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Les oraisons funèbres à Athènes

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Par   •  10 Novembre 2021  •  Dissertation  •  1 865 Mots (8 Pages)  •  454 Vues

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Les oraisons funèbres à Athènes - Thoé Soleil - 10/11/2021

        

LES ORAISONS FUNÈBRES À ATHÈNES

Thoé Soleil                                                                                Lettres Modernes L2

Voilà donc plus de vingt ans que Jean Moulin partit (...) sans la cérémonie d'aujourd'hui, combien d'enfants de France sauraient son nom ?” déclame André Malraux lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon. Il ranime la gloire et rappelle à se souvenir du personnage illustre, figure de proue de la Résistance. Il s'inscrit dans la continuité d’une tradition remontant à l’Antiquité, celle de louer et de pleurer les défunts lors d’un ultime laïus. C’est Athènes qui fait naître et développe le discours de l’oraison funèbre. La place dominante de la guerre dans la culture populaire et la nécessité du maintien d’un sentiment d’identité fort expliquent largement sa genèse. Le topos de la “belle mort” du citoyen-soldat, source de mémoire, de noblesse pour la cité, et la création et le montage d’un idéal autour de ce discours construirons notre propos.

Après une rapide définition et caractérisation du genre, nous nous pencherons sur la stratégie politique de l’oraison, transformant les soldats en morts d’élite par l’honneur qu’ils confèrent à leur cité. L’histoire athénienne devient en celà une version officielle, formidablement mystifiée. Ainsi petit à petit la fascination s’installe, créant le charme d’une idéalité. Pour conclure notre propos, nous analyserons un extrait de l’oraison funèbre de Périclès rapportée par Thucydide.

DÉFINITION ET CARACTÉRISATION DU GENRE

  1. LE GENRE DE L’ÉLOGE

        Du latin elogium et du grec εὐλογία eulogia, respectivement “épitaphe” et “louange”, “éloge”, l’éloge se définit comme un discours à la louange de quelqu’un ou de quelque chose, vantant ses qualités et ses mérites. Le terme d’oraison est également utilisé, venant du latin orātĭo, littéralement l’action de prier. Vantant les valeurs du beau, du bien, de l’agréable, il devient quasi paradoxal lorsqu’il est associé au terme de “funèbre”. Beaucoup plus proche, “oraison” est aujourd’hui complètement associé à la louange des morts. Ainsi constituée, l’oraison funèbre célèbre, dans l’Antiquité donc, les hauts-faits militaires, et par-delà, les sacrifices consentis à la patrie et à la liberté, mais nous en reparlerons dans le prochain point.

        Nous pouvons également utiliser le terme d’épidictique qui, dans la rhétorique grecque, se dit d’un discours d’apparat qui consiste à montrer les vertus d’un personnage vivant ou défunt et à distribuer le blâme à ses détracteurs.

  1. UNE CRÉATION ATHÉNIENNE

        Derrière les grandes inventions civilisatrices, d’origine mythique et de portée universelle, les Athéniens ajoutent à leur catalogue l’idée d’oraison, d’éloge à leurs disparus, nombreux par leur implication sanglante dans les guerres médiques. Fiers d’un sentiment d’appartenance et de prédominance sur le monde grec, ils prouvent, comme l’affirme Démosthène, que “seuls au monde ils prononcent l’éloge funèbre des citoyens morts pour la patrie” (Contre Leptine, 141). Pour ce faire, un logos est prononcé par un orateur désigné par la cité pour célébrer les morts à la guerre de l’année, en plus d’une cérémonie (ergon), précise et codifiée. Ce rite est financé par la cité, en collectivité. Le caractère unique de la cité est réaffirmé par elle-même, puisqu’ils le sont tous en leurs exploits jusque dans leur origine : leur naissance est autochtone et les isole du reste de l’espace grec.

        Nous avons ainsi vu la nature des oraisons funèbres à Athènes. Mais alors, comment la mort du soldat s’y retrouve-t-elle justifiée et légitimée?

UNE STRATÉGIE POLITIQUE : LA “BELLE MORT”

  1. MARATHON, TOPOS ESSENTIEL DE L’HÉGÉMONIE ATHÉNIENNE

        L’hégémonie militaire d’Athènes est fondamentale dans la légitimation de sa stratégie politique. Marathon constitue un paradigme parfait. Dans la multitude des hauts-faits guerriers de la ville, cette bataille a une place spéciale en tant que victoire purement athénienne. La lutte contre les Perses dans son ensemble se convertit d’ailleurs en thème essentiel de l’oraison funèbre, comme le prouve Aristote dans la Rhétorique : “Comment pourrions-nous faire le panégyrique des Athéniens si nous n’avions pas à notre disposition (...) le combat terrestre de Marathon? [entre autres]”. Elle occupe une place de choix puisque les athéniens y voient la plus grande victoire qu’ils aient jamais remportée, devenant dès le Ve siècle un symbole, topos de l’histoire nationale. Elle fournit à l’orateur en quête de grandiloquence une ressource inépuisable de leçons de bravoure et de vertu pour les jeunes athéniens, comme un programme éducatif.

        Mais pour présenter Marathon comme l’image idéale que le public attend, l’orateur ne se prive pas d’ajouts ou de modifications. Raconter Marathon c’est ainsi transformer. Employant parfois des hyperboles, à la limite d’adynatons (“myriade de barbares” Lysias), les chiffres sont imprécis, modifiés. L’orateur ne cherche pas les chiffres exacts : généralement, il se borne à grossir l’armée ennemie en diminuant la leur. Cette recherche de l’amplification est constante, et définit les affrontements par une supériorité adverse. Ces exagérations vont de pair avec la mise sous silence des alliés et des esclaves dans le discours des orateurs, faisant apparaître Athènes comme figure d’autorité toute puissante dans le monde grec, seule capable de voler généreusement au secours des petits peuples terrifiés. Dans une même optique, les combats sont anormalement brefs, proclamant la rapidité foudroyante des athéniens. En effet, dans le Panégyrique d’Isocrate, Athènes vainc son ennemi en un jour seulement.

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