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La marginalité au Moyen Âge : les sorcières

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Par   •  5 Avril 2022  •  Dissertation  •  2 374 Mots (10 Pages)  •  489 Vues

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Toutes sociétés ont des marginaux. Ce sont des individus qui sortent de la normalité, donc qui ne suivent pas l’idéologie dominante, propagée par la classe dominante de la société et qui est imposée à la majorité[1]. Au Moyen Âge, il est intéressant de voir comment ou sous quelle forme ces groupes se forment. Il est pertinent d’étudier les personnes vivant en marge de la société occidentale au bas Moyen Âge. Ces marginaux ne sont pas négligeables, certains ne sont pas non plus exclus complètement de la société, mais ce sont surtout des personnes mal intégrées. Le bas Moyen Âge, ou la fin de cette longue période médiévale couvre le XIVe et XVe siècle[2]. L’Occident de cette époque est latin et chrétien. C’est durant ces deux siècles, qu’on voit apparaître le phénomène marginal des sorcières en Occident. Mais la question se pose ; qui sont-elles et d’où viennent-elles ces sorcières ? Le contexte de cette société religieuse avec les changements de cette époque, la dégradation de l’image de la femme puis les documents de l’époque sur le sujet démontrent bien le milieu dans lequel s’établit ce début de chasse aux sorcières qui perdura dans les siècles suivants.

Le XIVe siècle est un épisode difficile pour la population, avec les guerres, la faim et les épidémies. La peste de 1348 devient une catastrophe économique et démographique qui apportera une inquiétude et une tension énorme dans la société occidentale[3]. « The political and cultural dislocations of the fourteenth century were the terrible economic and social crises caused by unusually severe wars and famines, and the long series of plagues, of which the Black Death of 1347-1349 was only the most tamous and severe.[4] » Un sentiment de peur s’installe. La peur des maladies, la crainte des orages ou du mauvais temps, ou encore l’angoisse des guerres. Ces nombreux malheurs collectifs provoquent des colères et des tensions, puis amènent la population à chercher un coupable pour leur sentiment d’incompréhension et d’impuissance[5]. Un enseignement de l’Église, celui d’attribuer nos infortunes de l’époque à la sorcellerie et non à Dieu ou à la Sainte Vierge, s’élabore au même moment[6].

Le clergé est le milieu intellectuel de la société médiévale, alors la pensée et la morale tout comme l’opinion et la vision théorique de la femme viennent de ces hommes religieux[7]. Les clercs avaient comme idée que la femme devait être contrôlée et encadrée. La religion catholique apportait aussi une dualité dans la vision de la femme avec le personnage d’Ève, considérée comme la pécheresse suprême et Marie, la sainte mère de Dieu[8].

Au XIIe siècle, l’amour courtois apparaît et met en avant une nouvelle relation entre l’homme et la femme, faisant avancer positivement la situation de la femme. Mais dès le XIVe siècle, ce phénomène subit une dégradation rapide[9]. Simultanément à l’amour courtois, une vénération de la vierge Marie rentre en scène. Ce culte de la Vierge incarne deux points du symbole triparti de la femme ; celui de la mère et celui de la vierge[10]. Le statut de la femme s’est donc élevé avec cette nouvelle définition de l’amour et le culte de la Vierge, mais la troisième « vision » de la femme, la sorcière malveillante, s’est accentuée en conséquence. Elle est le troisième point de la tripartie et est naturellement aussi la contrepartie de la vierge[11]. Cette version diabolique et cruelle fut projetée dans la société occidentale en humanisant ce personnage de sorcière relié majoritairement aux femmes.

Dans les textes médiévaux, écrits par des clercs ou des hommes de lettres, la femme est généralement perçue comme un être inférieur dont il faut se méfier puisqu’elle est descendante d’Ève et donc elle incite au péché[12]. Une tradition misogyne s’installe dans la civilisation médiévale occidentale. Elle vient principalement de la littérature classique, de la religion juive où la femme a une place inférieure à l’homme, et de la religion catholique avec sa dualité[13]. Cette tradition, et une peur générale de la femme jouent un rôle important dans la montée de la chasse aux sorcières[14].

