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L'autonomisation du droit administratif

Dissertation : L'autonomisation du droit administratif. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  9 Octobre 2022  •  Dissertation  •  3 271 Mots (14 Pages)  •  296 Vues

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Dissertation : « L’autonomisation du droit administratif »

 Conformément à l’ancien président du droit international et professeur à l’université Paris II Panthéon-Assas, Prosper Weil, « l’existence même du droit administratif relève du miracle », et si cette citation semble souligner l’existence du droit administratif comme circonstancielle et aléatoire, elle semble omettre en réalité l’idée que ce droit est avant tout le fruit d’un long processus sous-jacent au droit commun, comme l’évoque le magistrat et historien du droit, Rodolphe Dareste puisqu’il « n’est peut-être pas un seul principe, une seule règle de droit administratif qui ne trouve son origine dans l’ancien droit » (la Revue historique de droit français et étranger, 1855). En effet, on retrouve l’idée d’un droit administratif qui puise ses racines sous l’Ancien Régime notamment sur le plan fonctionnel, soit l’ensemble des missions d’intérêt général qui sont prises en charge par l’état pour répondre à nos besoins (essentiels à la cohésion sociale) que l’on peut retrouver à travers le budget de l’Etat (santé, sécurité, éducation, défense, etc.). A contrario, sur le plan organique, c’est-à-dire l’ensemble d’institutions, des services et organes qui relèvent des personnes publics (état, collectivités territoriales, établissement, etc.), le droit administratif relève bien plus de conditions particulières et soudaines, conformément à la pensée de P. Weil, puisqu’il n’a pas d’antécédent direct sous l’Ancien Régime. Dès lors que l’ambiguïté de l’essor du droit administratif est saisie, les professeurs de droit émérites Jean Rivero et Jean Waline vont proposer une synthèse des conceptions du droit administratif en le désignant comme « l’ensemble des règles juridiques distinctes de celles de droit privé qui régissent l’activité administrative des personnes publiques » (Droit administratif, 2006, 21e édition publiée chez Précis). Néanmoins, il faut réaliser que cette approche ne peut s’apprécier qu’au regard d’un phénomène qui a mue le droit administratif tout au long de son essor qu’est l’autonomisation, c’est-à-dire le « pouvoir de se déterminer soi-même grâce à la faculté de se donner sa propre loi » (Gérard Cornu, Vocabulaire Juridique, 13e édition, 2020), puisque sans ce processus, le droit administratif ne pourrait être abordé que de manière restrictive.

  Pour certains membres de la doctrine, le droit administratif trouve ses origines dans la Révolution française puisqu’elle hérite d’une loi du 16 et 24 août 1790 qui créaient pour la première fois la distinction entre juridictions judiciaires et juridictions administratives à l’article 13 (c’est le fruit des stigmates de l’Ancien Régime durant lequel les juridictions encombraient le pouvoir royal.), et c’est ce que soutiennent ces auteurs qui disent qu’il n’y a pas de droit administratif tant qu’il n’y a pas d’administration (en sa forme moderne). A contrario une autre branche de la doctrine juridique soutient le fait que le droit administratif a toujours existé puisqu’il a toujours existé des règles au service du pouvoir et des besoins collectifs, c’est par exemple le cas avec l’édit de Moulin en 1566 qui dispose que le roi ne peut pas disposer des biens de la couronne librement. En-dehors de ce point de litige quant au point de départ du droit administratif, la doctrine semble s’accorder sur son développement en retenant notamment deux étapes majeures. D’une part, il faut saisir que la théorie du ministre-juge était le recours à l’époque jusqu’en 1872 (comme il n’existait pas de juges des administrations à l’époque seuls les ministres des administrations étaient aptes à remplir ce rôle ce qui posait un problème de conflits d’intérêts) et qu'afin de répondre à ce besoin d’un juge impartial, le législateur va réhabiliter la juridiction de la Constitution des 22 frimaires de l’an VIII qu’est le Conseil d’Etat, en lui confiant la mission de trancher les litiges administratifs. D’autre part, c’est l’arrêt de Blanco de 1873 du Tribunal des Conflits qui est considéré réellement comme la « pierre angulaire du droit administratif », pour reprendre l’expression de Léon Duguit, puisque c’est lui qui va reconnaître à cette branche de droit des règles spéciales, en dehors du droit commun, qui s’applique donc aux administrations, engageant ainsi la responsabilité de l’Etat. Ainsi, le cumul de ces décisions va conduire à un modèle qu’on retrouve dans de nombreux pays en Europe (comme le Portugal, l’Allemagne, la Finlande ou encore la Pologne par exemple) qui est caractérisée par une administration soumise à des règles spéciales appliquées par un juge spécial. Mais en réalité, ce modèle se place en opposition à celui anglo-saxon, qui se résume à une administration soumise au droit commun et un juge ordinaire, c’est le cas en Angleterre, au Danemark ou encore à Malte (à noter que ces modèles convergent au fur et à mesure entre eux). De plus, il semblerait que des théoriciens comme Jacques Caillosse cherchent à reconsidérer le droit administratif au gré des enjeux contemporains du XXIe siècle, offrant ainsi une relecture de ce droit en considération des mutations subis afin de remettre en question des critères peut être devenus obsolètes.

