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Manon Lescaut, Le coup de foudre

Commentaire de texte : Manon Lescaut, Le coup de foudre. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  7 Mai 2017  •  Commentaire de texte  •  1 570 Mots (7 Pages)  •  3 679 Vues

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Manon Lescaut         Prévost

Le coup de foudre, pp. 90-92

Situation

Nous sommes au tout début du roman et Des Grieux vient à peine de commencer son récit. Destiné par son père à l’ordre de Malte, le jeune chevalier vient d’achever ses études de philosophie. Il se dispose à rentrer dans sa famille, lorsqu’il rencontre Manon Lescaut, une jeune fille appartenant à une classe plutôt modeste. Il s’éprend d’elle aussitôt. Cette passion qui le transforme va bouleverser toute sa vie et déterminer fatalement la suite du roman.

Hypothèse de lecture

Nous verrons en quoi dans cet extrait Prévost met en scène une rencontre amoureuse, c’est-à-dire un « coup de foudre », qui dans la littérature est considérée comme un topos. Avant Prévost, à la fin du XVIIe siècle, Madame de Lafayette dans La Princesse de Clève avait également décrit une célèbre rencontre amoureuse. Il faudra également s’interroger sur les caractéristiques de cette rencontre en lien avec le contexte historique, celui du début du XVIIIe siècle, différent justement de celui de Madame de Lafayette.

Annonce du plan

Dans un premier temps, nous analyserons le passage avant l’apparition de Manon, puis celui qui concerne directement les effets de la rencontre sur Des Grieux, enfin, le changement de registre entre récit et dialogue (au discours rapporté) et les conséquences qu’il implique.

Développement

1/

Le texte débute par une phrase simple qui traduit assez bien à la fois le récit de De Grieux et le style de Prévost. En effet, il y a quelque chose qui s’apparenterait à un procès-verbal et nous observons souvent dans le roman une manière sobre de raconter, dépouillée, précise qui vise au naturel. Ce phénomène peut s’expliquer par le fait que Des Grieux relate rétrospectivement son histoire, qu’elle est passée, écrite par Renoncour (l’homme de qualité) au passé. Ici, le plus-que-parfait « j’avais marqué » renvoie à une antériorité révolue.

Toutefois, on remarque que perce par moments plus d’émotion comme si Des Grieux revivait au présent son amour avec Manon.

L’interjection « hélas » trahit un remords, mais aussi peut-être un regret. D’où toute l’ambiguïté, l’ambivalence de Des Grieux vis-à-vis de Manon. Si tout le roman est écrit au passé, sans cesse nous entendons dans le présent Des Grieux en train de raconter son histoire à Renoncour. Ce dispositif imaginé par Prévost permet des anticipations sur l’avenir et confère à cette rencontre, pourtant amoureuse, des résonnances dramatiques. Le conditionnel passé (j’aurais porté) accentue davantage encore le remords à propos de son père que le chevalier n’a jamais revu. Ils se sont quittés en très mauvais termes dans des circonstances quelque peu pathétiques décrites par Prévost (p. 277).

Aussi, tout le livre serait construit sur la différence entre remords et regret, car Des Grieux ne peut s’empêcher malgré tout de continuer à aimer Manon. Il y a une morale, celle prêchée par Renoncour, et une autre dimension omniprésente qui érotise constamment la mémoire de Manon et qui fait dire à Erich Auerbach dans Minésis que le roman de Prévost est dominé par une philosophie « érotico-morale », propre à ce début de XVIIIe siècle.    

Le terme d’innocence pourrait avoir une connotation religieuse, Manon étant dans la position d’une Eve tentatrice qui a détourné Des Grieux du droit chemin. Néanmoins, il y a dans la façon de déterminer cette innocence une exagération (« toute » possède une valeur hyperbolique qui emphatise le remords de Des Grieux).

Le chevalier revient ensuite à son récit avec le marqueur temporel « la veille » et un emploi insistant du passé simple qui traduit une action accomplie, irrévocable. Quoi que Des Grieux raconte, son histoire est finie, il ne pourra revenir en arrière. Manon est morte. Il ne la ressuscitera pas. Elle n’est plus qu’un personnage de fiction inventé par Prévost.

Un peu comme dans une scène d’exposition au théâtre, Prévost présente quelques-uns des principaux personnages qui vont jouer un rôle déterminant, en l’occurrence, après le père, Tiberge, l’ami fidèle et pour ainsi dire le double positif de Des Grieux qui est nommé ici pour la première fois. Le récit passe de la première personne du singulier à celle du pluriel (le nous Des Grieux-Tiberge). Un « nous » que Des Grieux forme avec Tiberge, mais qui n’arrivera jamais à tenir, pour la bonne raison qu’il sera à chaque fois défait par Manon, reformant par là-même un autre « nous » (le nous donc Des Grieux-Manon).  

2/

Manon est introduite dans le texte en se distinguant des autres femmes. Les « quelques femmes » se retirent tandis qu’elle s’arrête, elle. Déjà, Renoncour avait distingué Manon des autres prostituées comme une exception (« il y en avait une », p. 82). Des Grieux répète le procédé en disant qu’« il en resta une ». Mais l’indéfini, substantivé, présente Manon de façon indéterminée. D’elle, nous ne saurons jamais exactement à quoi elle ressemble. Sa description demeure abstraite. Elle est jeune, un peu plus bas, elle est qualifiée de « charmante ». Ces adjectifs ne la décrivent pas précisément, comme Balzac plus tard le fera au XIXe siècle. Manon n’est vue qu’à travers le regard amoureux et moralisateur des hommes.

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