La production de l’idéologie dominante
Dissertation : La production de l’idéologie dominante. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar gandalf54 • 29 Mai 2013 • Dissertation • 2 488 Mots (10 Pages) • 856 Vues
Luc Boltanski RENDRE LA RÉALITÉ INACCEPTABLE
À propos de «La production de l’idéologie dominante»
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© Éditions Demopolis, 2008 24, rue du Champ-de-l’Alouette 75013 Paris
ISBN: 978-2-35457-023-1 DEM_Boltanski.indd 6 21/08/08 16:38:27
159 De l’idéologie dominante à la domination sans idéologies
Le mode de domination consistant à changer pour conserver en invoquant la nécessité et en prenant appui sur une gouvernance par les experts, dont «La Production» décrit, en 1976, la mise en place, est plus que jamais d’actualité. On ne peut
pas pourtant ne pas être frappé par les modifications
intervenues depuis lors et qui vont dans le sens d’un
durcissement de ce régime politique. On assiste en
effet actuellement à un retour du « conservatisme
progressiste » dans le giron du « conservatisme
déclaré ». Du même coup, on voit bien tout ce que
le conservatisme progressiste des années 1960-1970
avait de réactif. Discours de dénégation il devait
encore tenir compte, d’une part comme on l’a déjà
noté – de la compromission d’une grande partie des
porte-parole du conservatisme déclaré avec les régimes
fascistes qui avaient dominé l’Europe après les
années 1930. Mais il était aussi, d’autre part, encore
sous le coup de la révolte de Mai 1968 avec laquelle
il lui fallait bien composer. C’est bien, par exemple,
la nécessité de composer avec certaines des deman-
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Rendre la réalité inacceptable
des – sans doute les plus digérables – ayant émergé
du mouvement de Mai, qui conduira le management,
dans les années 1980, à valoriser l’initiative
individuelle des travailleurs et à prôner des formes
« d’autonomie » qui se révéleront assez vite destinées
à substituer l’autocontrôle (moins coûteux) au
contrôle rapproché par l’encadrement de premier
niveau, avant d’être rendues obsolètes par la mise
au point de techniques de contrôles informatiques à
distance, marquant le retour d’une version sophistiquée
du taylorisme.
Or les années de la collaboration sont aujourd’hui
loin et définitivement renvoyées dans le passé, ce qui
laisse l’espace politique ouvert à la droite décomplexée
qui s’est forgée dans les clubs des années
1970-1980. Mais surtout, comme n’ont cessé de
le répéter les discours politiques délivrés au cours
des deux dernières années (depuis la droite, bien
sûr, mais parfois aussi, il faut bien le dire, depuis la
gauche) c’est sur le projet explicite d’en finir avec
Mai 1968 – cet être collectif pourtant déjà vieux de
quarante ans mais semble-t-il increvable – accusé de
tous les péchés (de la perte d’autorité parentale au
déclin de l’Université en passant par l’« arrogance »
et les « exigences exorbitantes » des émigrés, des
étrangers et, en général, des travailleurs), que les
« responsables » actuellement au pouvoir ont bâti
leur image de marque. Il ne s’agit plus, comme ce
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De l’idéologie dominante à la domination sans idéologies
fut le cas du milieu des années 1970 aux années
1990, de récupérer ce qui pouvait sembler bon à
prendre dans les mots de Mai. Le progrès, qu’ils
évoquent toujours, n’est plus à l’opposé de la réaction.
Il doit au contraire se réaliser par la réaction
(à Mai 1968), par la rigueur, par le respect des traditions,
par le retour à l’autorité et aux « valeurs ».
Le discours du pouvoir est donc aujourd’hui celui
d’une droite qui, considérant qu’elle a gagné sur
tous les plans, n’a plus besoin de ménager une opposition
vaincue, de se donner des allures progressistes,
ni de jouer à la gauche. La droite est de droite.
Ainsi, tandis qu’à l’époque où « La production… »
a été écrit, le thème mobilisateur officiel est encore
la « réduction des inégalités » (entre classes, entre
régions, entre genres, entre établissements scolaires,
etc.) en référence à une philosophie politique qui se
donne pour idéal la diminution des « handicaps »,
toutes les « réformes » mises en oeuvre actuellement
...