Commentaire - CE, ord., 6 septembre 2020, Association « Les essentialistes »
Commentaire d'arrêt : Commentaire - CE, ord., 6 septembre 2020, Association « Les essentialistes ». Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar sabine.vlnt • 15 Novembre 2023 • Commentaire d'arrêt • 1 440 Mots (6 Pages) • 258 Vues
Commentaire - CE, ord., 6 septembre 2020, Association « Les essentialistes »
Accroche. Une chronique sur « Le Conseil d'Etat et la Cour de cassation par temps de crise » à précise que « La crise sanitaire déclenchée par l'épidémie de Covid-19 que connaît la France depuis mars 2020 est à cet égard topique des relations que peuvent entretenir le pouvoir exécutif, le Conseil d'État et la Cour de cassation par temps de crise ». Force est de constater que ces relations sont tout aussi étroites concernant l'ensemble des actes pris dans la gestion de la pandémie.
Faits. A cet égard, le préfet du Rhône a pris plusieurs arrêtés en date du 31 août 2020 visant à obliger le port du masque de protection pour les personnes de onze ans ou plus sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public des villes de Lyon et de Villeurbanne, à l'exception des handicapés.
Procédure. L'association « Les Essentialistes - région Auvergne-Rhône-Alpes » a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, l'exécution de ces arrêtés. Le tribunal administratif a enjoint au préfet du Rhône de modifier les arrêtés litigieux ou d'édicter de nouveaux arrêtés, afin d'exclure de l'obligation du port du masque les lieux des communes concernées qui ne sont pas caractérisés par une forte densité de population ou par des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion du virus et les périodes horaires durant lesquelles aucun risque particulier de propagation de ce virus n'existe.
Le ministre des solidarités et de la santé demande se pourvoi devant le juge des référés du Conseil d'Etat en lui demandent d'annuler cette ordonnance et de rejeter la demande présentée par l'association
« Les Essentialistes - région Auvergne-Rhône-Alpes » devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon.
Pb. Le Conseil d'Etat doit donc répondre à la question suivante : Le Préfet du Rhône pouvait-il légalement prendre des arrêtés obligeant le port du masque de protection pour les personnes de onze ans ou plus sur la voie publique ou dans l'ensemble des lieux ouverts au public des villes de Lyon et de Villeurbanne, exception faite aux handicapés justifiant d'une dérogation ?
Solution. Dans son ordonnance du 6 septembre 2020, le Conseil d'Etat estime que les Préfets peuvent imposer le port du masque sur des « zones suffisamment larges » d'un territoire, caractérisés par une forte densité de personnes. L'objectif de connaissance spécifique, des règles applicables est mise en avant par le juge. En l'espèce, il estime eu égard à l'instruction, que la densité des communes de Villeurbanne et Lyon ne permettent pas d'établir qu'elles justifient d'une dérogation au port du masque dans certaines zones de leur territoire. A ce titre, le ministre des solidarités et de la santé a pu valablement soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a enjoint au préfet du Rhône de modifier ses arrêtés ou d'édicter de nouveaux arrêtés excluant de l'obligation du port du masque tous les lieux des communes de Lyon et de Villeurbanne qui ne sont pas caractérisés par une forte densité de personnes.
Néanmoins, le Conseil d'Etat précise que la prise en compte des contraintes spécifiques du port d'un masque pour les habitants de la commune concernée est nécessaire. Sur ce point, il fait simplement état de l'impossibilité d'imposer une telle obligation imposée aux personnes pratiquant des activités physiques ou sportives.
Annonce de plan. Le juge met ainsi en avant le pouvoir du préfet en matière de police dans le cadre sanitaire. Il peut ainsi légalement condition le port du masque sur un territoire large (1), sous la contrainte de la simplicité et de l'uniformité dans l'application des mesures pour les personnes auxquelles elles s'adressent (I).
- La possibilité offerte au Préfet de conditionner légalement le port du masque sur un périmètre large
- La délimitation caractérisée de « zones suffisamment larges » et d'horaires d'application précis
- Décr. n° 2020-860 du 10 juill. 2020, art. 3 : les préfets sont habilités à interdire ou à restreindre par arrêtés les rassemblements, réunions ou activités au-delà des dispositions nationales.
- Point 10 : précise que le préfet peut délimiter des zones larges : notion importante = permet d'englober de façon cohérente les points du territoire caractérisés par une forte densité de personnes.
