Le genre théâtral peut-il avoir une portée argumentative ?

Dissertation

Le genre théâtral peut-il avoir une portée argumentative ?

Le théâtre est certainement l’un des genres littéraires des plus anciens. Son origine remonte en effet à plus de six siècles avant Jésus-Christ, à l’époque antique grecque. Malgré son ancienneté, le théâtre fascine toujours et continue donc d’être lu, représenté et donc vu. Si le théâtre peut être considéré comme un divertissement, il est aussi porteur de messages, de critiques et de prises de position. Ainsi, nous nous demanderons si le genre théâtral peut avoir -ou non- une portée argumentative. Dans une autre dimension, nous pouvons nous demander si des genres théâtraux se prêtent mieux à l’argumentation que d’autres.

Pour répondre à la problématique posée, il convient tout d’abord d’analyser précisément les différents termes du sujet. Par “genre théâtral”, on entend un ensemble de plusieurs “types” de théâtre, tels que la tragédie, la comédie, le vaudeville ou encore le drame. Le mot “théâtre”, quant à lui, vient du latin “theatrum” et du verbe “theastai” qui signifie voir, contempler. Le théâtre est donc, par définition, fait pour être vu, représenté.

Pour ce qui est de la “portée argumentative”, on constate que son origine vient du mot latin “argumentatio”, qui veut dire preuve, clarification...

Nous verrons tout d’abord que le théâtre peut en effet véhiculer une portée argumentative, notamment par le biais de la double énonciation. Puis, nous remarquerons que la mise en scène théâtrale peut constituer un superflu lors de l’exposition d’arguments en réduisant ainsi la portée.

Victor Hugo disait: “le théâtre est une tribune”. Or, le mot tribune peut avoir plusieurs significations: il peut être un simple endroit surélevé, où quelqu'un monte pour exposer ses idées, argumenter; mais il peut aussi être un emplacement de page dans un journal, où une personne vient affirmer sa doctrine.

Ainsi, le théâtre peut être un moyen d’exprimer des idées à travers des arguments.

Tout d’abord, il est impératif de dire que le théâtre est un art accessible. En effet, de part leurs représentations, des oeuvres difficiles à la lecture peuvent être vues par un plus large public. Pour un auteur de théâtre -ou la troupe qui joue la pièce- il est plus facile de faire passer un message, une critique, car le spectateur n’a pas besoin de savoir lire. De fait, au théâtre, le non-verbal rentre en jeu, et permet une plus grande liberté d’interprétation pour ce qui est de l’argumentation. En revanche, des textes argumentatifs non-théâtraux, tels que l’essai, très populaire durant le siècle des Lumières, ou encore l’apologue -plus antique- seront moins accessibles à un public illettré.

Le facteur de l'analphabétisme est important à prendre en compte, car, comme nous le savons tous, à l’apogée du théâtre français, au XVIIIème siècle, toute la population ne savait pas lire ni même écrire…

Avec la notion “docere, movere, placere”, introduite par Aristote dans son ouvrage Poétique , le théâtre peut allier plaisir du spectateur avec “instruction”, apprentissage. En effet, ces trois mots signifiant “Enseigner, émouvoir et plaire” sont régulièrement utilisés dans le genre de l’argumentation. Pour une comédie théâtrale, le but premier est de faire rire, ce qui rattache donc la pièce au “placere”. Mais elle peut également contenir une critique plus profonde, d’un défaut humain par exemple, comme dans Tartuffe, la pièce du mythique Molière, qui critiqua vivement l’hypocrisie, notamment religieuse (faux dévots). On dira même que, dans une lettre adressée au Roi, dans le but de ne pas faire censurer la pièce, Tartuffe ou L’imposteur, Molière dit: “Le devoir de la comédie est de corriger les hommes en les divertissant”. Pour ce qui est de la tragédie, il est possible de rajouter la notion de “movere” qui veut dire émouvoir. Ainsi, la tragédie est capable d’émouvoir, de plaire et d’instruire. C’est par exemple le cas dans la tragédie en cinq actes de Jean Racine, Phèdre et Hippolyte, où le public s’immisce dans la situation désastreuse de Phèdre, qui se trouve entre passions incestueuses, fausses accusations et détresse vis-à-vis de son époux, Thésée (qu’elle croyait mort). Cette pièce à également vocation à instruire puisqu’elle interroge les valeurs morales du spectateur.

De plus, je ne pense pas que toute oeuvre soit neutre: derrière chaque pièce de théâtre, roman, fable, se trouve un auteur, qui n’est que rarement impartial. Un auteur a des idées à défendre, des convictions politiques, religieuses, sociales. Nous pouvons donc en conclure, que, comme dans tout autre art, le théâtre est un moyen de faire passer des idées, par le biais d’arguments. Eugène Ionesco fit par exemple la critique des régimes totalitaires avec sa pièce Rhinocéros, en 1959.

Ensuite, il est important d’introduire la notion de double énonciation. Le personnage de théâtre, lorsqu’il adresse sa réplique, va le faire de manière double: il va tout d’abord adresser sa réplique au personnage qu’il a en face de lui, sur scène, mais aussi vers le public. Cependant, on oublie trop souvent que la double énonciation se fait également de l’auteur vers le public, par l’intermédiaire des acteurs. En cela, on peut qualifier la double énonciation de “masque” pour l’auteur.

Ce procédé va donc agir comme une sorte d’anonymat pour l’auteur, puisqu’il est capable d’exprimer ses idées, sa doctrine, derrière un ou des personnages. Il va donc, dans ce sens, être plus libre dans son écriture.

Lorsque l’on parle d’argumentation dans le théâtre, il est impératif de parler des monologues, éléments essentiels à l’exposition d’arguments. Dans un monologue, un personnage

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