Politique Migratoire
Commentaires Composés : Politique Migratoire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar saintcyr • 27 Mars 2014 • 7 821 Mots (32 Pages) • 893 Vues
Introduction
• 1 Nous reprenons ici la définition de ce terme de « subjectivation » donnée par Gilles Deleuze : « (...)
1Les politiques européennes de fermeture des frontières induisent de nouvelles formes de mobilité et d’ancrage, de nouveaux modes de subjectivation1 de la part des migrants. Les anciens savoir-faire migratoires ne sont plus opératoires. Les réseaux tissés lorsque la migration de travail était constitutive de l'économie des pays européens ne sont plus efficaces. Néanmoins atteindre l’Europe demeure un objectif pour un nombre croissant d'individus, notamment les jeunes vivant dans des pays qui ne leur assurent aucun avenir. La notion d'Europe, au demeurant relativement abstraite, souvent floue quant à ses caractéristiques géographiques se construit au regard de la législation concernant les migrations, au regard des possibilités de pénétrer la forteresse.
2Notre propos dans cet article est d’analyser au plus près les effets du durcissement des politiques migratoires en Europe sur les imaginaires qui constituent les répertoires à partir desquels chaque migrant construit sa stratégie de passage et d’installation en Europe.
3Cette analyse s’appuie sur les recherches menées entre 2009 et 2011 dans le cadre d’un programme européen « Eurobrodmap » par une équipe pluridisciplinaire de chercheuses et chercheurs (anthropologues, historiens, géographes, sociologues). L’objectif de ces recherches était d’appréhender l’évolution des représentations qu’ont les migrants de l’Europe au cours de leurs trajectoires migratoires vers l’Europe : avant leur départ, durant leur trajet et une fois installés dans un pays européen.
• 2 D’autres parcours ont été étudiés dans le cadre de la recherche citée plus haut : ceux d’indiens (...)
4Nous nous avons choisi dans ce texte de limiter nos références à deux ensembles de parcours migratoires, celui des Argentins et celui des Maliens pour des raisons de clarté d'exposition dans les limites d’un article.2
5L’Argentine a longtemps été un pays récepteur de migrants (européens tout d’abord, puis de pays limitrophes) ; si l’émigration n’est pas véritablement un phénomène nouveau, elle l’est cependant par son caractère massif depuis les années 90 (crises sociales, économiques, politiques). Elle est allée s’accentuant avec la crise de décembre 2001. C’est principalement une partie d’une classe moyenne paupérisée, frustrée dans ses possibilités de mobilité ou de maintien social, généralement qualifiée, plutôt jeune, qui part massivement notamment vers l'Espagne.
6Une recherche qualitative a été menée en Argentine, entre avril 2009 et juillet 2010, auprès de 59 personnes : 9 entretiens préliminaires ont été menés avec des personnes ressources et « institutionnelles », complétés par 28 entretiens formels d’une à trois heures d’enregistrement (dont 17 entretiens formels à Buenos Aires et à Mar del Plata avec de futurs migrants, et 5 avec de jeunes retornados, revenus récemment d'Espagne), et 22 entretiens informels. Un petit questionnaire, exploité partiellement, a été administré dans les consulats italiens et espagnols auprès de 78 candidats au départ. En Espagne la région de Malaga a été privilégiée en raison du fait qu'il existe une route migratoire entre certaines villes argentines (Mar del Plata, Buenos Aires) et celles de la « Costa del sol » en Espagne. En particulier, la moitié de la population argentine installée en Andalousie réside à Malaga, qui concentre environ 25 000 Argentins. 10 entretiens ont été menés avec des travailleurs saisonniers argentins (hommes et femmes ayant entre 20 et 40 ans), et 20 avec des Argentins résidant à Malaga.
7L’émigration malienne quant à elle n'a cessé de croître depuis les années 60. Depuis la suspension de l’immigration économique – dans les années 70 en ce qui concerne l'Allemagne et la France, plus tardivement pour l'Espagne et l'Italie –, les modalités de la migration en Europe ont changé sans l’interrompre. Ce sont principalement des jeunes entre 17 et 40 ans, de toutes origines sociales, hommes et femmes, qui tentent le voyage aujourd’hui.
8Ce texte s’appuie sur des données collectées à Bamako auprès de 38 jeunes hommes et femmes (18 hommes et 20 femmes) d’origines et de statut sociaux divers. La collecte a été menée dans différents lieux : domicile, cour de maisonnée, foyers d’accueil pour les jeunes en partance, universités, écoles de formation, associations de défense des émigrés ; elle s’est également déroulée auprès de jeunes en attente de départ dans des villages de la région de Kayes dont l’histoire migratoire vers l’Europe et plus particulièrement vers la France est déjà ancienne (milieu des années 1960) (20 personnes – 8 femmes et 12 hommes – dans ces vilages, et 22 pesonnes à Kayes même – 9 femmes et 13 hommes). Le repérage de ces personnes demande du temps et une connaissance déjà approfondie de l’univers des migrants. Des critères « d’engagement au départ » ont été élaborés afin de sélectionner nos enquêtés tout en respectant, lorsque c’était pertinent un équilibre entre les sexes, les catégories sociales, la situation familiale. Un guide d'entretien a été élaboré en commun par les chercheurs investis dans ces recherches sur les parcours des Maliens et des Argentins.
9Les enquêtes portant sur les représentations sont particulièrement délicates. Elles exigent une relation de confiance dans laquelle l’interlocuteur du chercheur doit pouvoir interroger ses propres représentations, puiser dans différents répertoires, changer de registre si bon lui semble. L’entretien prend souvent la forme d’une conversation (Olivier de Sardan 1997), et il peut durer plusieurs heures. Il requiert du temps et la disponibilité du chercheur. Il doit également pouvoir être repris.
10De ces enquêtes qualitatives, faites à partir d’entretiens ouverts, prolongés, avec les migrants, plusieurs points saillants communs à tous les enquêtés ont été mis en évidence, notamment le caractère ambigu des imaginaires associés à l’Europe. Cette ambiguïté est d’autant plus forte que les politiques coercitives sont perçues comme contradictoires avec les droits humains auxquels adhèrent les pays européens. Elle est vécue sur un mode d’autant plus violent que les possibilités de choix pour atteindre l’Europe sont moindres (Quiminal et Blum Le Coat, 2011)
11Dans cet article nous montrons comment l'aspect de plus en plus restrictif et coercitif des politiques migratoires
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