Dissertation : l'avis aux lecteurs de Gargantua
Dissertation : Dissertation : l'avis aux lecteurs de Gargantua. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar maralba • 3 Décembre 2022 • Dissertation • 1 119 Mots (5 Pages) • 1 397 Vues
À la Renaissance, la diffusion du courant de pensée humaniste favorise l’émergence de la littérature d’idées : de nombreux artistes et auteurs se servent de leurs créations pour transmettre des messages. On retrouve parmi eux Rabelais, qui publie en 1534 Gargantua suite au succès de son dernier ouvrage, Pantagruel. L’auteur y aborde plusieurs grands thèmes, dont l’éducation, la guerre ou la religion, entre autres. Il dépeint grâce à la figure de Gargantua, héros éponyme de l’œuvre, un idéal humaniste, tout en effectuant la satire de plusieurs faits de société. En tête de l’ouvrage se trouve un avis aux lecteurs, présenté sous la forme d’un court poème, qui donne un aperçu du contenu du livre. Alors, après lecture de l’œuvre intégrale, cet avis aux lecteurs peut-il être considéré comme pertinent ? Si, de prime abord, les thèmes qui y sont abordés coïncident avec ceux du livre, Rabelais a cependant fait le choix d’occulter certains aspects du récit, ce qui nous pousse à nous interroger sur la censure subie à l’époque par beaucoup d’écrivains, et sur la fonction réelle de l’avis aux lecteurs.
Le premier thème abordé par Rabelais dans cet avis aux lecteurs est le contenu provocateur de son livre : il appelle ainsi les lecteurs, au moyen d’une apostrophe amicale, à « [se débarrasser] de toute affection », c’est-à-dire à oublier ses préjugés le temps de la lecture. Cette idée est présente tout au long du livre, car Rabelais attend de ses lecteurs qu’ils réussissent à passer outre ses provocations, et à lire entre les lignes pour accéder au savoir. Il comparera d’ailleurs, lors du prologue, le lecteur à un chien qui devrait « rompre l’os et sucer la substantifique moelle ». La mention de l’aspect scandaleux de l’œuvre reflète donc bien les nombreux passages provocants qui y sont présents.
Dans la seconde moitié du dizain, le rire est grandement valorisé. Rabelais le voit comme une manière de « soigner » le chagrin qui « mine et consume » ses lecteurs – rappelons qu’avant de devenir auteur, Rabelais a exercé d’autres professions, dont celle de médecin. Le rire a donc ici une dimension bénéfique pour le corps, qui a une importance capitale dans le mouvement humaniste, à condition qu’il soit équilibré par rapport à l’âme et à l’esprit d’un homme.
Cet équilibre est également représenté par la construction littéraire du poème, composé de dix décasyllabes, ce qui lui donne une forme harmonieuse, à l’image du mode de vie humaniste. Ainsi, tout comme dans le récit, l’avis aux lecteurs fait l’éloge du rire, qui est, selon Rabelais, « le propre de l’homme », ce qui montre l’humanisme de l’auteur.
Malgré le fait que l’avis aux lecteurs reflète plusieurs aspects de l’ouvrage, tous n’y sont pas présents.
En effet, le savoir, notion clé du livre, n’apparaît que grâce à quelque mots issus de son champ lexical (« lisez », « apprendrez », « écrire »). Pourtant, le livre entier a pour vocation de transmettre un enseignement au lecteur, afin qu’il puisse élever son esprit. Certes, le savoir est parfois caché sous des passages humoristiques au long du récit, mais, pour autant, il est presque entièrement occulté dans l’avis aux lecteurs. Il peut donc donner une image faussée du contenu du livre : un lecteur qui ne serait pas habitué au style rabelaisien pourrait être amené à penser que le récit est exclusivement basé sur le rire et la provocation.
Par ailleurs, au vu des mœurs de l’époque, axées majoritairement sur les préceptes de l’Église, l’avis aux lecteurs pourrait décourager les plus prudes, en informant de l’aspect scandaleux -et assumé- de certains propos.
Certains pourraient aussi s’offusquer des provocations de l’auteur, présentes dès le début du texte : cet avis aux lecteurs peut donc entraîner l’inverse de ce que souhaitait l’auteur, à savoir tenir à l’écart certains lecteurs potentiels.
Le style, très raffiné, employé dans ce poème peut également donner une impression faussée du ton du récit, qui est, quant à lui, plus léger dans la mesure ou il alterne entre différents types d’humour (scatologique, burlesque, satirique…) et des passages plus sérieux, notamment grâce à de nombreuses références culturelles. Le poème, en plus d’être quelque peu énigmatique, est très court. Le lecteur ne connaît donc pas à l’avance les thèmes qui vont être abordés au cours du récit, aussi importants soient-ils.
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