TD : « Les ponts de bateaux de l’Hellespont », Hérodote, l’Enquête
Commentaire de texte : TD : « Les ponts de bateaux de l’Hellespont », Hérodote, l’Enquête. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar 305082 • 5 Décembre 2020 • Commentaire de texte • 4 404 Mots (18 Pages) • 900 Vues
TD : « Les ponts de bateaux de l’Hellespont », Hérodote, l’Enquête
Romane Le Goaster de Fleurelle
TD : « Les ponts de bateaux de l’Hellespont », Hérodote, l’Enquête
Romane Le Goaster de Fleurelle
À la mort de Darius en 486 avant Jésus-Christ, son fils Xerxès le remplace sur le trône, sous le nom de Xerxès I°. Xerxès n’est pourtant pas le premier fils de Darius, ce dernier étant Artobarzanès. Cependant, après une querelle entre les deux, il est décidé que Xerxès monte sur le trône car, au contraire de son aîné, il est né alors que Darius était Grand Roi. Cet épisode montre l’ingéniosité du nouveau Roi, et sa capacité à obtenir ce qu’il souhaite. Après la défaite de l’Empire perse lors de la première guerre médique, en particulier après la bataille de Marathon en 490, Xerxès prépare une nouvelle expédition, qui marque sa volonté d’envahir à nouveau la Grèce, de réparer l’affront subit et, peut-être, d’inscrire son nom dans l’histoire. Un an après la mort de son père, convaincue par des songes qu’il lui faut envahir la Grèce, Xerxès lance donc les préparatifs. Le Roi met quatre ans à réunir ses forces armées. Il entreprend aussi d’ambitieux projets de construction. L’expédition commence la cinquième année. La Seconde guerre médique s’étend donc de 480 à 479 et se résoudra par une victoire des Grecs lors de la bataille maritime de Salamine et de la bataille finale de Mycale. Les passages étudiés sont des extraits de l’Enquête (livres VII et IX). Hérodote d’Halicarnasse en est l’auteur. Hérodote, considéré comme le père de l’Histoire, y fait le récit des guerres médiques, car il souhaite que ces évènements ne soient pas oubliés des hommes dans l’enchainement des époques. Hérodote est né entre 485 et 484 et écrit l’Enquête dans les environs de 445. Son œuvre est une source narrative littéraire qui n’est donc pas contemporaine aux faits relatés. De plus, il est important de préciser qu’Hérodote écrit avec le point de vue d’un grec, et favorise particulièrement la ville d’Athènes. En effet, Hérodote fait partie du cercle proche de Périclès et est aussi le citoyen de la colonie de Thourioi (en grande Grèce, ou Italie du Sud), fondée par Athènes autour de 446. Nous étudions deux évènements qui se passent à près de deux années d’écart. Le premier passage est la traversée en 480 de l’armée perse de l’Hellespont (aujourd’hui appelé détroit des Dardanelles dans le Nord-Est de la Grèce) sur des ponts de bateaux. L’Hellespont constitue la frontière entre le monde grec et l’Empire Perse, il est donc nécessaire à l’armée de le franchir. Le second est le siège de Sestos par les athéniens. On pourrait considérer que ces deux extraits marquent respectivement le début et la fin de la seconde guerre médique, apportant ainsi un cadre chronologique précis à la série des évènements du conflit. Par quels moyens ces extraits sont le témoignage d’une séparation de l’humanité entre grecs et barbares ? Nous étudierons en premier lieu comment Hérodote établit une opposition marquée entre deux civilisations opposées, puis comment il indique bien que les perses font aussi preuve de beaucoup de génie. Enfin, nous analyserons comment l’épisode du siège et de la prise de Sestos affirme tout de même la supériorité des grecs (et surtout des athéniens) face aux barbares.
