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Commentaire d'Escale de Jules Supervielle

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Par   •  10 Mars 2023  •  Commentaire de texte  •  731 Mots (3 Pages)  •  1 255 Vues

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Escale

C'est d'abord un bouton de rade sur la mer

Et qui s'ouvre en pétales

Rare fleur au jardin de l'horizon désert,

Escale !

Je suis las de n'avoir pour compagnon de route

Que des nuages gris changeant à tout moment.

Je suis triste de vingt jours de mer et de doute

Sur le navire obscur qui n'a pas de printemps.

Penché sur le soleil incliné des tropiques,

Je cultive les fleurs légères des couchants,

Mais, jardinier leurré de plantes chimériques,

Je les vois se faner sous la nuit ou le vent.

Escales des matins argentines et fraîches,

O fruits salins mûris par les soleils des mers,

Je veux mordre aux douceurs vivaces de vos chairs,

Vous qui de loin avez le duvet bleu des pêches.

Je ne vois rien encore à l'horizon figé

Dans le cercle marin que nul phare ne troue ;

Mais mon coeur, devançant tout ce morne trajet,

A déjà vu trembler Santa-Cruz à sa proue.

Jules Supervielle

Plan de Commentaire littéraire du poème « Escale » de Jules Supervielle

1 – Ce qui peut d’abord frapper le lecteur de ce poème, c’est son organisation autour d’un système d’énonciation particulier qui traduit les impressions maritimes du poète-voyageur.

  • Enonciation :

1) présence importante du pronom sujet de la 1° personne« je » (6 X) + « mon cœur » (v 19) ; présence de nombreux modalisateurs  => lyrisme, expression de sentiments personnels.        
2) personnification des escales (4° strophe) qui deviennent des interlocuteurs ; solennité du ton ;        
3) le présent d’écriture est le temps de référence : le poète exprime des sentiments éprouvés au moment de l’énonciation.

  • Ce système d’énonciation est complété par le choix d’un point de vue subjectif (focalisation interne) et dynamique (en mouvement) qui donne au lecteur l’impression de déplacement dans l’espace (de loin, v. 16)         et le temps (d’abord, et, déjà, encore / les nuages gris les  couchants  la nuit);        
  • Surtout : développement d’une métaphore filée qui structure tout le poème : escales // fleurs puis fruits savoureux.

Tous ces éléments sont propres à donner à sentir au lecteur les impressions ressenties par le poète au cours de son voyage maritime.

2 – Cette organisation suggestive permet au poète d’exprimer la lassitude qu’il éprouve durant sa traversée.

  • Abondance des termes péjoratifs, des négations (8, 17, 18) utilisation de la restriction (5) ;        
  • Expression de la monotonie (composition et rythme de la strophe 2, voc)        
            de la tristesse, (triste, morne, gris, obscur)         
            de la solitude (2, désert) ;

  • Le poème traduit aussi la désillusion du poète : la métaphore de la strophe 3 reprend en l’inversant la métaphore de la strophe 1) ; voc : leurré, chimériques , légères. Le lecteur est fondé à se demander si l’attrait du voyage ne serait pour lui qu’un leurre…
  • La mer elle-même est décrite comme un lieu vide (désert), sans vie (horizon figé), associé au doute, un « cercle » (qui enferme) sans issue possible…

La poème donne donc une image négative du voyage : le déplacement est dévalorisé et devient attente inquiète de l’escale et du bonheur qu’elle promet.

3 – Mais le poème se donne avant tout comme l’expression forte du désir qu’éprouve le poète d’arriver à l’escale, pressentie, imaginée et imagée.

  • Eclat de l’exclamation initiale et du « O » vocatif qui personnifie les escales et permet au poète de s’adresser solennellement à elles.

  • Richesse de la métaphore filée de la fleur et du fruit chargée de significations positives : beauté, nouveauté, abondance, saveur délicieuse, vie…
  • Force de l’antithèse qui structure la dernière strophe : je ne vois rien mais mon cœur a déjà vu. Notons que la métonymie « mon cœur » est en fait une métaphore qui transforme le poète lui-même en navire : « mon cœur ….à sa proue ».
  • Enfin, il faut souligner l’expression de la volonté du poète (verbe « je veux ») renforcée par la force du verbe « mordre ».

Tous ces éléments montrent bien l’attrait de l’escale aux yeux et au cœur du voyageur-poète.

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