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Analyse du "Tableau Des Revenus Anglais", Grégory King (1688).

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Par   •  6 Mars 2013  •  4 966 Mots (20 Pages)  •  1 764 Vues

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Une société évolue constamment, des mutations ont lieu à l’intérieur des multiples groupes sociaux. Grégory King, à travers le tableau du revenu et des dépenses des diverses familles de l’Angleterre, tente de faire une projection de la société anglaise, une photo précise des diverses classes et de leurs finances dans un espace-temps déterminé.

Grégory King a vécu entre 1648 et 1712. Jusqu’en 1695, il effectue divers emplois, notamment en servant plusieurs nobles héraldistes, c'est-à-dire spécialistes des blasons et des armoiries. En 1695, il commence une seconde carrière dans l’administration chargée de la gestion des ressources économiques du pays. En tant que commissaire aux impôts, il instaure une nouvelle taxe sur les mariages, les naissances et les enterrements, puis devient secrétaire à la commission des comptes publics et secrétaire du contrôle des comptes de l’armée. Enfin, en 1708, il est l’un des trois commissaires nommés pour évaluer les dettes du roi Guillaume décédé.

Mais King est également un statisticien, « le premier grand statisticien économique » comme l’a appelé Richard Stone. Contrairement à John Graunt et William Petty qui avaient commencé un travail similaire, King ne publia pas ses œuvres qui restèrent à l’état de manuscrit pendant plus d’un siècle.

Le tableau ci-dessous est issu du manuscrit de King écrit en 1696 et intitulé Observations et Conclusions naturelles et politiques sur l’état et la condition e l’Angleterre. Le document contient des estimations sur la population et les richesses de l’Angleterre à la fin du 17e siècle. King décrit ainsi les caractéristiques démographiques de la population de l’Angleterre et du Pays de Galles : âge, genre, statut marital, nombre d’enfants, domestiques. Mais il calcule aussi d’autres informations comme la quantité de bière et de malt consommée annuellement dans le royaume. Ces estimations se basent sur des déductions d’informations issues des rapports d’imposition. Grégory King a certainement eu accès à des informations confidentielles, probablement grâce à sa position de conseiller du gouvernement. Enfin, dans son travail, il fait des projections assez fantaisistes sur la population mondiale aux alentours de l’an 5000 où la population, d’après lui, attendrait 10 fois celle de 1695.

Un autre manuscrit intitulé Du commerce maritime en Angleterre, 1688, et le profit en découlant, est écrit en 1697. C’est un résumé statistique du commerce et de la richesse de l’Angleterre entre 1600 et 1688. King calcule l’augmentation du tonnage de la marine marchande, étudie l’évolution dans plusieurs domaines, les droits de douane, la construction, les achats fonciers ou encore les progrès de l’exploitation agricole. Enfin King mit en place une loi appelée loi de King qui doit permettre d’évaluer l’incidence d’un défaut d’approvisionnement en blé sur l’augmentation du prix du blé.

Grégory King situe les chiffres qu’il donne en 1688, en plein cœur de la glorieuse révolution. C’est une période, évidemment, de grande agitation, cela a pu rendre le travail du statisticien difficile et plus aléatoire quant aux résultats.

Le tableau montre une opposition entre deux parties de la population, suivant que les familles soient bénéficiaires ou déficitaires économiquement à la fin de l’année. L’étude de King pose des questions de fiabilité mais aussi de neutralité. On peut se demander si l’opposition qu’effectue King reflète-t-elle réellement la société anglaise ? Y a-t-il vraiment d’un côté les riches et de l'autre des pauvres ?

Dans une première partie, il convient de comprendre le travail de King comme une étude sociologique chiffrée, avec d’une part la question de la fiabilité des chiffres et de l’autre la démographie. Ensuite, nous étudierons la classification du statisticien, avec dans une partie les familles qui font décroître la richesse et dans une autre partie celles qui la font accroître.

I°/ Une étude sociologique chiffrée

A- La fiabilité des chiffres

Avant de regarder de plus près ce qu’exprime Grégory King dans son tableau, il convient dès à présent de considérer la fiabilité des chiffres qu’il donne.

Les chiffres de revenus donnés dans le tableau ne sont qu’une évaluation, il ne donne qu’un ordre de grandeur. En effet, la statistique n’en est qu’à ses débuts avec King. Au tout début du 17e siècle, Thomas Wilson avait également tenté de dresser un tableau objectif de la situation. Il découvrit ainsi 16 000 gentlemen dans le pays. Il parvint à une estimation globale en précisant un niveau de fortune : 61 pairs du royaume, 500 chevaliers. Il attribua à chaque groupe un revenu moyen : 3607 livres pour les nobles, de 1000 à 2000 pour un chevalier, de 500 à 1000 livres pour les gentlemen. Mis en rapport avec les chiffres de Gregory King, cela peut aider à donner une idée de l’évolution démographique et des salaires. Il y a une hausse du nombre de personnes dans ses groupes, de 500 à 600 chevaliers mais également une baisse des revenus. Toujours pour les chevaliers, on passe d’entre 1000 à 2000 livres d’après Thomas Wilson à 650 pour Grégory King.

La mise en rapport des deux études permet donc de donner un ordre de grandeur, mais il faut relativiser les chiffres, ils ne peuvent être considérés que comme une estimation. Cette estimation peut être judicieuse, les chiffres donnant un ordre de grandeur satisfaisant, notamment pour ceux qui concernent la démographie. Il est par contre très difficile d’évaluer le revenu de la population à l’époque moderne. Pour Bernard Cottret, les estimations de King, comme celles de Wilson, sont aléatoires. Brown et Hopkins, comme nous l’avons déjà étudié, ont tenté, dans les années 50, de faire une vaste fresque évolutive des prix et des salaires sur plusieurs siècles. Cela permet de donner une idée. Pour le 17e siècle, ils montrent une montée des prix à la fin du siècle ainsi qu’une relative stabilité des salaires. On est donc dans les mêmes idées vues par King. Ce dernier peut nous permettre de fixer un ordre de grandeur et une évolution même si en ce qui concerne les chiffres, ils peuvent être aléatoires.

Gregory King nous renseigne donc en priorité sur la perception que la société anglaise avait d’elle-même, ou du moins sur la vision qu’entretenaient les élites de la fortune et de leur propre condition. De plus, l’auteur décrit en 1696 une situation qu’il place en 1688, année de la glorieuse révolution. Il y a une sous-évaluation des revenus et une simplification des catégories de la population,

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