La parole et la vérité

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 La parole est le reflet de la raison et de la liberté humaine. Comme la conscience, l’action et tout ce qui est inhérent à  l'homme, la parole est inséparable de l'éthique et de l'aléthique. Toute parole peut être jugée et appréciée selon deux critères fondamentaux : le vrai et le faux, et le bien et le mal.  Vu le pouvoir immense qui la caractérise, la parole est un instrument qu'il faut manier avec précaution. (Le langage doit répondre à des impératifs multiples).

Penser au rapport de la parole avec le vrai et le faux, le bien et le mal suscite énormément d’interrogations : D’abord, qu'est-ce qu'une parole vraie? Et quel est son opposé? Est-ce l'erreur ou le mensonge? Pourquoi sommes-nous tenus de dire la vérité? Quels risques impliquent l'acte de dire la vérité et celui de ne pas dire la vérité?

1. Qu’est ce qu’une parole de vérité ?

D'un point de vue philosophique, une parole vraie est une parole qui favorise l'ouverture sur son moi , sur l'autre et sur le monde. Heidegger affirme dans ce sens que: "le langage est la maison de l'être ».C’est-à-dire, Le langage représente l’homme et  lui rappelle la vérité de son existence. Chez Heidegger, l'homme habite le langage: C’est par le logos que l'homme donne un visage au monde et un sens à ce qui est. Veiller au langage, c'est donc apprendre à bien penser et bien penser permet de bien agir. La parole vraie est donc la parole qui permet à l’homme de prendre conscience de lui-même.

Une parole vraie est une parole qui permet à la pensée intérieure de prendre forme, de s'extérioriser et de s'exprimer afin d'être communiquée (rendue commune). C'est une parole spontanée porteuse d'une pensée qui se définit en même temps qu'elle se dit et qui n'est pas trahie par les mots. La parole vraie est donc celle qui nous permet de découvrir, au-delà du paraître l'être dans toute sa complexité et toute sa spontanéité, et c'est aussi celle qui est en conformité totale avec la pensée.  

D'un point de vue logique : Le discours est vrai formellement s'il est cohérent et concrètement s'il est en accord avec la réalité. La vérité est définie par comme étant "la correspondance entre une proposition et la réalité à laquelle cette proposition réfère". Aristote, dans sa Métaphysique, distingue la vraie parole de la fausse en ces mots: « dire que ce qui est n’est pas, ou que ce qui n'est pas est, est faux ; et dire que ce qui est, est, et que ce qui n'est pas n'est pas, est vrai ». Nous retrouvons cette même théorie de la vérité basée sur la  correspondance chez Saint Thomas d'Aquin: "veritas est adæquatio intellectus et rei" qui signifie que la vérité est l'adéquation de la parole (pensée)  et des choses.

Toutefois, Kant s'oppose à cette théorie de la correspondance en démontrant que l'homme n'est pas en mesure de comparer le sens d’une parole avec la réalité vu qu'il ne possède de la réalité que sa représentation  (une parole subjective) et non la réalité elle-même.

1. Parole, vérité et morale :

On peut donc déduire qu'une parole fausse ou mensongère est toute affirmation ou tout discours qui est incohérent, contradictoire ou non conforme à la réalité. Selon qu'il y a intention ou non, l'opposé d'une parole vraie peut être une parole erronée ou mensongère. Le mensonge est défini comme étant: "Une parole délibérée d'un fait contraire à la vérité, ou encore la dissimulation de la vérité". Le mensonge est toujours condamnable et répréhensible éthiquement parce qu'il représente un manque de respect envers son interlocuteur à qui l'on se doit, déontologiquement  de dire la vérité.

Une parole mensongère est gouvernée soit par  une intention  ou un but que l'on peut qualifier de malveillant, manipulateur ou nuisible. Le recours au mensonge présuppose que le sujet parlant connait la vérité, mais qu'il cherche volontairement à la déformer ou à la dissimuler afin d'atteindre un objectif quelconque.  Saint-Augustin considère que: « Mentir, c’est avoir une pensée dans l’esprit et, par paroles ou tout autre moyen d’expression, en énoncer une autre ». Ceci présuppose que la vérité est un impératif qui inscrit la parole dans le cadre de la moralité ! Tout mensonge, toute parole dissimulatrice s’opposant au principe de la vérité sont condamnables.

La vérité n'est pas uniquement une valeur morale supérieure, elle est le but de toute quête humaine.  Dire la vérité est un devoir que la personne doit à elle-même et à l'autre, et tout manquement à ce devoir est considéré comme un manque de respect envers l'autre. Kant véhicule cette même idée en disant que: "La véracité étant un devoir formel de l’homme à l’égard de chacun".  Montaigne affirme que toute parole qui s’oppose à la vérité porte atteinte à tous les membres de la société et non uniquement à celui à qui on a menti: "C’est un vilain vice que de mentir […]. Notre intelligence se conduisant par la seule voie de la parole, celui qui la fausse, trahit la société publique. »  

Il est normal, dans ce sens, de considérer le mensonge comme une forme de violence langagière puisqu'il contraint l'autre à changer de point de vue ou d'attitude, ou de façon d'agir en recourant à la falsification des données, et c'est dans ce sens qu'on parle de la dimension coercitive du mensonge. Le mensonge est une parole obligeante dépouillé de toute moralité et de toute véracité.

1. Une parole qui ne tient pas compte de la vérité ; une parole dissimulatrice et opaque :

     Autre raison de la  répression et de la  proscription du mensonge est que celui-ci vide le langage de sa fonction principale qui est de relier la parole à la réalité de manière à faire de celle-ci le reflet fidèle du monde. Supposé être un miroir du monde, qui réfléchit l'image et les représentations des personnes et des choses, le langage devient opaque et impur ne pouvant plus lier l'homme à son monde extérieur. Le mensonge fausse la réalité et creuse un véritable fossé entre les sujets parlants ! Les locuteurs et les interlocuteurs.

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