Roberto Zucco de Bernard Marie Koltès

Roberto Zucco

Nous avons tous une part de nous qui aime être informée des cruautés qui peuvent se passer autour de nous en lisant la rubrique faits-divers dans le journal. D’ailleurs, souvent, plus le fait-divers est sordide, plus nous nous y intéressons. Il peut même arriver que la personne à l’origine de ces horreurs nous apparaisse comme étant plus qu’un simple criminel. Il en est de même pour certains écrivains. C’est en tout cas ce qu’exprime Christophe Perton, metteur en scène de théâtre français, lorsqu’il affirme, en parlant de la pièce « Roberto Zucco » de Bernard-Marie Koltès, que « pour les écrivains, le texte du fait divers permet de s’interroger sur le hasard, la fatalité et le destin. Il pose également les problèmes de la nature humaine et de la destinée et met en jeu la mort, la violence, le sexe, les lois et leur transgression ». Autrement dit, les thèmes abordés dans les œuvres liées à un fait divers le sont rarement ailleurs car ils sont souvent délicats à traiter. Évidemment, ces thèmes peuvent aussi être abordés dans une œuvre imaginaire, mais le fait d’ajouter à l’œuvre le fait divers permet à cette dernière d’être encore plus réelle et faire vivre au spectateur des sensations différentes.

Il continue en disant que « Zucco, assassin sublimé en figure mythique, est dans ce qui ressemble plus à une épopée qu’une cavale ». Il est ici insinué que Zucco, personnage principal de la pièce, bien qu’il soit un assassin, peut être vu d’une manière toute autre. En effet, ce dernier se rapproche fortement de la figure d’un héros grec en pleine épopée, du moins il en possède toutes les caractéristiques : Dans la mythologie grecque, un héros est « un mortel qui a accompli des exploits remarquables grâce à son courage, sa force physique ou son intelligence » . Grâce à ses exploits, il est au-dessus des hommes normaux et plus proche des dieux. Il utilise sa force physique mais aussi son intelligence. Il prend de la valeur en combattant des adversaires qui sont, eux aussi, exceptionnels. Dans la plupart des cas, le héros grec tue. Dans son épopée, le héros prend généralement part à un long voyage et affronte les adversaires qui souhaitent l’empêcher de poursuivre son voyage. Nous allons donc nous demander ce qu’un fait divers peut apporter de plus à une œuvre, en nous penchant plus spécialement sur le cas de Bernard-Marie Koltès. Dans un premier temps, nous verrons comment, futilement, Bernard-Marie Koltès a réussi en liant son œuvre « Roberto Zucco » avec un fait divers à nous faire réfléchir sur la nature humaine et à la fatalité du destin puis, dans un deuxième temps, comment, à contrario, de manière extravagante, il a mis en avant des thèmes aussi tabous que la mort, la violence, le sexe, les lois et leurs transgressions ? Enfin, nous verrons en quoi, dans cette pièce, Zucco représente un héros de la Grèce antique en pleine épopée.

Lorsque nous observons les humains, nous voyons plus leurs différences que leurs points communs. Ainsi, il peut arriver qu’en raison de ces différences, le statut d’humain puisse être refusé à certains. Lorsque, par exemple, à cause de la violence ou de l’atrocité des actes, nous disons que certains hommes sont inhumains. C’est le cas dans la pièce de Koltès. Dès le début, Zucco est qualifié de « bête furieuse » (p.12) ou encore de « bête sauvage » (p.12) à cause de ses actes. Cependant, il essaye de se détacher de son destin et d’affirmer sa liberté personnelle en s’évadant de la prison. Nous pouvons également voir une certaine fatalité lorsque les voix préviennent que Zucco va chuter. Cependant, tout au long de la pièce, Zucco suit sa destinée sans manifester de sentiments hostiles face à son destin. Tout cela nous invite à nous demander s'il existe une nature humaine et à nous questionner sur la fatalité du destin.

Le fait divers permet à l’écrivain d’aborder certains thèmes et de les remettre en question. Ces aspects, tels que « la mort, la violence, le sexe, les lois et leur transgression » n’auraient peut-être pas été abordés de manière aussi crue, allant même jusqu’à choquer, sans l’ajout du fait divers dans l’œuvre.

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