Le roman réaliste et naturaliste a-t-il pour seule ambition de refléter la société de son temps ?
Dissertation : Le roman réaliste et naturaliste a-t-il pour seule ambition de refléter la société de son temps ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar cever • 20 Septembre 2022 • Dissertation • 2 490 Mots (10 Pages) • 423 Vues
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Sujet : Le roman réaliste et naturaliste a-t-il pour seule ambition de refléter la société de son temps ? Vous répondrez à cette question sous la forme d’une dissertation, en puisant vos exemples dans Le Père Goriot de Balzac et Bel–Ami de Maupassant ainsi que dans votre culture personnelle.
Le réalisme est un courant littéraire naissant au XIXème siècle avec des écrivains tels que Balzac, Flaubert, les frères Goncourt. Il a pour mission de refléter avec fidélité la société de son temps, il détaille les mœurs et les mécanismes politiques et sociaux. Le naturalisme s’inscrit dans le prolongement du réalisme, mais s’attache à peindre la réalité contemporaine selon la méthode des sciences expérimentales. Ses figures principales sont Zola, qui en sera le théoricien et principal acteur, ou des auteurs comme Maupassant et Huysmans. Le roman réaliste et naturaliste ne cherche-t-il qu’à peindre la société contemporaine de ses auteurs ? Nous nous intéressons d’abord à la manière dont le réalisme et le naturalisme décrivent la société du XIXème siècle pour ensuite nous attarder sur la trajectoire du personnage principal et son éducation sentimentale et sociale, pour finir sur les thèmes privilégiés et les réflexions soulevées par ces mouvements.
D’une part, le roman réaliste et naturaliste se donne pour mission d’être le reflet fidèle de la
société du XIXème siècle.
Les auteurs réalistes et naturalistes s’efforcent de rapporter les mœurs de la société dans un contexte politique, historique et économique. Ainsi, Balzac souhaite peindre la société de la Restauration dans son entier, dans sa fresque de La Comédie Humaine, après la Révolution et l’Empire. Zola dit qu’il veut faire le récit de « l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire » avec son cycle des Rougon-Macquart, dans laquelle il abordera l’essor fulgurant des grands magasins dans Au Bonheur des Dames, les conditions de travail des mineurs et la révolte ouvrière dans Germinal ou encore la Commune et la chute militaire du Second Empire dans La Débâcle. Chez Maupassant, le thème de la guerre est récurrent : dans « Boule de Suif », il évoque la guerre franco-prussienne et dans Bel-Ami, Georges Duroy a vécu la guerre en Algérie, historiquement en Tunisie. Dans Bel-Ami, Maupassant dévoile aussi le monde de la presse de l’époque, en faisant la critique de la tendance des journaux à colporter des rumeurs. De plus, les frères Goncourt vont introduire le peuple dans la littérature avec leur roman Germinie Lacerteux en 1864 et les différentes couches populaires seront aussi explorées dans l’œuvre de Zola et celle de Maupassant. L’auteur de L’Assommoir se penche sur la misère prolétaire tandis que Maupassant traite de la précarité des paysans.
Ensuite, le réalisme et le naturalisme s’emploient à décrire tous les milieux de la société. Dans Le Père Goriot, Balzac s’intéresse particulièrement à la haute bourgeoisie et la noblesse parisiennes, introduites par les personnages de la vicomtesse de Beauséant, Delphine de Nucingen et Anastasie de Restaud. Néanmoins, la pension de Madame Vauquer réunit une variété de personnages d’origines sociales diverses : Eugène de Rastignac, un étudiant, Vautrin, un ancien forçat en fuite, le Père Goriot, un ancien vermicellier ruiné par ses propres filles, Mlle Michonneau, une vieille fille ou la tenancière qui est veuve. De même, dans le roman Bel-Ami, Maupassant dépeint le monde des employés, de la presse et de l’aristocratie de Paris, mais également le milieu corrompu du pouvoir politique avec le personnage de Laroche-Mathieu, ministre des Affaires étrangères. Dans la saga des Rougon-Macquart, Zola aborde le thème de la prostitution dans Nana, ainsi que les métiers des chemins de fer dans La Bête Humaine ou même le monde des artistes dans L’Œuvre.
