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Cass. civ., 6 mars 1876, Canal de Craponne

Commentaire d'arrêt : Cass. civ., 6 mars 1876, Canal de Craponne. Recherche parmi 301 000+ dissertations

Par   •  12 Février 2025  •  Commentaire d'arrêt  •  1 573 Mots (7 Pages)  •  30 Vues

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Cass. civ., 6 mars 1876, Canal de Craponne

Dans son œuvre majeure de 1762, Du Contrat Social, Jean-Jacques Rousseau proclame que « l'ordre social ne vient pas de la nature ; il est fondé sur des conventions ». Ce postulat érige les accords juridiques en fondement de l'harmonie sociétale, leur violation étant perçue comme une source de désordre. Cette conception philosophique trouve une consécration juridique dans le Code civil napoléonien, à travers l’ancien article 1134, aujourd’hui transposé à l’article 1103, qui consacre le principe de la force obligatoire des contrats. Ce principe perdure, connaît une importance cruciale et confère aux conventions la même autorité que la loi pour ceux qui les ont librement conclues. Longtemps appliqué avec une rigueur inflexible par la jurisprudence, il interdisait toute remise en cause des contrats, même lorsque des circonstances imprévisibles en bouleversaient l'équilibre. L’arrêt historique du Canal de Craponne, rendu par la Chambre civile de la Cour de cassation le 6 mars 1876, en constitue une illustration emblématique, témoignant de ce respect absolu de la lettre des engagements contractuels.

1876

En effet, par un acte de 1567, Adam de Craponne s’engage à la construction d’un canal dans le but d’arroser les propriétés de la commune de Pélissane, faisant ainsi peser sur les habitants une certaine contrepartie pécuniaire. Trois siècles plus tard, les propriétaires de l’œuvre de Craponne procèdent à une augmentation de cette redevance, celle-ci n’étant plus adaptée aux dépenses nécessaires à l’entretien du canal.

Le 31 décembre 1875, suite à un appel interjeté, la Cour d’appel d’Aix rend une décision favorable à la demande des gestionnaires du canal, imposant une augmentation de 30, puis 60 centimes à partir de 1874 au motif que la redevance n’était plus en rapport avec les frais d’entretien du canal de Craponne. Ainsi, les habitants de la commune de Pélissane se pourvoient en cassation sur les moyens qu’il n’appartient pas aux tribunaux de prononcer une modification contractuelle relativement à l’ancien article 1134 du Code civil (s’appliquant aux contrats conclus avant la promulgation du Code) et que la force obligatoire n’autorise pas les contrats à être modifiés par l’inclusion de clauses nouvelles.

Fort de ce qui précède, il convient de s’interroger sur la compétence des juges à modifier les stipulations d’un contrat en raison de l’évolution des circonstances économiques et temporelles pour en rétablir l’équilibre.

La Haute juridiction tranche par la négative, affirmant avec fermeté que le juge n’a pas compétence pour modifier les obligations contractuelles en se fondant sur le temps ou les circonstances, si imprévisibles soient-elles. Elle souligne également l’impossibilité pour le juge d’introduire de nouvelles clauses dérogeant à celles librement arrêtées par les parties lors de la conclusion du contrat. En s’appuyant sur l’article 1134 du Code civil dans sa version antérieure à la réforme, les juges du quai de l’Horloge reprochent à la Cour d’appel d’Aix d’avoir méconnu le principe sacro-saint de la force obligatoire des contrats, réaffirmant ainsi l’intangibilité des conventions et le respect absolu de la volonté contractuelle.

Il convient d’examiner avec précision les fondements juridiques ayant conduit la Cour de cassation à écarter la théorie de l’imprévision (I) ainsi que l’assouplissement progressif de ce rejet qu’implique la portée de la solution des juges de la Haute juridiction (II).

I. L’exclusion stricte de la théorie de l’imprévision

Le légicentrisme, pierre angulaire de la tradition juridique française, érige la loi en source suprême du droit. Ainsi, lorsque le texte légal proclame que les conventions tiennent lieu de loi pour ceux qui les ont conclues, les juges, en véritables bouches de la loi, en appliquent la lettre avec une stricte rigueur, sans céder à l'invitation de l'interprétation ou de l'équité.

A. Le principe d’intangibilité et l’écartement de l’iniquité

« La règle qu’il consacre est générale est absolue ».

Relativement à l’ancien article 1134, la Cour de cassation rejette la prise en compte de toute circonstances déséquilibrant le contrat, la disposition légale s’imposant sans différence à toute situation. Quid de la situation de la force majeure ? Circonstance exceptionnelle, étrangère à la personne de celui qui l'éprouve, qui a eu pour résultat de l'empêcher d'exécuter les prestations qu'il devait à son créancier dont l’inexécution devient alors impossible dans des condition d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et d’extériorité. L’évolution du marché influence les coûts d’entretien du canal, élément dont le contrôle n’incombe pas aux propriétaires du canal, et où seule la révision du contrat lui permettrait de continuer à exécuter son obligation (à savoir : la fourniture d’eau, dont l’entretien du canal est une nécessité).

Le respect de l’ancien article 1134 implique également l’exécution des contrats en faisant preuve de bonne foi. Un contractant qui profite d’une situation conventionnelle déséquilibrée en refusant de consentir à sa révision malgré la connaissance de la volonté de son cocontractant peut être assimilé à de la mauvaise foi, donc à la violation de cette règle « générale et absolue ».

L’ancien article 1134 s’impose

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