La QPC améliore-t-elle le contrôle de constitutionnalité des lois en France ?
Dissertation : La QPC améliore-t-elle le contrôle de constitutionnalité des lois en France ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Florian CHEDEAU • 7 Février 2024 • Dissertation • 2 089 Mots (9 Pages) • 207 Vues
La QPC améliore-t-elle le contrôle de constitutionnalité des lois en France ?
« Une décennie plus tard, la question prioritaire de constitutionnalité a acquis la force de l’évidence. Que chaque justiciable puisse demander si la loi qui lui est opposée lors d’un procès porte atteinte ou non aux droits et libertés que la Constitution garantit, c’est un droit sur lequel nul n'envisagerait désormais de revenir ».[1] Cette affirmation du Président de la République Emmanuel Macron, issue de son discours du 26 novembre 2020, met en exergue toute la dimension de « progrès » que représente l’inauguration de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à la fois pour le justiciable mais aussi pour le contrôle de constitutionnalité des lois.
Le contrôle de constitutionnalité se définit comme le contrôle juridictionnel ayant pour finalité d’assurer la conformité et le respect des normes, droits et libertés consacrés et garantis par la Constitution. Ce dernier est encadré par l’article 61 de la Constitution. Avant la révision constitutionnelle de 2008, le contrôle de constitutionnalité des lois était divisé en deux catégories : le contrôle obligatoire (art.61, alinéa 1) qui prévoit que toutes les lois organiques doivent être approuvé par le Conseil Constitutionnel dans un délai d’un mois avant leur promulgation ; et le contrôle a priori (art.61, alinéa 2) qui permet au Président de la République, au Premier Ministre, aux présidents des deux chambres parlementaires et, depuis 1974, aux 60 députés et 60 sénateurs (même en situation de minorité) de pouvoir saisir le Conseil Constitutionnel pour contester la constitutionnalité d’une loi avant son entrée en vigueur.
La question prioritaire de constitutionnalité a été adoptée par la révision constitutionnelle de 2008, consacré au troisième alinéa de l’article 61 de la Constitution et mise en vigueur dès le 1er janvier 2010. Elle permet à tout justiciable quel qu’il soit, lors d’un procès, de pouvoir demander à la juridiction de saisir le Conseil Constitutionnel sur une ou plusieurs dispositions législatives (lois ordinaires, lois organiques, ordonnances ratifiées par l’Assemblée nationale, etc.) en lien avec l’affaire en cours sans tenir compte de leur date de promulgation. A ce titre, la question prioritaire de constitutionnalité semble être, à première vue, vecteur d’amélioration pour le contrôle de constitutionnalité des lois.
Dans quelles mesures la mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité a-t-elle permis l’élargissement et le renforcement du contrôle de constitutionnalité des lois ?
Bien que la question prioritaire de constitutionnalité demeure extrêmement profitable à l’Etat de droit grâce au renforcement du contrôle de constitutionnalité des lois et de la protection des droits et libertés (I/.), elle n’en est pourtant pas un idéal en raison de l'existence de nombreuses limites (II/.).
I/. La QPC : Un renforcement de l’Etat de droit.
L’idée d’un contrôle de constitutionnalité n’est pas nouvelle. Dès la Révolution française, l’abbé Sieyès souhaitait faire face au légicentrisme et à la « nomo-philie fanatique des révolutionnaires »[2]. En ce sens, il y a une préférence traditionnelle française à vouloir faire confiance à la loi sans imposer de contrôle de conformité. L’Etat de droit, théorisé par le juriste Hans Kelsen, qui prône le respect à la hiérarchie des normes et à l’assujettissement de l’Etat devant la loi, se caractérise, sous la Ve République, par le contrôle de constitutionnalité des lois. In fine, la question prioritaire de constitutionnalité permet le renforcement de l’Etat de droit grâce à une amélioration du contrôle de constitutionnalité des lois en lui permettant de procéder à un contrôle a posteriori, en dotant le juge constitutionnel français d’un pouvoir in concreto avec un effet erga omnes (A), et en offrant une meilleur protection des droits et libertés fondamentales pour le justiciable (B).
A) Le contrôle a posteriori, un contrôle plus rationnel et efficace de la constitutionnalité des lois.
La révision constitutionnelle de 2008, avec la mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité, a vraisemblablement été réalisée dans un but d’instaurer un contrôle de constitutionnalité des lois a posteriori afin d’offrir au juge constitutionnel de nouveaux outils de contrôle pour faire face à d’autres situations que celles dont il été régulièrement saisi avant 2008.
Selon le professeur Michel Verpeaux, tout l’intérêt de la question prioritaire de constitutionnalité est d’offrir au juge constitutionnel français, en plus d’un contrôle a posteriori, un pouvoir d’appréciation in concreto[3]. En effet, la procédure de saisine du Conseil Constitutionnel, au motif d’une question prioritaire de constitutionnalité, n’est viable que dans le cadre d’un litige juridique devant une juridiction. Par conséquent, le Conseil Constitutionnel peut désormais donner des avis sur la constitutionnalité d’une disposition législative lors de son application concrète. En ce sens, le contrôle a posteriori repose sur un contrôle concret des dispositions législatives et complète l’ensemble du contrôle de constitutionnalité des lois qui, avant la révision de 2008, n'exerçait qu’un contrôle in abstracto (abstrait) en jugeant la constitutionnalité d’une loi avant sa mise en vigueur.
En outre, le contrôle a posteriori permis par la question prioritaire de
constitutionnalité rend possible de contrôler la constitutionnalité d’une disposition législative déjà en vigueur. Cela permet un contrôle de constitutionnalité plus efficace et cohérent étant donné que l’on peut contester des dispositions antérieures à l’adoption de la Constitution de 1958 (qui peuvent dater de la IVe République par exemple et dont il peut être logique de contester quand ces dernières servent de fondements juridiques à de nouvelles dispositions législatives alors qu’elles ne sont pas issues du même texte constitutionnel). Enfin, la question prioritaire de constitutionnalité possède un effet erga omnes. C’est-à-dire qu’en cas de non-conformité à la Constitution, le Conseil Constitutionnel est désormais investi d’un pouvoir abrogateur permettant d’annuler la disposition en vigueur au bénéfice de tous.
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