Commentaire de l'extrait des « Champs d'honneur » de Jean Rouaud

Commentaire extrait des « Champs d'honneur »

de Jean Rouaud (p.147-149)

        La première Guerre Mondiale (1914-1918) est un sujet abordé par de nombreux écrivains. Ainsi, Jean Rouaud narre son histoire familiale durant cette guerre, dans son œuvre Les champs d'honneur. La date de publication de ce roman (1990) l'inscrit ce roman dans la génération oulipienne ; mais il est plutôt question de réalisme dans cet extrait où l'auteur décrit l'horrible attaque à l'ypérite (gaz toxique) vécue par son grand oncle Joseph et ses compagnons de guerre. Nous pouvons donc nous demander en quoi l'auteur fait percevoir l'inhumanité de la Grande Guerre au lecteur. Après avoir étudié ce nouveau type d'attaque, nous montrerons le massacre des soldats.

        L'attaque au gaz est d'un genre nouveau à ce moment-là. Il est apparu en Belgique (l.1) « sur la plaine d'Ypres » lors de la guerre: l.4 «barbelés», l.6 «officier», l.7 «attaque», l.11 «tranchée», l.16 «obus», l.33 «bombardement» - «rescapés», et pour la première fois, puisque les soldats sont ignorants. En effet, le gaz n'est pas évoqué au début ; l'auteur parle seulement d'une « aube olivâtre », d'une « brume verte ». De plus, il emploie de l'ironie tragique: ( l.8) «C'était sans doute la première fois qu'on cherchait à tuer le vent.», (l.9-10) «un bras dérisoire pour s'en protéger», qui ridiculise les soldats qui cherchent à tuer les adversaires, et ignorent être face à une arme implacable. C'est qu'à la fin du second paragraphe que le lecteur sait qu'il s'agit (l.11) «des premiers filets de gaz». Ainsi, il a pu s'interroger sur la nature de ce phénomène, tout comme les soldats français qui sont dans cette situation. À partir de cette révélation et jusqu'à la fin, le narrateur n'emploie plus le passé mais le présent pour décrire le gaz, cela lui permet de raviver la scène. Ainsi le lecteur est soudainement plongé dans des événements qui paraissaient lointains dans le temps. Il était un témoin, à présent il est acteur dans cette scène actualisée. Nous ne savons pas ce qu'il s'est passé entre-temps: c'est une ellipse temporelle.

        La puissance du gaz est décrite. Dans les deux premiers paragraphes, les métaphores (l.1) « aube olivâtre » et (l.2) « brume verte » donnent un caractère étrange et indéfinissable au gaz. Le narrateur amplifie le danger en le comparant implicitement à un (l.3) « grand corps mou » par une métaphore, et en employant l'hyperbole (l.8- 9) « Une immense nappe bouillante, méthodique, inexorable». Cette dernière expression est également une périphrase tout comme (l.13) «le brouillard chloré» qui insistent sur l’impossibilité de lutter contre cette arme et sur la surface de terrain couverte par le gaz. Jean Rouaud emploie une énumération dans une phrase longue et complexe avec un rythme qui   montre la lente et inévitable progression du gaz: (l.13-16) «Maintenant, le brouillard chloré rampe […], infiltre […], se niche […], s'insinue […], souille […], occupe […] dans des souffrances atroces ». Les verbes de cette phrase permettent à l'auteur de personnaliser le gaz en l'assimilant à un animal menaçant. En un instant, ce qui était premièrement visible attaque tous les sens du corps, les soldats sont sur le point d'être empoisonnés: l.1 « Joseph vit s'élever une aube olivâtre », l.22 « l'intolérable brûlure », « suffocantes douleurs », l.22-24 « une toux violente […] amène une bave de sang aux lèvres […], d'âcres vomissements », l.31 « râles brûlants ». D'ailleurs, l'auteur fait référence à des divinités mythologiques dans un registre épique, afin d'accentuer la gravité de la situation: (l.1-2) "Dieu ce matin là était avec eux", (l.4-5) "Marée verticale comme celle en mer Rouge qui engloutit les chars de l'armée du Pharaon".

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