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Dissertation Astrée

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Par   •  29 Décembre 2024  •  Dissertation  •  2 031 Mots (9 Pages)  •  29 Vues

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CONCOURS BLANC

LITTERATURE DU XVIIe SIECLE

HONORE D’URFE, L’ASTREE (PREMIERE PARTIE)

CORRIGE

A la fin de son article consacré à L’Astrée d’Honoré d’Urfé, « Le serpent dans la bergerie », Gérard Genette écrit : « Il se pourrait bien, en tout cas, que d’Urfé nous ait donné dans ce roman, et sans le vouloir, à la fois le plus brillant exposé des théories de l’amour spirituel, et leur plus flagrant démenti en action : le mythe romanesque et son idéologie la plus élaborée, - et sa réfutation par ce qu’on pourrait appeler, en parodiant le style marxiste, la « mise à nu des infrastructures ». Ainsi l’Astrée renfermerait ensemble, et en toute innocence, un roman et son anti-roman, le Pur Amour avec sa libido : le serpent dans la bergerie ».

Dans quelle mesure ces propos éclairent-ils votre lecture de la première partie de L’Astrée ?

Remarques méthodologiques

        Les copies dans l’ensemble ont témoigné d’une connaissance déjà maîtrisée (la plupart du temps) de L’Astrée. Les exemples viennent assez facilement au fur et à mesure de la démonstration et, comme il convient, sous des formes variées : citations, références à un épisode, une scène… On rappellera que chaque exemple doit faire l’objet d’un commentaire, précis et plus ou moins approfondi en fonction des besoins de l’argumentation.

        Les copies ont presque toutes intégré la nécessité de mener une critique du sujet. La question a été plutôt de parvenir à élaborer cette critique. D’abord, il est préférable que la discussion du sujet ne prenne pas la forme d’une contestation frontale, au risque de conduire la copie à l’impasse. La critique du sujet doit se combiner avec le problème que l’on a dégagé à partir de lui, et elle permet à la réflexion de se relancer. Il est donc très difficile, sinon impossible, par exemple de prévoir la partie de discussion à la fin du devoir. Le plan dialectique reste finalement préférable parce qu’il est dynamique et permet le mieux de nuancer.

        La plus grande difficulté de la citation de Genette venait du grand nombre de notions mobilisées, à la fois génériques et thématiques : roman, anti-roman, mythe romanesque, amour pur, libido, et dans le vocabulaire marxiste emprunté : idéologie, infrastructure. Ces termes sont distribués par Genette de manière binaire et oppositive. La citation met donc en regard deux séries avec une tête de série : amour spirituel/Pur Amour donne roman, mythe romanesque, idéologie ; libido donne antiroman (qu’il ne faut pas trop vite assimiler à la parodie), mise à nu des « infrastructures » (vocable marxiste employé de manière souple : l’infrastructure=l’ensemble des moyens de productions et la manière dont sont organisés les rapports de production ; ici ces rapports sont de désir, d’où le jeu sur « mise à nu » ; l’infrastructure produit la superstructure, disons à peu près l’idéologie ; le terme « infrastructure » contenant « structure » a pu prêter à confusion en poussant certains à travailler la structure, la composition du roman, ce qui était une fausse piste). Il s’agissait en tout cas de bien situer chaque notion dans sa classe notionnelle et dans son opposition aux autres notions.

Pour le reste, la ligne de la thèse de Genette est claire : d’Urfé aurait écrit un roman qui véhicule l’idéologie amoureuse du Pur Amour mais cette idéologie ou ce mythe romanesque seraient contestés de l’intérieur même de l’œuvre par son inconscient : la libido. Dans le contexte d’époque (l’article est de 1966) favorable au structuralisme, à la mort de l’auteur et à la psychanalyse des œuvres littéraires, le texte viendrait contredire l’intention avouée (le discours).

Deux niveaux travailleraient dans le roman :

-un niveau conscient, patent, celui de l’Amour Pur hérité de la vulgate néo-platonicienne, mystico-pétrarquiste, bref le Code (ce que Genette nomme dans son article le « Code de l’Amour parfait »=la religion de l’amour, le culte de l’être aimé, « avec son rituel, ses oraisons, ses cantiques, ses sacrements, ses vœux, ses dévotions particulières, ses fétichismes, ses hérétiques et même ses incrédules » ; attention : l’Amour Pur ne se réduit pas à chasteté…) ;

-un niveau sous-jacent, latent mais pleinement actif, la libido, la subversion du désir, l’Eros triomphant cad en somme pour Genette : le (vrai) Texte.

Cette vision de Genette peut être rapprochée d’une déclaration de Jean Lafond dans la préface à son anthologie de L’Astrée, au moment où il évoque le personnage de Céladon : « En lui la visée contemplative et spirituelle surmonte, mais n’abolit jamais l'instinct ni le désir, et il vit la condition humaine dans la plénitude d'un être mixte, fait de chair et d’âme » (p. 17). Vous voyez que les deux citations posent la même question mais elles la traduisent de manière très distincte ; là où Genette voit opposition et éventuellement contradiction, Lafond perçoit une complémentarité.

        Chez Genette, deux problèmes se posent, articulés l’un à l’autre : l’opposition entre Amour pur et libido. En quoi cette opposition existe-t-elle ? Est-elle avérée ? Si elle l’est, que signifie-t-elle ? Et entre les notions, faut-il nécessairement établir une opposition ? Peut-on envisager d’autres formes de relations entre l’Amour pur et la libido ? Et problème connexe, mais pas forcément absolument central : d’Urfé est-il vraiment inconscient de la part prise dans son roman par l’expression des désirs ?

        On pourrait donc imaginer un développement qui commencerait par poser le conflit entre Amour Pur et libido : un roman en quête d’idéalité, une idéalité destinée à refouler le réel mais le réel ferait retour sous l’aspect du désir. Un second temps de l’analyse s’attacherait à penser non l’opposition mais la complémentarité des notions : le désir comme présupposé de l’idéal ; l’idéal comme alibi du désir ; amour et désir=l’homme tout entier dans sa diversité. La troisième partie montrerait alors que cette diversité de l’homme dans le contexte amoureux induit un roman pluriel, un véritable roman et non une allégorie : le roman et antiroman ne se contredisent pas, ils œuvrent à une définition dialogique du romanesque.

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