Hugo, Les Misérables : Fantine
Fiche : Hugo, Les Misérables : Fantine. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Marieb2005 • 10 Février 2022 • Fiche • 3 326 Mots (14 Pages) • 1 729 Vues
Olympe, S13, LL4 1ère
« Fantine , une femme esclave de la misère et de la prostitution» , Hugo, Les Misérables |
Lecture linéaire n°4 « Fantine , une femme esclave de la misère et de la prostitution »
XI - Christus nos liberavit
Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Fantine ? C’est la société achetant une esclave. À qui ? À la misère.
À la faim, au froid, à l’isolement, à l’abandon, au dénuement. Marché douloureux. Une âme pour un morceau de pain. La misère offre, la société accepte.
La sainte loi de Jésus-Christ gouverne notre civilisation, mais elle ne la pénètre pas encore. On dit que l’esclavage a disparu de la civilisation européenne. C’est une erreur. Il existe toujours, mais il ne pèse plus que sur la femme, et il s’appelle prostitution.
Il pèse sur la femme, c’est-à-dire sur la grâce, sur la faiblesse, sur la beauté, sur la maternité. Ceci n’est pas une des moindres hontes de l’homme.//
Au point de ce douloureux drame où nous sommes arrivés, il ne reste plus rien à Fantine de ce qu’elle a été autrefois. Elle est devenue marbre en devenant boue. Qui la touche a froid. Elle passe, elle vous subit, et elle vous ignore ; elle est la figure déshonorée et sévère. La vie et l’ordre social lui ont dit leur dernier mot. Il lui est arrivé tout ce qui lui arrivera. Elle a tout ressenti, tout supporté, tout éprouvé, tout souffert, tout perdu, tout pleuré. Elle est résignée de cette résignation qui ressemble à l’indifférence comme la mort ressemble au sommeil. Elle n’évite plus rien. Elle ne craint plus rien. Tombe sur elle toute la nuée et passe sur elle tout l’océan ! que lui importe ! c’est une éponge imbibée.
Elle le croit du moins, mais c’est une erreur de s’imaginer qu’on épuise le sort et qu’on touche le fond de quoi que ce soit.
Victor Hugo, Les Misérables, 1862.
Introduction
Victor Hugo est un écrivain et homme politique français du XIXè siècle. Chef de file du romantisme, son talent s’exprime en poésie, au théâtre et aussi dans des œuvres romanesques. Il est également connu pour ses prises de positions politiques contre Napoléon III, contre la peine de mort et pour la défense des plus faibles. Il publie en 1962 une grande fresque s’intéressant aux plus démunis, intitulée les Misérables. On suit l’itinéraire de Jean Valjean, ancien bagnard, qui croise sur son chemin plusieurs personnages clefs comme Fantine. Cette jeune femme, fille mère, dont le prénom est liée d’ailleurs à l’enfance (infans), doit confier sa fille aux Thénardier afin de pouvoir trouver un emploi. Pour payer la pension de Cosette et d’autres sommes demandées par les aubergistes malhonnêtes, Fantine va de déchéance en déchéance. L’extrait que nous allons étudier, tiré du chapitre XI « Christus nos liberavit » (Christ nous a délivrés) propose un portrait de cette femme qui a sombré dans la misère de la prostitution.
Mouvements
Ligne 1 à 9 : le réquisitoire contre la prostitution
Ligne 10 à 18 : le destin pathétique de Fantine
Comment Hugo mène-t-il un véritable réquisitoire contre la prostitution à partir de l’exemple de Fantine ?
Premier mouvement(l. 1 à 9) : le réquisitoire contre la prostitution
Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Fantine ? C’est la société achetant une esclave. À qui ? À la misère.
À la faim, au froid, à l’isolement, à l’abandon, au dénuement. Marché douloureux. Une âme pour un morceau de pain. La misère offre, la société accepte.
Le chapitre XI est intitulé « Christus nos liberavit » c’est-à-dire Christ nous a délivrés. Le latin donne une certaine solennité à ce titre, lui donne des accents bibliques (les cérémonies religieuses se faisant en latin au XIXème siècle). NB : la Bible n’est pas en latin à l’origine mais en hébreu, araméen et grec. Il suggère que le fils de Dieu a délivré les hommes de leurs pêchés. On peut penser que Victor Hugo exonère Fantine de toute culpabilité vis-à-vis de la prostitution sur un plan religieux d’abord, puis sur un plan social dès le début du chapitre.
Dans ce début de chapitre, le narrateur laisse un peu la place à l’orateur. Il est moins question dans ce passage de raconter les mésaventures précises de Fantine que de mener une réflexion sur la prostitution. C’est ce qui est d’emblée affiché par la question rhétorique initiale « Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Fantine ? » Hugo semble prendre du recul pour interroger le lecteur sur « cette histoire » qu’il vient de lire, le démonstratif ayant une valeur de reprise ici. Le registre plutôt familier de l’interrogation par « qu’est-ce que c’est que » et non « qu’est-ce » suggère peut-être une mise en adéquation avec le sujet évoqué, celui de la misère. Il s’agit de faire une pause réflexive.
La réponse se fait cinglante, introduite par le présentatif « c’est » au présent de vérité générale : « c’est la société achetant une esclave ». La phrase est courte, comme un coup de poing, elle veut choquer. L’accusation est forte. Hugo par une métaphore, associe le sort subi par Fantine à de l’esclavage : l’aliénation de l’être humain. Le terme de prostitution n’est pas encore évoqué mais le lecteur sait ce qu’il est advenu de Fantine à ce moment du roman.
Hugo poursuit son réquisitoire par une seconde question rhétorique plus courte concernant le deuxième coupable, concernant l’identité du « marchand » avec « A qui ? » La réponse est également très courte pour une dénonciation très forte : « à la misère ». Le terme vient en écho avec le titre même du roman Les Misérables, et montre le rôle majeur de la pauvreté dans la société du XIXème siècle. Fantine est l’incarnation du destin des femmes pauvres : un exemplum au sein de toute l’argumentation menée par Hugo. Elle n’est plus seulement le personnage ici mais un emblème de toutes les femmes misérables. Son prénom n’est d’ailleurs plus rappelé dans les lignes 2 à 9.
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