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Commentaire d’arrêt : Cass. crim., 22 sept. 2021, n°20-85.434

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Par   •  18 Juillet 2024  •  Commentaire d'arrêt  •  3 732 Mots (15 Pages)  •  124 Vues

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TD Droits fondamentaux 2023-2024

Séance 10 : La désobéissance civile

Commentaire d’arrêt : Cass. crim., 22 sept. 2021, n°20-85.434

Selon María José Falcón y Tella, la désobéissance civile est “l’acte d’infraction conscient et intentionnel, public et collectif d’une norme juridique, utilisant normalement des moyens pacifiques, faisant appel à des principes éthiques, avec acceptation volontaire des sanctions et poursuivant des fins innovatrices.”[1] En 2019 et 2020, plusieurs affaires ont été ouvertes à la suite des actions d'activistes écologiques qui ont décroché le portrait du Président de la République en plus de 150 mairies dans toute la France.[2] Les militants aspiraient à voir leur action, et toutes celles de désobéissance civile en général, reconnues comme une forme d'expression pour interpeller les dirigeants, face à une menace majeure[3]. L'arrêt commenté de la chambre criminelle de la Cour de cassation met en lumière la position de la haute cour juridictionnelle sur les effets juridiques de ces actions.

En l’espèce, des portraits officiels du Président de la République accrochés dans quatre mairies ont été soustraits par des individus agissant en réunion, à visage découvert, et qui après ont accroché à la place du cadre, une affiche montrant la silhouette du président avec la formule “urgence sociale et climatique, où est Macron ?”. Pendant la garde à vue des prévenus, ils ont refusé la soumission à un prélèvement biologique et a des opérations de relevés signalétiques.

Un premier jugement a été rendu par le tribunal correctionnel de Bordeaux. Il a déclaré les prévenus coupables de vol en réunion, et aussi de refus de se soumettre à un prélèvement biologique et aux opérations relevés signalétiques. Ils ont interjeté appel. La cour d’appel de Bordeaux confirme le jugement et fait des requalifications condamnant six prévenus pour des vols aggravés, et deux prévenus pour complicité de ces vols. Les prévenus forment des pourvois en cassation.

La Cour de cassation est amenée à répondre les questions suivantes : est-il possible de justifier la commission d’un délit de vol en se prévalant d’un état de nécessité fondé sur l’urgence climatique ? Les condamnations des prévenus peuvent-elles, dans certaines circonstances, porter atteinte à leur liberté d’expression ?

La Cour répond la première question par la négative, confirmant le raisonnement de la cour d’appel. Elle affirme qui n’est pas possible d’invoquer l’état de nécessité pour justifier ces actions au motif qu'il n'existe aucun indice qui permet d’affirmer  que le vol des portraits du Président ait été un moyen efficace de prévenir le danger climatique dénoncé. En revanche, la Cour répond la deuxième question par la positive. Elle a jugé que la cour d'appel n’a pas justifié sa décision en condamnant les militants, sans rechercher si l'incrimination pénale de leurs actes en question ne constituait pas une atteinte disproportionnée à leur liberté d’expression. Elle casse l’arrêt au visa de l’article 10 de la CEDH.

La Cour de cassation analyse aussi un autre moyen à propos des condamnations des prévenus qui se sont refusés de réaliser le prélèvement biologique et les opérations de relevés signalétiques. Elle affirme que ni le jugement ni l’arrêt de la cour d’appel ne présentait pas des éléments constitutifs de ces infractions, et ainsi, elle casse l’arrêt au visa de l’article 593 du Code de procédure pénale.

        Pour comprendre l’arrêt en question, il faut dans un premier temps analyser comment l’arrêt de 2021 s’inscrit dans une jurisprudence constante à propos du contrôle des affaires qui concernent un délit pénal avec des tentatives de le neutraliser (I). Ensuite, dans un deuxième temps, il convient d’examiner comment l’arrêt porte une innovation quant à la nature de l’infraction qui justifie l’atteinte à la liberté d’expression (II).

  1. Le contrôle strict par le juge par rapport aux exonérations pénales et une interprétation extensive de la protection de la vie privée

Il est question de regarder comment cette décision de la Cour de cassation en relation aux conditions d’acceptation de l’état de nécessité était prévisible (A) pour après examiner la conformité de la Cour de cassation à la jurisprudence de la CEDH quant aux ingérences sur la vie privée (B).

  1. Une non surprise quant au refus par la Cour de cassation du moyen de l’état de nécessité

        

        Le premier moyen des requérants contre l’arrêt de la cour d’appel concerne l’état de nécessité. Ils affirment que leurs actions peuvent être justifiées par l’article 122-7 du Code pénal, dans la mesure où : “en se bornant à constater qu’il n’existe aucun élément qui permette de considérer que le vol des portraits du Président de la République dans les mairies permette de sauvegarder les prévenus du danger qu’ils dénoncent, et en refusant ainsi de tenir compte de ce que les moyens employés ainsi que leurs effets, demeuraient proportionnés et adaptés au regard de la nécessité précitée, la cour a violé l’article 122-7”. Les militants contestent la décision de la cour dans un autre sens, estimant qu'elle ne pouvait pas affirmer qu’il n’existe aucun élément dans l’infraction réalisée permettant la sauvegarde des prévenus du danger dénoncé sans avoir préalablement établi l'existence et les caractéristiques du danger.

Prévisiblement, la Cour de cassation donne raison à la cour d’appel, en déclarant “qu’il n’était pas démontré que la commission d’une infraction était le seul moyen d’éviter un péril actuel ou imminent”. En effet, la Cour de cassation applique une nouvelle fois le moyen tiré sur la méconnaissance de l’état de nécessité de manière stricte. En vertu de la propre rédaction de l’article 122-7, il faut une menace réelle qui justifie une action immédiate pour protéger la personne visée ou ses biens.

En plus, pour que l’infraction commise dans ce contexte puisse être justifiée, il faut que la réponse soit appropriée, donc elle ne doit pas être excessive. Dans un arrêt rendu le même jour que celui commenté et qui porte sur le même affaire, la Cour reconnait qu’il existe un réchauffement climatique à l’origine anthropique et qu’il peut être considéré comme un danger actuel ou un péril imminent pour la communauté humaine au sens de l’état de nécessité. Cependant, les requérants n'ont pas pu prouver que le vol du portrait du Président était un acte nécessaire pour protéger les personnes de ce danger[4].

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