Commentaire CE, ord., 9 janvier 2014, Soc. « Les productions de la Plume » et M. M’Bala.
Commentaire d'arrêt : Commentaire CE, ord., 9 janvier 2014, Soc. « Les productions de la Plume » et M. M’Bala.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar DayR Gh • 18 Avril 2023 • Commentaire d'arrêt • 2 793 Mots (12 Pages) • 208 Vues
Ryad Ghernaout, L2 Droit
L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dispose que si « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme » et si « tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement », c’est sous la réserve de devoir « répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Ainsi c’est aux juges qu’il appartient d’assurer un équilibre dans la limitation de libertés fondamentales en se fondant sur la loi.
En l’espèce, M M’Bala et la société les productions de la plume veulent présenter un spectacle « Le Mur » le 9 janvier 2014 à Saint-Herblain, or celui-ci va être interdit.
Le 7 janvier 2014, le préfet de la Loire-Atlantique va mettre en place un arrêté portant sur l’interdiction du spectacle, de M. M’Bala, " Le Mur " car celui-ci troublerait l’ordre public. M. M’ Bala et la société les productions de la plume vont déposer une requête contre l’arrêt préfectoral. Le 9 janvier 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, va ordonner dans l’ordonnance n° 1400110, la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet. Dans l’après-midi, le ministre de l’Intérieur va présenter un recours, et demander l’annulation de cette ordonnance et le rejet de la demande présentée, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes par la société « Les Productions de la Plume » et M. Bala.
Le ministre de l’Intérieur soutient son recours sur les motifs qu’il est parfaitement légal pour le préfet d’interdire un spectacle dès lors que son contenu porte atteinte à la dignité humaine ; il poursuit en affirmant que les troubles à l’ordre public qui seront provoqués par le spectacle sont, bien, suffisants pour justifier l’interdiction de celui-ci.
« L’arrêté préfectoral portant sur l’interdiction du spectacle de M. M’Bala est-il justifié ? »
Le conseil d’État affirme que l’arrêté portant sur l’interdiction du spectacle de M. M’Bala est tout d’abord bien autorisé par l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Il poursuit en assurant que, la liberté d’expression étant fondamentale, il appartient bien aux autorités chargées de la police administrative de prendre les mesures nécessaires à l’exercice de réunion. Les juges administratifs considèrent, de même, les précédentes condamnations pénales de M. M’Bala afin d’appuyer et de confirmer que le spectacle présenterait des risques sérieux de troubles à l'ordre public qu'il serait très difficile aux forces de police de maîtriser. Ainsi le Conseil d’État juge que la demande du ministre de l’Intérieur est fondée et que l’arrêté préfectoral portant sur l’interdiction du spectacle de M. M’Bala est bel et bien justifié. En effet les juges administratifs considèrent et affirment que « même si les propos, pénalement répréhensibles et qui ont été de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances tenues à Paris, ne seraient pas repris à Nantes ne suffisent pas pour écarter le risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la tradition républicaine ». Dès lors, il annule donc l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes en date du 9 janvier 2014. Enfin, il rejette par conséquent la requête présentée par les Productions de la Plume et par M. M’Bala devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes.
L’arrêt, ici, soulève et traite de différentes notions. La police administrative est une autorité intervenant dans un cadre préventif, elle agit avant qu’il y ait un trouble à l’ordre public. Elle est incarnée par des autorités publiques telles que le préfet, le maire, ou encore le ministre de l’Intérieur dans le cas de la police administrative spéciale. Sa finalité est donc bien le maintien de l’ordre public. La notion d’ordre public est définie initialement comme reposant sur « le bon ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques » (arrêt CE, 1959, Les Films Lutetia, n° 36385). La police administrative dispose ainsi de critères sur lesquelles elle doit se fondée afin de préserver cet ordre public. Ici, l’arrêt à commenter s’intéresse à la notion de dignité humaine qui se définit objectivement comme « la disposition de son propre corps qui ne contrevient pas à un modèle de comportement socialement prédéterminé comme acceptable » puis subjectivement comme « l’égale liberté des hommes à se gouverner . Elle implique le droit de chacun de ne se voir imposer aucun modèle de comportement. » C’est-à-dire laisser le libre arbitre aux personnes. Cette notion étant très floue, il existe nécessairement des risques de mauvaises interprétations. Le Conseil d’État fait donc une application très mesurée de la notion de dignité.
Dans une société démocratique où la liberté d’expression est fondamentale celle-ci étant reconnue par la loi, la Constitution et le droit européen, sa limitation vient exposer de grandes mesures nécessitant une justification claire dans notre État de droit. L’affaire Dieudonné expose ce cas et sa grande médiatisation exprime bel et bien l’importance des questions posées au Conseil d’État. La limitation dans l’intervention de la police administrative dans la préservation de l’ordre public est un enjeu majeur. Il advient de se demander nécessairement :
« Quelles sont les limites de l’intervention de la police administrative dans la préservation de l’ordre public ? »
Par « limites », j’entends traiter des différents critères nécessaires aux décisions de la police administrative, ainsi que des décisions des tribunaux administratifs qui interprètent et redéfinissent les notions d’ordre public, de dignité humaine, et des missions de la police administrative.
Nos développements s’ordonneront autour de la préservation de l’ordre public par la police administrative au détriment des droits fondamentaux et des libertés publiques (I) et la consécration de l’extension par le conseil d’État des critères de l’ordre public (II).
I/ La préservation de l’ordre public par la police administrative
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