Les Penuries D'eau Au Moyen Orient
Recherche de Documents : Les Penuries D'eau Au Moyen Orient. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Anais.Clemaron • 19 Mars 2013 • 2 577 Mots (11 Pages) • 1 380 Vues
« Guerres de l’eau », « ruée vers l’or bleu », « siècle des guerres de l’eau » : on croise depuis quelques années ces formules comminatoires.
De futurs conflits de diverses intensités sont prophétisés, avec pour enjeu le contrôle des ressources hydriques.
Le XXe siècle ayant prétendument été celui des guerres de l’or noir, les préoccupations écologiques ont nécessairement conduit les futurologues à baptiser le suivant « celui des guerres de l’or bleu ». Et que de guerres en perspective ! On peut vivre sans pétrole, pas sans eau. Pourtant, dès que l’on chausse les lunettes de l’historien, le tableau qui s’offre à nous est susceptible de relativiser ces tragiques prédictions. En recensant les violences directement liées au contrôle des aquifères depuis l’Antiquité, on arrive péniblement à une courte liste d’éruptions de violences de faible intensité : émeutes, escarmouches entre villages (1). Il s’agit presque systématiquement de violences localisées, ponctuelles et populaires. Les gouvernements ne semblent pas vouloir se laisser entraîner dans des conflits provoqués par des problèmes locaux. Tel est le paradoxe : l’unique ressource indispensable à la vie génère des tensions mineures, alors que des ressources non nécessaires, voire superflues, ont été à l’origine de conflits et d’inégalités tels que les économistes parlent de « malédiction des ressources naturelles » (2).
C’est bien ce paradoxe qui parcourt les dirigeants des pays du Moyen-Orient : « With water you can make politics. With land you can make war », affirme Benyamin Netanyahou dans un congrès sur la gestion durable de l’eau en 1995 (3). Dans leurs déclarations publiques, les responsables politiques israéliens et palestiniens ne mentionnent la question de l’eau que marginalement, loin derrière la question de la sécurité pour les premiers et celle des réfugiés, des colonies et du statut de Jérusalem pour les seconds. Il ne faut certes pas ignorer le calcul politique qui anime le Premier ministre israélien lorsqu’il prononce cette phrase, mais une telle position est symptomatique de la valeur symbolique accordée à la terre et de la valeur instrumentale accordée à l’eau.
Il ne faut toutefois pas perdre de vue que si l’eau n’est pas, selon toute probabilité, l’enjeu d’une guerre à l’avenir, elle n’est pas porteuse de paix pour autant. L’Afrique du Nord et la péninsule Arabique sont les régions les plus arides du monde. Au Moyen-Orient, seuls la Turquie, l’Irak, le Liban et Israël échappent relativement au manque d’eau. La Syrie est en situation de stress hydrique, c’est-à-dire, selon l’ONU, que les ressources disponibles se situent entre 1 000 et 1 700 mètres cubes (m3) par personne par an. Les autres pays de la région sont en situation de pénurie hydrique (moins de 1 000 m3 par personne par an). Le niveau moyen des ressources en eau de l’ensemble des pays de la zone tourne autour de 1 400 m3 par personne par an. D’ici à 2025, ce niveau sera divisé par deux en raison de l’accroissement démographique. L’agriculture engloutit jusqu’à 90 % de l’eau douce, contre une moyenne mondiale de 70 % (4). L’industrie et les usages domestiques se partagent le reste. Un des contentieux centraux de la région est la consommation d’Israël, plusieurs fois supérieure à celle de ses voisins, des traités lui garantissant en effet un accès privilégié aux ressources hydriques de la région. Néanmoins, ces tensions ne sont pas à la source des litiges entre ces pays. L’inégal partage des ressources en eau n’est qu’une dimension parmi d’autres, et pas nécessairement celle qui mène à l’escalade des crises.
L’eau, une ressource qui ne se raréfie pas
Pour mieux comprendre les enjeux hydriques du Moyen-Orient et les possibilités de les surmonter, il est indispensable de saisir les spécificités de cette ressource bien différente des autres. L’analogie avec le pétrole, quoique séduisante, n’en est pas moins infondée. D’un point de vue strictement physique, la quantité d’eau sur Terre est constante, contrairement à celle de pétrole : c’est une ressource renouvelable. En termes économiques, c’est un bien public long terme, c’est-à-dire un bien qui respecte le principe de non-exclusion et celui de non-rivalité. Or, l’eau est plutôt habituellement définie comme un bien commun, c’est-à-dire qui respecte le principe de non-exclusion (il est en effet quasiment impossible d’empêcher quiconque de puiser dans l’eau de surface), mais pas celui de non-rivalité. Alors qu’à long terme, chaque goutte d’eau est utilisée sans concurrence par de nouvelles personnes à chaque nouveau cycle, la rivalité existe à court terme : l’usage de l’eau par une personne en prive une autre personne. Pour les États, l’enjeu ne se pose pas en termes de décalage entre demande et offre mais entre demande et taux de renouvellement des ressources. La compétition entre États intervient dans ce cadre et se renforce avec une pression démographique croissante. Ce qui se traduit concrètement par un enjeu d’accessibilité à l’eau potable, le cœur de la question de l’eau, au Moyen-Orient comme ailleurs.
Actuellement, dans le monde, la consommation d’eau est de 917 m3 par personne par an, un quadruplement depuis 1950. Or, les quantités terrestres d’eau douce accessibles s’élèvent à 6 700 m3 par personne par an (5). La quantité d’eau disponible n’est donc pas un problème, pour les prochaines décennies au moins. C’est d’ailleurs le raisonnement de Ricardo Petrella, économiste et fondateur du Comité international pour le contrat mondial de l’eau. Pour lui, le discours sur la raréfaction de l’eau à l’image de la raréfaction du pétrole sert à légitimer la privatisation de la production et distribution d’eau, censée réguler la consommation (6). Cependant, cet argument est à nuancer dans la mesure où, dans le monde, la production et la distribution d’eau est réalisée à hauteur de seulement 7 à 8 % par des opérateurs privés (la France fait exception avec 28 % en régie publique). On le voit, la question de l’eau ne se pose pas, du moins pas dans l’avenir proche, en termes de quantité globale mais en termes d’accessibilité locale à une eau de qualité. De plus, l’utilisation humaine tend à dégrader progressivement la qualité de l’eau et à perturber son cycle. Illustration dramatique de cet impact, le désastre écologique et sanitaire de l’assèchement de la mer d’Aral dû au détournement de ses deux fleuves tributaires. L’eau constitue donc un bien particulier dans son usage. Mais elle se distingue aussi en matière d’échange. Bien
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