’ont joué dans cette entreprise les « Allemands ordinaires ». Il explique que le peuple allemand était gagné depuis des siècles par un type particulier d’antisémitisme, qu’il qualifie d’antisémitisme « éliminationniste », et que la machinerie bureaucratique mise en place par le régime nazi n’était que l’émanation de la volonté du peuple allemand lui-même de faire disparaître les juifs. Bien que cette thèse soit radicale, elle a l’avantage de poser la question de la responsabilité des civils dans le génocide et la question du rôle de la culture et des représentations populaires dans les massacres commis en tant de guerre.
Pour résumer brièvement l’ouvrage : 2 parties sont consacrées à l’antisémitisme allemand, la première et la sixième. L’auteur détaille la spécificité de l’antisémitisme allemand et la façon dont, d’un antisémitisme chrétien, il est passé à un antisémitisme éliminationniste. Une partie est dédie aux programmes et institutions mises en place par le régime nazi. Et 3 autres parties étudient le rôle qu’on eut les Allemands ordinaires dans le massacre des juifs, via leur participation à 3 institutions : le bataille n° 101, les camps de travail et les marches de la mort.
Le plan que l’on va suivre va répondre à ce découpage du livre : dans un premier temps nous allons préciser ce que Goldhagen entend par « antisémitisme éliminationniste », dans un second temps nous nous pencherons sur le rôle des Allemands ordinaires dans l’extermination des juifs, et enfin nous reviendrons sur l’accueil du livre à sa sortie. Son succès, ses critiques, ses limites, etc.
II/ Passer à l’acte
a. Une continuité par rapport aux mesures déjà prises
Avant d’évoquer l’Holocauste en tant que telle il faut la recontextualiser. Les actes des Allemands, nazis ou civils, contre les juifs s’inscrivent dans un cadre global antisémite que les nazis ont mis en place dès 1933, dès l’arrivée au pouvoir d’Hitler. Toute une série de lois et mesures a contribué d’une part à exclure les juifs de la société et d’autre part à retourner le peuple allemand contre eux. Ce sont ces deux politiques, la politique d’exclusion sociale et la politique de propagande, qui ont été la première étape vers l’extermination des juifs. Goldhagen y consacre un chapitre entier.
On compte entre 1933 et 1939 plus de 400 lois et décrets contre les juifs. Goldhagen explique que les nazis ont cherché à obtenir la « mort sociale » des juifs avant leur mort au sens propre, mais on peut élargir un peu en disant que les nazis cherchaient 3 morts distinctes : leur mort sociale, leur mort politique et leur mort économique.
La mort sociale consiste à effacer les juifs de la vie publique, à les rendre invisibles. La plupart des lois mises en place en 33 et 34, tout au début du régime nazi, vise à empêcher les juifs d’occuper certains postes ou statuts. On peut citer en vrac : le poste de fonctionnaire interdit aux juifs dès avril 1933, la limitation du nombre de juifs dans les milieux médicaux et juridiques, la limitation du nombre d’élèves ou d’étudiants juifs dans les écoles et universités, l’interdiction pour les juifs de se produire sur scène ou au cinéma, etc. Dans la recherche de la mort sociale on peut également relever l’interdiction pour les juifs de fréquenter certains endroits, que ça soit tel parc, tel cinéma, tel gymnase, telle rue.
La mort politique consiste à empêcher aux juifs d’avoir toute influence sur la vie politique du pays et la mesure la plus marquante à cet égard est l’interdiction du droit de vote des juifs en 1935.
La mort économique a été recherchée plus tard, à partir de 1937, et on peut donner comme exemple le fait les juifs ont été contraint de déclarer leurs biens, ou encore que les entreprises détenues par des juifs ont été rachetées à bas prix par des non-juifs.
Toutes ces mesures ont préparé comme le dit Goldhagen l’éradication non pas symbolique des juifs mais leur éradication concrète.
Celle-ci a pris plusieurs formes, comme celle des chambres à gaz que l’on connait tous, mais Goldhagen a décidé d’étudier 2 cas d’extermination qui ont la particularité de s’être effectuées « en face à face » et non pas de manière froide, bureaucratique, et industrielle. Ces deux cas sont la mort par le travail dans les camps et la mort lors des « marches de la mort » à la fin de la guerre.
b. Les camps de travail et les marches de la mort
Pour Goldhagen les camps de travail ne répondaient à aucune logique économique. On a tendance à croire que dans ces camps les prisonniers, juifs et non-juifs, travaillaient dans le but de compenser le manque de main d’œuvre que connaissait le régime nazi pendant la guerre, en somme qu’ils étaient réduits à être des esclaves avec une forte productivité et aucun besoin de rémunération. En réalité le travail effectué par les juifs n’avait aucun objectif économique concret, c’était un travail gratuit et absurde qui avait comme seule finalité d’humilier les juifs et de les tuer à l’usure.
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