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Analyse linéaire de Nana d'Émile Zola

Commentaire de texte : Analyse linéaire de Nana d'Émile Zola. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  26 Juin 2024  •  Commentaire de texte  •  1 619 Mots (7 Pages)  •  133 Vues

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Explication linéaire 12 :

Nana, Émile Zola

Texte :

Ce soir-là, voulant se mieux voir, elle alluma les six bougies des appliques.

Mais, comme elle laissait glisser sa chemise, elle s'arrêta, préoccupée depuis

un moment, ayant une question au

bord des lèvres.

- Tu n'as pas lu l'article du Figaro ?... Le journal est sur la table.

Le rire de Daguenet lui revenait à la mémoire, elle était travaillée d'un doute. Si

ce Fauchery l'avait débinée, elle se vengerait.

- On prétend qu'il s'agit de moi, là-dedans, reprit-elle en affectant un air

d'indifférence. Hein ? chéri, quelle est ton idée ?

Et, lâchant la chemise, attendant que Muffat eût fini sa lecture, elle resta nue.

Muffat lisait lentement. La chronique de Fauchery, intitulée « La mouche d'or »,

était l'histoire d'une fille, née de quatre ou cinq générations d'ivrognes, le sang

gâté par une longue hérédité de misère et de boisson, qui se transformait chez

elle en un détraquement nerveux de son sexe de femme. Elle avait poussé dans

un faubourg, sur le pavé parisien; et, grande, belle, de chair superbe ainsi

qu'une plante de plein fumier, elle vengeait les gueux et les abandonnés dont

elle était le produit.

Avec elle, la pourriture qu'on laissait fermenter dans le peuple remontait et

pourrissait l'aristocratie.

Elle devenait une force de la nature, un ferment de destruction, sans le vouloir

elle-même, corrompant et désorganisant Paris entre ses cuisses de neige, le

faisant tourner comme des femmes, chaque mois, font tourner le lait. Et c'était

à la fin de l'article que se trouvait la comparaison de la mouche, une mouche

couleur de soleil, envolée de l'ordure, une mouche prenait la mort sur les

charognes tolérées le long des chemins, et qui, bourdonnante, dansante, jetant

un éclat de pierreries, empoisonnait les hommes rien qu'à se poser sur eux,

dans les palais où elle entrait par les fenêtres.

Muffat leva la tête, les yeux fixes, regardant le feu.

- Eh bien ? demanda Nana.

Mais il ne répondit pas. II parut vouloir relire la chronique.

Introduction

Émile Zola, romancier de la seconde moitié du XIXe siècle, et l’auteur d’un vaste

cycle romanesque, intitulé “Les Rougon-Macquart”, qui explore divers aspects

de la société du Second Empire. Parmi ces oeuvres, le roman “Nana” raconte

l’ascension et la chute d’une courtisane et comédienne de théâtre, Nana.

Dépeinte comme une femme fatal, elle séduit et détruit des hommes de haut

rang, notamment des aristocrates et des bourgeois menant certains à la faillite

ou suicide. L’extrait que nous allons analyser se déroule dans la chambre de

Nana où elle se trouve avec son amant, le conte Muffat. Tandis que ce dernier

lit un article virulent écrit par Fauchery, journaliste au “Figaro”, Nana,

entièrement nue, se contemple dans le miroir. Zola, chef de file du Naturalisme,

aborde ici le portrait de Nana, avec une précision quasi médicale, illustrant

comment elle est déterminée par les atavismes de son hérédité.

La lecture du texte nous invite à nous demander comment l’écriture naturaliste

de Zola arrive à dépeindre un personnage marginalisé, tout en contribuant au

plaisir romanesque du lecteur.

Pour répondre à cette question, nous verrons comment Zola plante le décor de

l’action des lignes 1 à 9, puis comment il décrit Nana de la ligne 10 à la fin de

l’extrait.

I/ Une scène réaliste

Le paragraphe 1 permet au lecteur de visualiser une scène d’intimité pour

laquelle il est placé dans une posture de voyeur.

“ce soir-là” (l. 1) donne un ancrage temporel dans la réalité et permet

l’immersion du lecteur.

« se voir » (l. 1) est un verbe essentiel pour cet extrait : Nana se voit dans le

miroir et le lecteur perçoit toute la réalité invisible de Nana évoquée par

Fauchery, l’auteur de l’article de journal.

Explication linéaire 12 : Nana, Émile Zola 3

« alluma 6 bougies »: effet de mise en scène, atmosphère intime, lumière

tamisée.

Le discours narratif, avec les temps verbaux du récit au passé (imparfait «

laissait” l. 2, “revenait » l. 5, “lisait” l. 9 et passé simple « alluma” l.1 , “s’arrêta”

l.2) rendent compte des actions des personnages : chacun s’adonne à une

activité récréative et intimiste : Nana se dénude tandis que Muffat lit le journal.

On suppose qu’il est habillé tandis qu’elle est nue (décalage qui érotise la

scène).

Les 2 personnages sont décrits dans 2 postures distinctes (« attendant » l. 9 #

« lisait » l. 9) : posture passive pour Nana et active (verbe de mouvement) pour

Muffat.

« préoccupée depuis un moment” (l. 2), “question au bord des lèvres” (l. 2 et

3), “affectant un air

d’indifférence »

(l. 7) : trahissent une inquiétude profonde chez la jeune femme : la chronique

est-elle un portrait d’elle que tous les lecteurs pourront décoder comme étant

le sien ?

L.8 : « lâchant la chemise (= sous-vêtement), elle resta nue » : double sens pris

ici par cet

adjectif “nue”, car l’article du journal la met précisément à nu.

Usage des participes présents (« lâchant » l. 9, « attendant » l.9 ) : effet de

lenteur, qui permet de

décomposer les mouvements du personnage, comme au cinéma.

Transition : après avoir planté le décor, Zola passe du récit cadre au récit

encadré, constitué par l’article du journal. Il procède alors à la mise en abîme du

personnage de Nana,

présentée comme un phénomène de société, un véritable objet de trouble à

l’ordre public. Cet effet

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