Tartuffe, Molière, 1664, Acte III, scène 2
Commentaire de texte : Tartuffe, Molière, 1664, Acte III, scène 2. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar emmabts111 • 27 Décembre 2016 • Commentaire de texte • 1 830 Mots (8 Pages) • 6 966 Vues
COMMENT MOLIERE, A TRAVERS TARTUFFE, ILLUSTRE-T-IL LE CASTIGARE RIDENDO MORES ? AUTREMENT DIT, EN QUOI CETTE GRANDE COMEDIE SE REFERE-T-ELLE AU PRINCIPE DE LA COMEDIE SELON LEQUEL CELLE-CI DOIT CORRIGER LES MŒURS PAR LE RIRE ?
Tartuffe, Molière, 1664, Acte III, scène 2
Molière, de son vrai nom Jean Baptiste Poquelin, est un dramaturge et comédien français du XVIIe siècle, considéré comme l'un des plus grands écrivains de la littérature universelle1. Il fut en outre le chef d'une troupe de théâtre, qui est à l'origine de l'actuelle Comédie-Française et qui s'illustra, à Paris et en province, sous la régence d'Anne d'Autriche.
LE texte soumis à notre étude est le Tartuffe ou l’Imposteur, une comédie en V actes écrite en 1664 par Molière et mettant en scène un homme, Orgon, l’archétype du personnage de cour tombé sous la coupe de Tartuffe, un hypocrite et un faux dévot. Ce dernier réussit à le manipuler en singeant la dévotion et il est même parvenu à devenir son directeur de conscience. Dans cette scène
- DES SOUPCONS CONFIRMES
Deux portraits IN ABSTENTIA de Tartuffe ont déjà été brossés : celui d’un goujat grossier et épicurien, campé par les propos de Dorine(acte I scène 4) et celui d’un homme confit en sainteté, vénéré par Orgon à la scène suivante (acte I scène 5). Cette scène confirme les soupçons quant à la duplicité du personnage.
- Le personnage éponyme montre une double face, feignant tout d’abord une dévotion que l’on retrouve dès la première tirade avec un champ lexical liturgique, il est ensuite présenté comme un être charnel perturbé par ce qu’il voit exprimant la célèbre tirade « Couvrez ce sein que je ne saurai voir »L861. En effet, c’est en apercevant Dorine qu’il feint d’être saint, il devient alors impossible de douter de la duplicité du personnage.
- Il cherche à exprimer les qualités chrétiennes dont le dévot doit faire preuve, la piété L853, la charité L856 et enfin la chasteté L861.Le faux dévot entend alors à se faire valoir aux yeux de Dorine.
- Lors de sa première tirade dans cette scène 2 de l’acte III, Tartuffe réclame à Laurent sa haire et sa discipline L853. Il s’agit de la pratique de la mortification afin de se punir soi-même, le dolorisme où on retrouve la base de la douleur.
- UN EFFET DE SURPRISE
Dans cette scène, les objets jouent un rôle particulièrement important. Après la haire et la discipline, il est question d’un mouchoir, dont la raison d’être attise très fortement la curiosité du spectateur. Véritable metteur en scène de son propre personnage, Tartuffe y recourt comme à un accessoire hautement symbolique.
- Ici Tartuffe interrompt Dorine, lui permettant de mettre en scène son indignation face au décolleté de Dorine. L’effet de surprise est créée dès lors que Tartuffe empêche Dorine de finir sa phrase, de plus ce dernier s’exclama V859, la surprise prend le spectateur qui ne s’attendait pas à une rupture du texte.
- Tartuffe utilise le registre délibératif afin d’inciter Dorine à couvrir son décolleté. Il veut se faire saint en délivrant ses prescriptions morales. Le champ lexical accompagnant ce registre n’est autre que celui du religieux pour accentuer sa propre impression de vertu.
- Or ce « mouchoir », utilisé au cœur de ses répliques ramène aux choses temporelles et physiques. L’emploi auquel il le destine ne saurait faire détourner le spectateur de cette feinte. Le mouchoir devient alors un objet symbolique au cœur du débat entre le faux dévot et Dorine.
- LA CONCUPISCENCE DEMASQUE
Dans cette courte scène, Dorine et Tartuffe forment un irrésistible duo comique, dont l’efficacité tient en grande partie à la résistance sceptique que la servante oppose à la comédie de son interlocuteur. L’hypocrite a affaire à un adversaire de tout premier ordre, Dorine ayant déjà largement confirmé son audace et son impertinence verbale, annoncés dans le portrait que Mme Pernelle a fait d’elle dans la scène 1 de l’acte I. C’est elle qui, par ses réactions compromet l’efficacité de la représentation du personnage.
- Pour le spectateur, Dorine est loin de se laisser convaincre et présente une forte incrédulité face aux moyens employés par Tartuffe. Elle répond à sa demande de se couvrir de manière rude, et le présente sous son vrai jour V863. Elle montre une totale incrédulité V866. On remarque notamment l’emploi de la double énonciation, en plus de se dresser face au faux dévot, elle informe le spectateur de sa véritable nature.
- Le fameux personnage est alors tourné en ridicule par Dorine. Elle n’éprouve pas une once de culpabilité à la suite de la réprobation scandalisée du prude Tartuffe et retourne la chose contre lui. Elle lui fait entendre que si lui est si sensible à la tentation charnelle, le faux dévot n’est en rien attirant. Ce dernier se retrouvant humilié feint de vouloir partir afin d’évité le « peu de modestie » de Dorine.
- Se présente alors l’hypothèse d’un Tartuffe réellement sensible au charme féminin. L’excès de pudeur du personnage traduirait alors une véritable surprise des sens, et c’est l’ironie cinglante de Dorine aux V863-868 qui jette la lumière sur son comportement. De plus, il semble être plus que sensible à la venue imminente d’Elmire ce qui vaut une dernière affirmation cachée de Dorine quant à sa réelle nature.
Dans cette scène de transition, sans enjeu dramatique latent, à l’exception de l’apparition de Tartuffe, Molière réussit à confirmer le jugement et les a priori du spectateur, tout en ménageant chez lui un effet de surprise comique. La postérité ne s’y est pas trompée qui, parmi toutes les répliques prononcées par Tartuffe, a retenu celle-ci : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir », emblématique de l’hypocrisie pudibonde du personnage.
Lorsque Molière fit sa première représentation de Tartuffe auprès du roi le 12 mai 1664, les dévots demandèrent l’interdiction de la pièce. Les dévots organisent une véritable cabale contre ce dramaturge libertin, qu’ils accusent de vouloir discréditer la dévotion sincère sous couvert de dénoncer l’hypocrisie religieuse. Pourtant Molière le revendique et l’explique au Roi lors de son Premier Placet présenté au roi, « le devoir de la comédie étant de corriger les hommes en les divertissant », il a cru bon de s’attaquer à un des vices de son siècle, l’hypocrisie, notamment religieuse.
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