Entre le rêve et la réalité

Entre le rêve et la réalité

C’était dans un quartier populaire de la ville de Salé. Rouwiyess, aîné d’une famille de sept enfants, vivait encore dans la maison familiale. Son père, un chômeur alcoolique, maltraitait sa mère ; Rouwiyess haïssait cette situation, il rêvait d’offrir à sa mère une vie d’impératrice. Il comptait aller en Europe, s’enrichir et améliorer le niveau de vie de sas proches. Il répétait tout le temps : «  Si jamais un jour incha’Allah j’arrive à quitter le pays, je te promets de nous enrichir comme Crésus ».

Il voulait se débarrasser de cette maison, ce bidonville où il a passé toute son enfance ; une chambre dans laquelle ils dormaient les uns sur les autres. Le matin, ils rangeaient leurs lits – si toutefois on pouvait appeler ça des lits- pour transformer cette pièce tant tôt en salle de séjour, tant tôt en cuisine

Rouwiyess quittait la maison tous les matins pour aller au café d’à côté prendre sa tasse quotidienne et fumer ses deux cigarettes matinales, il prétendait que cela l’aider à trouver plus d’idée de travail. Son, soit-disons, petit-déjeuner fini, il parcourait les rues à la recherche d’un travail, quel qu’il soit, rien que pour nourrir ses frères et sœurs. Le temps d’aller en Italie. Il finissait sa tournée au port. Là-bas, il se faisait passer pour un transporteur. Il portait les marchandises des pêcheurs en échange d’un médiocre pourboire. C’est ainsi que se passait ses journées. Dans le meilleur des cas, il arrivait à empocher 110 DHS. Ces jours-là il se sentait millionnaire, il se permettait même d’acheter des crevettes, sinon c’était sardines ou maquereaux au dîner.

Un soir, un capitaine de bateau l’approcha, il était très connu dans le port. On l’appelait « Echaf » - Le chef- il possédait cinq bateaux de pêche et la rumeur courrait qu’il s’apprêtait à en acheter un nouveau et qu’il était à la recherche d’un commandant pour son bateau. Rouwiyess admirait cet homme, pour c’était le symbole de la réussite car Echaf avait lui aussi grandi dans une famille pauvre, il avait ce que cela faisait de rêver de gloire sans jamais vraiment y croire. Echaf proposa à Rouwiyess de travailler dans son propre bateau, le chef de flotte. Etant que sin actuel commandant allait prendre les rênes du nouveau bateau, Echaf se devait de lui trouver un remplaçant. Le jeune homme était très enthousiaste à cette idée, mais il demeurait un gros problème : Il n’avait jamais reçu de formation à la navigation auparavant. Lorsqu’il fit part de cette situation au vieux capitaine, celui-ci esquissa un petit sourire et dit : « Tu sais fiston, moi aussi à mes débuts je ne connaissais rien à la pêche, mais au fil du temps je me suis forgé une p’tite expérience. Après on y va à l’instinct, au feeling tu vois ». La potentielle recrue écoutait attentivement, c’était pour lui un honneur que de se trouver en face avec son idole. Echaf continua : « Cela fait un moment que je fais ce boulot et les effets du  temps commencent à paraître ! Du coup, j’ai besoin d’un successeur, et je vois en toi la personne idéale pour ce poste » Rouwiyess n’en croyait pas ses oreilles, lui successeur de Echaf sur son propre bateau. Il était dans un rêve et il ne voulait pas se réveiller. Encore fallait-il qu’il apprenne à naviguer ; c’était là tout le problème. Alors il bredouilla quelques mots : « Echaf, je ne vois vraiment pas comment je pourrais vous succéder sur votre bateau, ça sera un fiasco ». Le capitaine répondit avec assurance : «  Tu commenceras par m’assister, le temps d’apprendre les bases su métiers, les skills quoi. Lorsque je verrai le moment opportun, je prendrai ma retraite et dès lors tu commanderas le bateau » Rouwiyess ne pouvait rêver de plus belle offre, alors il accepta toutes les conditions imposer -ou plutôt proposer- par Echaf.

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