Enfin, les auteurs réalistes et naturalistes ont une approche et une méthode différenciées pour peindre la réalité. Les deux mouvements utilisent de longues descriptions détaillées pour s’approcher le plus possible du réel. Cependant, dans les romans réalistes, elles sont souvent situées au début du roman pour installer le décor, la description de la pension Vauquer au début du Père Goriot en témoigne. Les romans naturalistes préfèrent introduire de plus petites descriptions, qui vont de pair avec l’action, au fil du roman, comme celle de Duroy : « Grand, bien fait, blond, d’un blond châtain vaguement roussi, avec une moustache retroussée… » (Première partie, chap.1). Pour les deux courants, la documentation du sujet est très importante. Les auteurs doivent avoir une connaissance aigüe de leur thème et du décor. Ainsi, nous pouvons avoir une représentation exacte du Quartier Latin et de Paris en 1819 dans Le Père Goriot. Dans le naturalisme, cette documentation est plus radicale et se calque sur la méthode de Darwin ou de Claude Bernard. Pour écrire Germinal, Zola a rassemblé des notes sur les corons, la cartographie des mines, les conditions de vie et de travail de mineurs, mais aussi sur leurs mœurs, comment s’amusent-ils, vivent-ils leurs histoires sentimentales… Cette documentation minutieuse permet à l’auteur de transmettre au lecteur une vision exhaustive de la réalité du milieu choisi. En outre, dans le roman réaliste et naturaliste, le narrateur est le plus souvent omniscient et adopte une focalisation zéro, cela est le cas du narrateur du Père Goriot qui nous présente les autres personnages du point de vue de Rastignac tout en nous dévoilant des détails qui sont cachés à Rastignac. C’est aussi le cas dans Bel-Ami, car le narrateur connaît tout du protagoniste, son passé, ses pensées, ses actions et gestes qu’il se permet même de commenter de temps en temps. Ce procédé permet à l’auteur de s’approcher encore plus d’une représentation fidèle à la réalité dans ses moindres détails.
Si le roman réaliste et naturaliste vise à refléter avec précision la société contemporaine au point de devenir un outil pour les historiens, ce n’est pas sa seule ambition.
L’auteur réaliste et naturaliste introduit un élément fictif : la trajectoire du protagoniste et partage sa vision du monde à travers son éducation sentimentale et sociale.
Tout d’abord, Bel-Ami et Le Père Goriot sont des romans de formation dans lesquels le personnage principal va subir une évolution. En effet, Eugène de Rastignac et Georges Duroy vont tous deux recevoir des éducations diverses transmises par différents initiateurs ou initiatrices. Grâce au discours de l’initiateur Vautrin, Rastignac reçoit une éducation sentimentale sur la convoitise et les relations amoureuses, mais aussi une éducation morale lorsqu’il doit résister à la tentation pour le plan de Vautrin qui consiste à tuer le frère de la jeune Victorine de Taillefer. Dans Bel-Ami, le personnage de Madeleine de Forestier initie Georges Duroy au monde du journalisme et de la politique tandis que sa maîtresse, Clotilde de Marelle lui apprend à se comporter dans les espaces mondains. Les deux personnages s’élèvent dans la société : Rastignac, issu de la petite noblesse de province, accède à la noblesse parisienne et Duroy passe d’employé à rédacteur d’un journal s’apprêtant à devenir député. Les deux gravissent les échelons sociaux grâce aux femmes : Rastignac se lie d’amour avec Delphine de Nucingen pour assurer son ascension sociale, tandis que Duroy exploite le talent de Madeleine Forestier pour rédiger son premier article. Pour Rastignac, cette évolution est éprouvante, car il perd son innocence en entendant la proposition de Vautrin ou en voyant comment Anastasie et Delphine traitent leur père et il perd progressivement ses hauts idéaux. Duroy, lui, devient très vite manipulateur, avide d’argent et se pervertit de plus en plus tout au long du roman. Par ailleurs, en parallèle de cette ascension sociale, on suit la chute sociale d’un autre personnage, le père Goriot, ruinés par ses filles, ou le ministre des Affaires étrangères Laroche-Mathieu dont la chute est provoquée par Duroy.
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