Note de lecture: Oualhaci, Akim. (2015). Faire de la boxe thai en banlieue: entre masculinité « populaire » et masculinité « respectable ». Terrains et travaux, 27(2), 117-131.
Fiche de lecture : Note de lecture: Oualhaci, Akim. (2015). Faire de la boxe thai en banlieue: entre masculinité « populaire » et masculinité « respectable ». Terrains et travaux, 27(2), 117-131.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar wise7 • 18 Novembre 2018 • Fiche de lecture • 2 549 Mots (11 Pages) • 1 326 Vues
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Oualhaci, Akim. (2015). Faire de la boxe thai en banlieue: entre masculinité « populaire » et masculinité « respectable ». Terrains et travaux, 27(2), 117-131.
G K A
Présentation de l’auteur
Selon le site metropolitiques.eu, Akim Oualhaci, docteur en sociologie, est attaché d’enseignement et de recherche à l’université de Bretagne occidentale, et chercheur au centre de recherches sur le sport et le mouvement à l’université Paris-Ouest Nanterre. Il a consacré sa thèse à une ethnographie comparée des pratiques sportives des jeunes hommes dans des quartiers populaires français et américains.
Ses recherches portent sur la ségrégation socio-spatiale, la recomposition des classes populaires et leurs pratiques culturelles et sportives en France et aux États-Unis.
L’approche de l’auteur et son questionnement
A travers cet article, l’auteur étudie les modes de socialisation masculine de jeunes boxeurs dans une banlieue populaire française, dans un contexte historique de « désindustrialisation et de désouvriérisation ». Il analyse les formes masculines et la reconfiguration des rapports sociaux de sexe provoquée par l’entrée marginale de filles dans cette pratique.
Le contexte et environnement de l’étude
Le club étudié, « Les Gants du Siam », est crée en 1984 et se situe dans une zone urbaine sensible de plus de 35'000 habitants. La moitié des logements sont des HLM. Le taux de chômage est estimé à 35% pour les 15 à 24 ans. Les garçons de 15 à 35 ans y résidant sont principalement des employés, étudiants, ouvriers et intérimaires.
Le club est dirigé par quatre anciens boxeurs, non diplômés, à l’exception d’un. La composition de la salle est pluriethnique avec plus de maghrébins, antillais et africains.
Il compte une centaine de licencié-e-s, dont une dizaine de femmes qui ne s’entraînent pas régulièrement à l’exception d’une. Au niveau national, plus de 50% de filles font du sport alors qu’elles sont à 32% dans les zones d’éducation prioritaire.
La méthodologie adoptée
Akim Oualhaci a réalisé cet article à partir d’une enquête ethnographique par observation participante, déroulée entre 2009 et 2010, lors des entraînements hebdomadaires, des compétitions ou des fêtes.
Il a réalisé aussi une trentaine d’entretiens semi-directifs et informels avec les entraîneurs, élus politiques et membres du club. Il a aussi eu recours à la revue de la littérature. L’auteur a élucidé ces propos par des extraits des entretiens et discours de la salle de boxe.
L’article est organisé en deux parties. La première partie analyse la salle de boxe comme un lieu de construction d’une masculinité à la fois « populaire » et « respectable ». La deuxième partie montre l’entrée marginale et la présence irrégulière des filles comme révélateur de la socialisation masculine.
Développement du propos de l’auteur
La boxe thaïlandaise, associée aux « jeunes de banlieue », est perçue comme un sport masculin et violent.
Au delà de cette représentation qui est faite vis-à-vis de cette boxe, cette étude analyse plutôt la boxe thaï comme un sport dans lequel ces jeunes garçons « se forgent une dignité sociale, s’imprègnent de «valeurs», acquièrent des compétences sportives et construisent leur identité masculine». Les boxeurs doivent disposer tant de compétences « physiques que mentales diversifiées : endurance, résistance, courage…, mais aussi souplesse, intelligence… »
Les boxeurs développent une socialisation ambivalente. Ils construisent à la fois une masculinité «populaire», qui met en valeur la virilité et une masculinité « respectable », ouverte à la mixité et proche des normes de la classe moyenne.
En effet, «la pratique de la boxe socialise les corps de manière sexuée (Bordo, 1993 : 165-166 ; Mennesson et Clément, 2009) et tend à reproduire l’idée selon laquelle une capacité agonistique et une musculature ferme sont des formes élémentaires de la masculinité». Contrairement à la féminité, la confrontation est un critère de la masculinité. Les entraîneurs incitent donc les boxeurs à la combativité et à s’endurcir. Ainsi, l’auteur relève que la pratique de cette boxe est associée à une forme de «masculinité hégémonique». Des expressions comme : «être un bonhomme» ou «je vais te péter ta petite gueule de pédé !» illustrent ces constats. La masculinité hégémonique est, selon Connell (2014, p. 72), « ce qui garantit (ou est censé garantir) la position dominante des hommes et la subordination des femmes».
En effet, la « désindustrialisation » et la « désouvriérisation » a entraîné la disqualification de la force physique, et donc la dévalorisation de la culture ouvrière et ses valeurs de virilité (Mauger & Kamel, 2004, p. 231). Ces garçons de banlieue populaire étant racisés et exclus des privilèges d’une masculinité hégémonique, essayent donc de «re-légitimer» et de « revaloriser» ces valeurs de virilité par la pratique de la boxe thaï.
Les études sur la jeunesse populaire urbaine montrent une forte ségrégation et parfois un conflit entre les sexes ; les garçons présents hors du domicile et les filles se repliant dans l’espace domestique. Ainsi, la participation des filles à ce sport est marginale, mais de plus en plus encouragée par l’attribution de subventions par la commune.
Cette ouverture à la mixité s’explique aussi par le désir de respectabilité de la part de ces jeunes. Ils veulent briser les clichés selon lesquels «les garçons des banlieues populaires, et notamment ceux issus de l’immigration, seraient violents, sexistes et homophobes». Pour cela, les entraîneurs mettent en avant le fait qu’ils encadrent ces jeunes en leur transmettant non seulement des compétences sportives mais aussi des «valeurs».
L’auteur affirme que cette présence de filles vient «perturber la socialisation masculine, reconfigure les rapports sociaux de sexe» et conteste la «masculinité hégémonique»
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