  In fine, l’analyse de sujet offre un spectre d’intérêts large, d’abord sur le plan pédagogique, il paraît essentiel de comprendre en tant qu’étudiant en droit les racines et mécanismes de notre système juridique, ensuite sur le plan théorique puisqu’il permet de saisir les subtilités des relations des branches de droit au sein du droit public, et enfin sur le plan pratique parce que l’on va chercher à saisir l’ampleur de ce phénomène dans l’ADN du droit administratif. Néanmoins, il faut tout de même accorder une limite théorique à ce sujet qui serait de considérer le droit administratif par le simple prisme de l’autonomisation, puisque ce n’est pas le seul facteur des mutations de ce droit et cela reviendrait à aborder avec des œillères un sujet si dense.
  Dans quelle mesure, l’autonomisation du droit administratif est-il un processus configurant les spécificités du droit administratif ?

  Le droit administratif semble d’abord avoir affirmé son indépendance par le prisme de l’autonomisation (I) mais qui par la suite s’est révélé insuffisant et ralentis (II).

I- L’autonomisation du droit administratif : l’affirmation d’un droit affranchis

Le processus d’autonomisation s’est d’abord manifesté au niveau des prérogatives du droit administratif (A) puis au niveau de son indépendance à double niveau (II).

A) Une autonomie juridictionnelle et fonctionnelle

  En fait, le droit administratif a d’abord autonomisé son statut afin de le protéger de quelconques influences, et ce, par le prisme de la jurisprudence. Il s’est érigé en tant qu’institution sacrée, puisqu’auparavant, son intégrité était constamment menacée par l’action du législateur qui par une simple proposition de loi peut annihiler le rôle de juge administratif, puisque ce dernier est le fruit de la loi et n’est aucunement protégé par les normes suprêmes de la hiérarchie des normes. Ainsi, dans un souci de protection et d’égalité par rapport au statut du juge judiciaire (c’est par le cas pour les matières qui lui sont réservées à l’article 66 de la Constitution de 1958 qui lui consacre la liberté individuelle.), le Conseil constitutionnel va affirmer que l’indépendance du juge administratif est un Principe Fondamental Reconnu par les Lois de la Républiques (P.F.R.L.R.) dans sa décision « Validation d’actes administratifs » en 1980, en reconnaissant que la loi du 24 mai 1872 qui proclame l’indépendance du Conseil d’Etat est appliquée en continu depuis sa publication. Ainsi, cette décision va permettre de pouvoir garantir l’existence du juge administratif en faisant de son indépendance un PFRLR, puisque c’est la première fois que le Conseil constitutionnel s’intéresse à lui. Néanmoins, il apparaît que cette reconnaissance demeure lacunaire, puisque si elle constitutionnalise son existence, les compétences du juge administratif sont exclues de cette décision et reste donc menacées, certains auteurs soulignent l’idée d’une coquille vide. Dès lors, le Conseil constitutionnel va chercher à compléter sa décision par une nouvelle le 23 janvier 1987, « Conseil de la concurrence », dans laquelle il va consacrer les compétences du juge administratif en énonçant l’idée qu’il a pour compétence de pouvoir « annuler ou réformer les décisions administratives » et que cette compétence devient un PFRLR. Le Conseil constitutionnel a pour ainsi dire exempter le juge administratif de quelconques risques en mettant à l’abri ses compétences de réformes législatives, et permis de créer un statut chimère, c’est-à-dire qui est en partie constitutionnel et en partie réglementaire à l’issue de ces deux décisions. Enfin, l’autonomie sur le plan organique s’est ressentie notamment face à une multiplication des juridictions de l’ordre administratif, puisqu’une fois qu’il fut titulaire de protections juridiques et de compétences capitales, il est apparu nécessaire d’accroître le nombre de ses juridictions, et ce, notamment pour répondre à des impératifs de traitements d’affaires. En effet, face aux trop nombreuses affaires que devait traiter le Conseil d’Etat, un décret du 30 décembre 1963 a permis de créer les tribunaux administratifs (aujourd’hui au nombre de 42 sur le territoire français), afin de désengorger la juridiction suprême de l’ordre administratif, notamment des affaires de viols qui sont depuis traités par cette nouvelle juridiction.

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