Marie-France Collière

De tout temps les sociétés ont maintenu une différence dans les répartitions des rôles hommes-femmes. Celui de la femme était plus centré vers la cueillette et la continuité de la vie ; celui de l'homme vers la chasse et la lutte contre la mort. Cette représentation anthropologique a influencé l'orientation professionnelle des hommes et des femmes dans les professions de soins. Ainsi il était coutumier de voir les hommes revêtir la blouse blanche symbole du savoir et les femmes d’une petite coiffe, symbole de soumission. L’ange blanc a dû mener bien des batailles pour être reconnue.  Cette reconnaissance passe-telle par un nouveau genre de vocabulaire comme le mot prestataire ? Que sous-entend le mot service infirmier ? c’est ce que je vais tenter d’expliquer.

Depuis toujours les soins font partie de nos vies ils étaient essentiellement une affaire de femmes : l'art de soigner circulait dans une sphère matriarcale ; la femme a toujours été guérisseuse partant du principe que celle qui met au monde c'est celle qui a la charge de prendre soin de son foyer. Dans l'Antiquité, s'occuper des malades était réservé aux esclaves ; c'était donc une activité subalterne et dégradante qui au fil des siècles avec le christianisme est revenu à la femme, considérée comme la cause du péché originel, il lui incombait de faire pénitence. Le soin prend donc une toute autre tournure, il devient un devoir de charité chrétienne. Les traditions anciennes empêchent même certains ordres religieux de s'adapter à l'évolution de la société, au progrès de la médecine mais ce n'est pas sans compter sur le XIX siècle époque du progrès scientifique, naissance de Florence Nightingale (1828) ; cette personne va bouleverser le service infirmier en poussant les femmes à s'émanciper pour amener le savoir infirmier dans une véritable culture professionnelle.  C'est un combat de longue haleine où féminité soumission bénévolat sont les principaux critères sélectifs pour être infirmière, ou l'art de faire de nos  bonnes-femmes  des femmes-bonnes  : on leur inculque une propédeutique infirmière quelques bases d’hygiène et techniques, toujours sous le joug du patriarcat médical. Il était temps que les femmes prennent leur envol et se fassent reconnaître car c'est toute une construction de la profession et de l'identité professionnelle qu'il a fallu organiser. Au fil des années, Florence Nightingale a ainsi pu démontrer sur un camp militaire avec une quarantaine d'infirmières chrétiennes et laïques que panser les plaies ne suffit pas pour que les malades guérissent mais que, au contraire, l'importance était aussi de mobiliser son «  potentiel de vie1». Elle mettra tout en œuvre à l'aide des champs de compétences infirmières, pour que la fonction2infirmière soit une véritable profession avec son propre savoir sa technique et ses droits. Avec Florence Nightingale les soins infirmiers modernes sont nés au début du 20e siècle. Virginia Henderson infirmière en 1921 viendra corroborer ses dires en apportant d'autres outils tels que la personnalisation des soins à l'aide de 14 besoins fondamentaux pour l'être humain. Les infirmières ont une place auprès des autres acteurs de santé en accentuant sur le fait, je site : que les infirmières « devraient être les maîtres de leur rôle unique et le système de santé devrait les habiliter à concevoir et être responsable de toutes les pratiques inhérentes à ce rôle »2. Fini le plein pouvoir au médecin elles ont leur propre rôle. De nombreuses anglo-saxonnes ont continué de porter le flambeau pour une identité infirmière reconnue et professionnalisante les concepts dans la profession infirmière font leur apparition ; véritable description des soins infirmiers et donc par là même une description de la profession ;  une structure contextuelle et conceptuelle est née. Il ne pouvait en être autrement. Ainsi donc la santé l'environnement la personne et la maladie forment un nouveau genre dans la réalisation des soins centrés sur la personne soignée.

Les courants de pensée ont la peau dure il est difficile pour les infirmières de modifier leur vision primaire de leur identité. Le mot même service infirmier représente encore toute la soumission de l’infirmière au soigné, au médecin. Un changement doit s'opérer dans leur représentation du rôle identitaire de l'infirmière. Elle n'est plus la femme bonne j'entends ici bonne à tout faire du médecin ou du soigné et bonne dans le sens où elle se donne corps et âme à sa fonction vous comprendrez qu'il aura fallu l'émergence entre- autre de nouveaux mots pour tenter de se dépêtre de ce mode de pensée coercitif et réducteur.

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