Le récit de ces deux évènements témoigne d’une opposition marquée de la part d’Hérodote entre civilisations perse et grecque. L’auteur présente le Roi des perses comme un roi capricieux et excessif, qui ne reste pas à sa place. Afin de franchir l’Hellespont, Xerxès a fait construire des ponts qui relient la Thrace (avec Sestos) et la Phrygie (avec Abydos). Hérodote précise que le détroit est long (« il y a sept stades d’Abydos à l’autre rive » - l.19-20, un stade étant l’équivalent de 200 mètres). Cependant, Hérodote écrit : « mais les ponts jetés sur le détroit, une violente tempête s’éleva, qui les rompit et les balaya » (l. 20-21). Ces ponts cassés, le projet de Xerxès est compromis. La réaction du Roi semble terrible. Hérodote décrit un Roi qui est « indigné » (l. 22). Sa fureur est telle qu’elle en est presque excessive : « couper la tête aux ingénieurs qui avaient dirigés les travaux. » : il coupe la tête aux hommes qui sont censés être responsables de la destruction des ponts, alors que c’est la force de la nature qui a provoqué cela. Il punit aussi les eaux du détroit. Il fait dire : « Le roi Xerxès te franchira que tu le veuille ou non » (l. 31-32). Ces paroles rapportées de cette façon très précise témoignent de l’interprétation des grecs de l’évènement de la traversée des eaux de l’Hellespont. Xerxès viole la loi de la nature en franchissant malgré tout le passage, après que les ponts aient été détruits par la tempête. En faisant cela, il commet le péché de l’hybris (ou hubris). Dans l’Antiquité, le péché de l’hybris est le péché de démesure, d’orgueil qui défie les Dieux. Au-delà de cela, l’hybris est le fait de ne pas rester à sa place. Le monde grec repose sur l’équilibre des choses et l’hybris est le bouleversement de cet équilibre apporté par les Dieux. Ici, Xerxès ne reste pas à sa place puisqu’il décide d’aller envahir le monde grec coûte que coûte, malgré l’avertissement des Dieux (qui se manifeste par la tempête qui détruit les ponts). Hérodote décrit ces évènements dans la démarche de l’historien mais ses propos vont frapper l’imagination des grecs : Eschyle dans Les Perses en fera ouvertement cette analyse de l’hybris du souverain qui amènera plus tard à la désolation perse.
Hérodote établit une nouvelle différenciation entre grecs et barbares, dans la description des rites qui entourent la punition de l’Hellespont et la traversé des eaux un peu plus tard. D’après l’historien, pour punir les eaux de l’avoir contrarié, Xerxès procède à un certain nombre de rites. Le châtiment de l’Hellespont se déroule en trois actes : une punition physique des eaux, la flagellation (« Xerxès […] ordonna d’infliger à l’Hellespont trois cents coups de fouet » - l.23), les entraves jetées dans l’eau («et jeter dans ses eaux une paire d’entraves » - l.24), et enfin, la malédiction (« Onde amère, notre maitre te châtie, parce que tu l’as offensé quand il ne t’a jamais fait de tort. […] ; et c’est justice que personne ne t’offre de sacrifices, car tu n’es qu’un courant d’eau trouble et saumâtre » - l. 29 à 34, « ainsi fit-il châtier la mer » - l. 34). Les trois cents coups de fouet de l’Hellespont sont considérés par beaucoup d’historiens comme un rite magique, qui serait véridique. En effet, même si le récit d’Hérodote peut contenir des faux sens, le fait que Xerxès ait fait battre l’Hellespont à coups de verges aurait probablement pu se passer. « L'acte relaté par l'historien grec est un des nombreux cas de flagellation ayant pour but de communiquer à la personne ou à la chose frappée quelque chose de la sainteté et du pouvoir magique qui résident dans l'instrument employé́ à cet effet. »[1] On peut donc penser que Xerxès agit ainsi pour calmer les eaux, afin de pouvoir à nouveau tenter de franchir le détroit. C’est assez paradoxal aux vues du châtiment verbal qu’il lui inflige. De plus, Hérodote établit une contradiction plus tard, lorsqu’il raconte les nouveaux rites auxquels procèdent les perses, lors de la traversée de l’Hellespont une fois les ponts construits. En effet, ici, après avoir fait châtier les eaux, le Grand Roi semble vouloir se réconcilier avec l’élément aquatique. Xerxès jette une coupe d’or et « des libations » (l. 78) dans l’Hellespont, (ce qui rappelle la paire d’entrave qu’il avait jeté en punition quelques temps plus tôt). Les perses font aussi « brûler divers parfums sur les ponts des bateaux » (l. 75), rite honorifique de bénédiction des bateaux qui assurerait le bon fonctionnement des ponts. De plus, ils couvrent « leur chemin de branches de myrte » : le myrte est une fleur dont l’utilisation était très répandue dans l’Antiquité. Dans le monde grec, le rameau de myrte est associé à Aphrodite. Ainsi, le fait qu’Hérodote raconte cela peut témoigner d’une réinterprétation de l’historien des évènements, puisqu’initialement, l’utilisation cérémoniale du myrte est une tradition grecque.
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