Le juge et le prix dans le contrat d’entreprise
TD : Le juge et le prix dans le contrat d’entreprise. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Ambre Venot • 27 Février 2020 • TD • 2 166 Mots (9 Pages) • 1 812 Vues
Dissertation : Le juge et le prix dans le contrat d’entreprise
Depuis un siècle, on assiste à une tertiarisation du travail. Ce terme désigne un processus historique des sociétés occidentales consistant à orienter leur économie vers les activités de services. Ainsi, ces dernières décennies, on observe une forte croissance de l’emploi tertiaire en France laissant place à une véritable société de services.
Cette évolution économique a eu des résonnances en droit, notamment avec le développement du contrat d’entreprise. Surnommé « la bonne à tout faire » du droit des contrats, on le retrouve désormais partout et il permet de qualifier un grand nombre de contrats. En effet, il abrite les prestations de services matériels que ce soit en matière mobilière (réparation d’une chose) ou immobilière (construction ou entretien d’un immeuble) mais également de nombreuses prestations de services intellectuels comme des prestations de conseil, de soin ou bien d’assistance. Le contrat d’entreprise balaye donc un large champ de professions différentes. Ce contrat peut être commercial lorsque les deux parties sont des commerçants, civil à l’inverse mais aussi mixte si l’une est commerçante et pas l’autre. De cette question va notamment dépendre la compétence du juge : le litige sera porté devant le Tribunal de commerce si le contrat est commercial, le Tribunal judiciaire si le contrat est civil et l’une ou l’autre des juridictions si le contrat est mixte et que l’action est formée contre le commerçant (lequel doit obligatoirement saisir le Tribunal judiciaire si le défendeur n’est pas commerçant).
Plus précisément, le contrat d’entreprise était anciennement nommé contrat de louage d’ouvrage d’après le Code civil. Il est défini à l’article 1710 comme le « contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre moyennant un prix convenu entre elles ». Mais cette définition est trop large, c’est pourquoi la jurisprudence en a donné une nouvelle dans un arrêt de la première chambre civile en date du 19 février 1968 qui juge que c’est « le contrat par lequel une personne, l’entrepreneur, s’oblige contre une rémunération à exécuter pour l’autre partie, le maître de l’ouvrage, un travail déterminé sans la représenter et de façon indépendante ». Le contrat d’entreprise se caractérise donc par la naissance d’une obligation de faire à la charge de l’une des parties, la fourniture d’une prestation de service en toute indépendance moyennant paiement d’un prix puisque c’est un contrat à titre onéreux. Grâce à cette définition, on voit donc apparaître le double objet du contrat d’entreprise : la prestation de service proposée par l’entrepreneur et la rémunération que devra payer le maître de l’ouvrage. Il faut préciser que cette rémunération n’est pas un élément essentiel du contrat d’entreprise : la jurisprudence a considéré qu’ « un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n’est pas un élément essentiel du contrat de louage » d’après l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 15 juin 1973. Pour des considérations pratiques, il est donc possible de fixer cette rémunération une fois la prestation exécutée.
Mais il reste la question de savoir qui va la fixer ou la modifier. Le juge peut-il intervenir dans le contrat d’entreprise afin de modifier la rémunération de l’entrepreneur ? En principe, le juge n’intervient pas en cas de fixation initiale de la rémunération (I). Pourtant, il peut arriver qu’il s’immisce dans le contrat afin de réviser la rémunération dans certains cas (II).
I. L’impossibilité pour le juge d’intervenir dans le contrat d’entreprise en cas de fixation initiale de la rémunération
En principe, la détermination du prix est l’apanage des parties ou bien de l’entrepreneur à défaut d’accord (A). Le juge pourra tout de même intervenir en cas de contestation du prix par le maître de l’ouvrage, ce qui s’explique par la recherche d’un équilibre entre le principe de non-immixtion du juge dans la liberté contractuelle et la protection de la partie faible au contrat (B).
A) Une rémunération fixée par l’entrepreneur à défaut d’accord entre les parties
La rémunération de l’entrepreneur est en principe conventionnelle : elle est fixée par un accord entre les parties qui peut être conclu postérieurement au contrat d’entreprise d’après l’arrêt de la première chambre civile du 15 juin 1973, excepté en cas de contrat de consommation. En effet, dans ce cas, l’article L113-3 du Code de la consommation pose une obligation précontractuelle d’information à la charge de l’entrepreneur, le consommateur devant être averti au préalable du prix qu’il devra payer. Cet accord peut résulter soit d’une négociation entre les deux parties, soit d’une proposition de l’entrepreneur que le maître de l’ouvrage accepte. De plus, il existe plusieurs modalités de paiement du prix que les parties sont libres de choisir : le marché à forfait, sur devis, en régie ou bien sur série.
Cependant, il arrive que les parties n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la rémunération. Avant la réforme du droit des obligations portée par l’ordonnance du 10 février 2016, la détermination de la rémunération se faisait alors par le juge du fond qui disposait d’un pouvoir souverain d’appréciation d’après l’arrêt de la première chambre civile du 19 décembre 1973. Mais l’ordonnance de 2016 est venue limiter le pouvoir du juge avec l’article 1165 du Code civil qui dispose que « Dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation ». On a donc désormais une fixation unilatérale du prix par l’entrepreneur qui n’a pas besoin d’être motivée. Cette solution souple a pour but d’éviter le recours au juge : l’ordonnance de 2016 montre une volonté de déjudiciarisation, elle souhaite désencombrer les tribunaux.
Mais en cas de contestation par le maître de l’ouvrage, on aura alors un retour du juge pour protéger la partie faible au contrat.
B) La recherche d’un équilibre entre le principe de non-immixtion du juge et la protection de la partie faible au contrat
Si le maître de l’ouvrage est en désaccord
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