Commentaire d'article 1195 du code civil
Commentaire de texte : Commentaire d'article 1195 du code civil. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar R34VY • 5 Décembre 2024 • Commentaire de texte • 3 615 Mots (15 Pages) • 17 Vues
SÉANCES 8 et 9
LE JUGE ET LE CONTRAT
Commentaire de l'article 1195 du Code civil.
Le rapport au Président de la République rela5f à l'ordonnance présente l'ar5cle 1195 du code civil, issu de la réforme du droit des contrats de 2016, comme cons5tuant « l'une des innova5ons importantes de l'ordonnance, puisqu'il introduit l'imprévision dans le droit des contrats français ». Il s’agira alors, à travers ce commentaire d’étudier plus par5culièrement
ceJe innova5on de la réforme.
L’ar5cle 1195 du code civil a été modifié par l’ordonnance du 10 février 2016 et consacre désormais l’imprévision. Il se trouve désormais au sein de la sec5on 1 (rela5f aux effets du contrat entre les par5es) du chapitre IV rela5f aux effets du contrat. Plus par5culièrement, il se place en dernière posi5on de la sous-sec5on rela5ve à la force obligatoire du contrat. Il se place ainsi comme excep5on à l’ar5cle 1193 du code civil, qui encadre les possibilités de modifier le contrat au nom du principe d’intangibilité de celui , en y consacrant la théorie de l’imprévision, permeJant ainsi l’immix5on, sous certaines condi5ons, du juge dans le contrat. L’alinéa 1 pose les condi5ons nécessaires à la reconnaissance de l’imprévision avant d’encadrer, en son alinéa 2, la possibilité pour le juge d’agir dans de telles circonstances.
La théorie de l’imprévision est une « théorie en vertu de laquelle le juge doit, à 5tre excep5onnel, rétablir l’équilibre d’un contrat dont les condi5ons d’exécu5on ont été gravement modifiées au détriment de l’une des par5es, à la suite d’événements raisonnablement imprévisibles lors de la conclusion de la conven5on, qui rend pour lui l’exécu5on excessivement onéreuse » (défini5on issue du Lexique des termes juridiques). Si le juge administra5f avait accepté de prendre en compte l’imprévision, la Cour de cassa5on avait pendant longtemps rejeté fermement ceJe théorie (Civ 6 mars 1876 dit « arrêt du canal de Craponne »). CeJe posi5on faisait du droit français, l’un des seuls pays européens à ne pas admeJre ceJe théorie. CeJe posi5on stricte s’explique par la contradic5on de la théorie de l’imprévision avec le principe fondamental de la force obligatoire du contrat consacré à l’ar5cle 1103 du code civil (ancien ar5cle 1134 al 1 du code civil). De ce principe de la force obligatoire du contrat découle un principe d’intangibilité du contrat qui impose qu’on ne puisse toucher au contrat une fois conclu sans l’accord de l’ensemble des par5es. Ce principe s’impose aussi bien à une par5e seule qu’au juge, 5ers au contrat. Ainsi, reconnaitre que le juge puisse modifier le contrat qui émane de la volonté des par5es, revenait à affronter directement ces principes. Pourtant, ce rejet strict de la théorie de l’imprévision avait déjà connu un léger infléchissement par la suite, avant d’être finalement brisé par la réforme de 2016 qui consacre, au sein de l’ar5cle 1195 du code civil, la un certain pouvoir d’immix5on du juge dans le contrat en cas d’imprévision.
Si l’ar5cle 1195 du code civil admet effec5vement un pouvoir de révision du contrat par le juge en cas d’imprévision, il s’agira de voir dans quelles mesures ceJe possibilité offerte par cet ar5cle est assez strictement limitée protégeant ainsi le principe fondamental de la force obligatoire du contrat en conférant ainsi à ce pouvoir d’immix5on du juge, un caractère davantage préven5f.
L’ar5cle 1195, en consacrant, sous strictes condi5ons, la théorie de l’imprévision (I) reconnait un pouvoir de révision du contrat au juge, qui joue en réalité un rôle davantage préven5f (II).
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I- Le cantonnement du recours au juge en cas d’imprévision
Le pouvoir d’immix5on du juge en cas d’imprévision n’est reconnu qu’à condi5on que l’ensemble des condi5ons nécessaire à l’existence d’une imprévision soient réunies (A) et qu’après la recherche d’un accord entre les par5es (B).
A) La soumission à diverses condi5ons de la reconnaissance de l’existence de l’imprévision
L’alinéa 1er de l’ar5cle 1195 dispose qu’il y a imprévision à par5r du moment où « un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rende l'exécu5on excessivement onéreuse pour une par5e qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque ». De ceJe formula5on, ressortent 3 condi5ons cumula5ves nécessaires à l’ouverture d’une ac5on fondée sur l’imprévision.
Ainsi, les condi5ons exposées sont assez strictes et excluent un certain nombre de situa5ons contractuelles du champ d’applica5on de cet ar5cle. Il convient de préciser de suite que, compte tenue de la nature de l’imprévision, si l’ar5cle ne vise pas spécifiquement les contrats à exécu5ons successives, il parait assez naturel de considérer que cet ar5cle a voca5on à s’appliquer à des contrats dont les obliga5ons s’échelonneraient dans le temps ou du moins les effets. Tout d’abord, pour reconnaitre l’imprévision, le code civil exige qu’il y ait eu un changement de circonstances imprévisibles. Ainsi, il ne suffit pas que le contexte d’exécu5on du contrat ait été modifié depuis la conclusion de celui-ci, encore faut-il que ce changement fût imprévisible. Pour prouver ce caractère imprévisible, les par5es devront s’aJacher à montrer que ces changements n’avaient pas été prévues par les par5es au contrat, et qu’en plus de cela, ces modifica5ons étaient raisonnablement imprévisibles, c’est-à-dire que le juge recherchera si, in abstracto, le changement était imprévisible pour une personne prudente placée dans la même situa5on. En effet, on ne saurait prendre en compte, au nom de la force obligatoire des contrats, un simple changement de circonstances qui aurait dû être an5cipé ou du moins dont le risque aurait dû être pris en compte lors de la négocia5on du contrat. CeJe formula5on ne précise pas le type de circonstances visées par ceJe procédure, qui pourraient donc être de différentes natures et non exclusivement économiques.
Néanmoins, la seconde condi5on exige que ce changement rende l'exécu5on du contrat excessivement onéreuse, c’est-à-dire que le changement doit avoir un impact économique, ce qui condi5onne donc en par5e la nature des circonstances prises en considéra5on. De plus, toujours concernant ceJe condi5on, la formule « excessivement » semble renvoyer à une certaine liberté d’apprécia5on par le juge.
Enfin, l’ar5cle 1195 du code civil soumet la reconnaissance d’une imprévision à l’absence d’une accepta5on de la survenance d’un tel changement. Ainsi, cela parait logique puisqu’on ne peut imaginer qu’un juge intervienne pour modifier ce que les par5es avaient accepter expressément. Ainsi, l’imprévision ne peut exister si les par5es ont prévu qu’elles accepteraient tout changement de circonstances.
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