- Commentaire : extension classique des pouvoirs de police (Préfet = autorité classique dans le cadre du département = représentant de l'Etat). Objectif de lutte renforcée + 1 + contre le Covid: possible ici d'inclure les chiffres que donne l'arrêt sur le Covid.
- Que pensez d'une telle possibilité ? Application du critère classique ici (santé publique = application logique : V. CE, 2007, Mme Le Gac): 10 000 habitants par km carré + le juge parle des caractéristiques = ville à forte densité logique DONC périmètre large classique + horaires précis = on voit ici s'exercer un vrai contrôle sur la nécessité de la mesure (V. CE, 1933, Benjamin).
- L'exclusion imprécise des sportifs de l'obligation du port du masque
- Proportionnalité de la mesure suivant certaines personnes (CE, 1933, Benjamin) : le juge sert à savoir si la mesure est nécessaire et proportionnée pour l'ENSEMBLE des personnes concernées.
- Pourquoi les sportifs ? Difficultés pour les associations sportives de savoir ce qui doit s'appliquer : exclusion des sportifs sans trop de détails, parfois restrictions dans l'accès aux lieux, au stade (V.: B. Clavagnier, « Or, en la matière, force est de constater que les associations ont bien des difficultés à savoir ce qui est interdit ou autorisé », Juris associations 2020, n°626, P. 3).
- On déduit aisément pourquoi les sportifs sont exemptés du port du masque : MAIS l'arrêt brille par son absence de précision. Difficulté à respirer, le sport est une des priorités nationales donc volonté de ne pas interdire.
- Exclusion possible de certaines catégories de personnes mais le plus souvent on a des précisions sur l'exclusion : Rien n'est dit sur les handicapés alors que les arrêtés le prévoient ? Personnes ayant des difficultés respiratoires (V. CE, ord., 21 juillet 2020).
- La simplicité et l'uniformité dans l'application de l'obligation du port du masque
- L'argument accentué du juge en faveur d'une connaissance et d'une uniformité des règles d'application de l'obligation
- Point 10 IMPORTANT : Le Conseil d'Etat a précisé que les mesures de police sanitaire par les préfets doivent présenter un « caractère proportionné », apprécié « nécessairement en tenant compte de [leurs] conséquences pour les personnes concernées et de [leur] caractère approprié pour atteindre le but d'intérêt général poursuivi ». La « simplicité » et la « lisibilité » de la mesure de police, « nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les personnes auxquelles elle s'adresse, sont un élément de son effectivité [et] doivent à ce titre être prises en considération ».
- Souci de lisibilité et de compréhension : guide toute l'action des pouvoirs publics normalement. Rapprochement possible avec le souci d'intelligibilité et de simplicité de la loi ; notion de sécurité juridique (V. CE, 2006, Société KPMG : PGD).
- Notion importante : « de sorte que les personnes qui s'y rendent puissent avoir aisément connaissance de la règle applicable et ne soient pas incitées à enlever puis remettre leur masque à plusieurs reprises au cours d'une même sortie » = fait en sorte que les mesures soient les + simples possibles DONC contrôle de proportionnalité du juge : il semble ici y faire entrer le souci de simplicité et de cohérence. Composante du test de proportionnalité.
- L'émergence de nouveaux critères de légalité d'une mesure de police
- Pouvoirs du maire en matière sanitaire : Article L. 2212-2, 5° du code général des collectivités territoriales confie au maire « le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, [...] les maladies épidémiques ou contagieuses [...], de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours ».
- Critères normalement pour la légalité d'une mesure : mesures peuvent être plus sévères que les mesures prises par les préfets : il faut des circonstances locales particulières (cf. CE, 1959, Société des Films Lutétia; CE, ord., 22 mars 2020, Syndicat des jeunes médecins, n° 439674, Lebon).
- MAIS nouveau critère apparu : ne pas compromettre la cohérence des mesures prises par l'Etat (CE, ord., 17 avr. 2020, Ligue des Droits de l'Homme, n° 440057, Lebon) DONC nouveaux critères ou pas ?
- Nouvelles exigences pour la légalité des messires : simplicité et cohérence = le plus lisible possible. Critères qui s'appliquent à l'ensemble des mesures ou pas ? Plus que des critères : objectifs plutôt qui doivent guider l'action des pouvoirs publics et de l'administration.
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