La sorcellerie est grandement un produit de l’anxiété social de l’époque[15]. Ce qui définit une sorcière, c’est le monde surnaturel et donc les phénomènes inexplicables par les lois de la nature[16]. Mais pour les inquisiteurs et la population, la définition de la sorcière est principalement l’idée qu’elle fait un pacte avec le diable et qu’elle participe au sabbat[17] en tant que serviteur du démon ou du diable[18]. Le clergé joue un rôle dominant dans la conception de la femme incontrôlable, la femme sorcière, avec une diffusion de la peur des femmes. Autour de ce concept, il y a une incompréhension marquante et une envie masculine de rendre coupable la femme, puisqu’elle a une sorte de pouvoir avec le fait qu’elle peut donner la vie, ses menstruations ou même qu’elle peut nourrir un autre être humain avec son lait[19]. Les sages-femmes étaient souvent victimes des accusations de sorcellerie. Dans la période médiévale, les accouchements étaient dangereux, ce n’était pas anormal que la femme ou l’enfant meure, ou soit déformés. Ces évènements mettaient la sage-femme au premier plan des accusations de sorcellerie[20]. « Il est certain que les soupçons à l’égard de la sage-femme ont dû se multiplier à la fin du Moyen Âge : la sous-alimentation, les maladies, l’hygiène déplorable, les fatigues excessives et l’infanticide contribuaient certainement à provoquer une forte mortalité́ infantile.[21] » Le Malleus Maleficarum met longuement l’emphase sur la surveillance des sages-femmes, puisqu’un grand nombre de sorcières se retrouvent parmi elles[22].

Le portrait-robot de la sorcière se crée dans la société depuis plusieurs décennies, mais elles n’étaient pas persécutées. Ce qui manquait était un élément déclencheur qui va se produire avec la diffusion du Formicarius en 1435, document qui met au point la nouvelle image du diable, et du Malleus Maleficarum avec l’usage du latin et de l’imprimerie[23].

Avant l’arrivée du Malleus Maleficarum, le canon Episcopi[24] protégeait en expliquant que les sorcières n’étaient coupables de rien puisque leurs actions n’étaient que des rêves, des fantasmes et non la réalité. Le Malleus va venir directement le contredire[25]. Écrit en 1486 par deux inquisiteurs allemands, Jaques Sprenger et Henri Institoris, il est la source qui donne la base de la description des sorcières vers la fin du Moyen Âge[26]. Ce livre devient rapidement un manuel de démonologie. Il répond à 78 questions « pour éclairer l’origine et le développement de “l’hérésie des sorcières” avec un dernier chapitre à la fin sur le “dernier remède comme extermination de cette hérésie. »[27] » Le Malleus met l’emphase sur l’infériorité à la nature même de la femme, sur sa faiblesse, sur le fait qu’elle est plus impressionnable, influençable et surtout corrompue par la passion charnelle[28]. Les auteurs considèrent que ce sont les femmes qui sont sorcières. Dans le titre même, il y a une féminisation de la sorcellerie, puisque c’est le terme maleficarum qui est le mot latin féminin d’une personne maléfique, et non le terme maleficarom qui est le genre masculin[29]. « What else is woman but a foe to friendship, an inescapable punishment, a necessary evil, a natural temptation, a desirable calamity, a domestic danger, a delectable detriment, an evil of nature, painted in fair colors.[30] » Le but était de convaincre le monde de la réalité de la menace des sorcières et pour ce faire les auteurs sont allés chercher l’appui du pape Innocent VIII, en apportant l’autorité pontificale au texte[31]. Il aura donc un rôle crucial dans l’intensification de la chasse aux sorcières.

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