Commentaire, Eve de ses décombres, Ananda Devi
Commentaire de texte : Commentaire, Eve de ses décombres, Ananda Devi. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar La femme D'Hector • 30 Janvier 2018 • Commentaire de texte • 2 037 Mots (9 Pages) • 3 484 Vues
Commentaire Eve de ses décombres. p98
Eve de ses décombres est un roman d'Ananda Devi écrit en 2006. Il s'agit d'une écriture à quatre voix, celles de quatre adolescents. Il nous offrent leur vision de leur vie à Troumaron à l'île Maurice. Par leurs voix l'auteure donne sa propre vision de cette île, bien loin de l'engouement touristique. C'est alors avec violence que le lecteur découvre l'autre côté de la carte postale. Bien loin des plages paradisiaques et des complexes hôteliers la vie à Troumaron est misérable. C'est avec une grande violence que la vie de ces jeunes est décrite. Le thème principal du livre est la condition féminine. Sous forme de monologue intérieur les voix successives de Sad, Clelio, Savita et Eve se succèdent décrivant avec force un avenir incertain où se mêlent violences et pauvreté. Dans le passage étudié il s'agit du monologue d'Eve. Celui-ci se situe juste après la mort de Savita, meilleure amie et pilier d'Eve. Son désespoir nous fais réfléchir sur sa condition et sa place de femme. Il s'agit d'un passage où s'opère une transition pour Eve. Quand elle déclare « La mort de Savita à tout changé » cela va même au delà. Nous verrons comment Eve se transforme, comment elle subit dans un premier temps puis comment elle se révolte. Cette analyse nous permettra de comprendre comment la mort de Savita va permettre à l'auteure de décrypter les mécanismes de la domination masculine et de la phallocratie.
« L'appartement sent le soufre. Dès que j'arrive, il entre en combustion » A l'instar de celui de Colin réagissant à la maladie de Chloé (L’Écume des jours, Boris Vian) l'appartement d'Eve semble avoir été bouleversé par la nouvelle de la mort de Savita. Cette personnification permet de créer un parallèle avec un monde figé suite à la mort de Savita et cette maison comparable aux enfers. Par ce biais l'on peut entendre qu'Eve n'a plus aucun refuge. Si l'appartement entre en combustion dès qu'elle arrive cela signifie qu'elle en est la cause. Les relations ne sont pas bonnes avec ses parents et surtout son père et elle se doute qu'en rentrant chez elle, elle met un pied en enfer. Celui-ci la questionne sur son éventuelle implication dans la mort de Savita et son monologue intérieur nous révèle ce qu'elle n'ose pas dire à son père : « J'aurais voulu dire que je ne suis pas responsable, mais je ne le peux pas. ». Pourquoi n'est elle pas capable d'exprimer le fond de sa pensée ? Nous pouvons penser que tout d'abord sa condition de femme et sa place dans la famille ne lui permettent pas de dire haut et fort ce qu'elle pense. Elle semble écrasée par ce père qui « règne » au dessus d'elle, quoiqu'elle dise elle aurait tord. L'âme d'Eve est comme envolée, elle s'est éteinte avec la mort physique de Savita. Eve considère elle même qu'elle est morte en même temps. Malheureusement pour elle, son corps est toujours en vie, rempli d'inutilité : « Ce qu'il reste de moi est l'inutile. ». Eve accepte la responsabilité de la violence dont a été victime son amie. Sa condition de femme suffit à l'expliquer. Elle vit la domination masculine au travers de ce que P.Bourdieu défini comme un habitus sexué. C'est à dire un ensemble de normes intégrées qui définissent et légitiment par leur non remise en question, la condition féminine. Dans ce passage se mêlent alors violence physique mais aussi symbolique. L'auteure place le père dans le rôle suprême de la phallocratie. Il utilise la Violence comme seule arme ; les coups pleuvent sur Eve devant une mère apathique « à l'état larvaire ». Cette condition de soumission est maintenu par une violence symbolique. Son père par ses questions nous donne l'impression de dévaloriser sa fille. Il semble savoir qu'elle est liée à cette mort, il croit fermement que sa fille avait une mauvaise influence sur Savita. Comme l'exprime l'auteure, pour le père d'Eve, ce que les gens pensent à une grande importance. Malgré l'extrême pauvreté environnante les règles d'une société du paraître sont présentes. Dans la misère il s'agit d'être moins misérable que son voisin : « Tout ce qui compte c'est ce que les gens pensent, c'est ce que les gens disent ».
Eve rejette cette façon de voir les choses, elle n'est pas dupe et est consciente du monde dans lequel elle vit. Son monde à Troumaron. La violence symbolique exprime ce désaccord. Elle se doit de penser comme son père, elle se doit d'agir comme il souhaite qu'elle agisse. Lui trouve dans sa violence physique envers elle, un moyen de la faire fléchir. Il la corrige dans le sens où il veut réparer sa fille. Eve de son côté subit, par habitude elle ne répond plus car la démarche est vaine : « J'attends, patiente, qu'il s'arrête ». Celle-ci ne s'exprime pas sur la douleur qu'elle ressent. Ananda Devi exprime la domination patriarcale. Le père en attrapant Eve par les cheveux, s'attaque directement à sa féminité. En réaction à cela Eve ne pense qu'à une seule chose : les couper. En réfléchissant à cette décision elle commet sur elle une violence symbolique. En effet la chevelure d'une femme est avec sa poitrine, le symbole même de la féminité. Perçu dans de nombreuses sociétés comme un atout charnel et érotique. C'est aussi physiquement, au premier coup d’œil ce qui permet à autrui de différencier les sexes. Dans le texte l'idée de couper ses cheveux renvoi à l'idée d'auto-mutilation. En abandonnant sa chevelure, elle abandonne sa féminité. En définitive elle souhaite abandonner ce qu'elle rejette : elle même. En l'absence de cheveux elle devient quelqu'un d'autre, elle a l'espoir que ce soit quelqu'un de plus fort. Cette envie ou besoin de changement capillaire lui offre de nouvelles possibilités. C'est alors que s’amorce une autre façon de voir les choses. Avant même qu'elle ne saute le pas, qu'elle se tonde les cheveux elle s’emplit d'une force intérieure. Eve se transforme et décide de lutter.
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