Commentaire Composé : Erec et Énide (v.2469-2519) de Chrétien de Troyes
Commentaire de texte : Commentaire Composé : Erec et Énide (v.2469-2519) de Chrétien de Troyes. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Marine23399 • 7 Mars 2020 • Commentaire de texte • 1 600 Mots (7 Pages) • 1 681 Vues
Commentaire Composé : Erec et Enide (v. 2469-2519) – Chrétien de Troyes
Alors que Erec et Enide viennent de se marier, Erec se détourne des armes et des combats pour se consacrer à sa femme. Ce comportement est vivement critiqué par ses compagnons d’armes qui jugent son amour pour Enide excessif. Cette dernière surprend une de ces nombreuses conversations mais décide de ne rien dire à Erec de peur de sa réaction.
Dans ce passage (v.2469 à 2519), qui constitue un tournant majeur du roman, Erec et Enide sont seuls dans leur chambre. Alors que le jeune homme dort, sa jeune épouse se remémore les critiques circulant à son sujet. Prise d’une grande culpabilité, elle laisse échapper une parole qui sera lourde de conséquences.
En quoi ce passage, qui constitue un tournant majeur du roman, souligne-t-il l’importance de la parole tout en proposant un contre-modèle de l’amour courtois ?
Dans un premier temps, nous analyserons le contre-modèle de l’amour courtois que ce passage nous propose puis nous verrons que cet extrait accorde une grande importance à la parole.
On observe dans ce texte l’esquisse d’un contre-modèle de l’amour courtois. Originellement, l’amour courtois est un idéal de sentiments et de comportement durant le Moyen Age et plus particulièrement à partir du XIIème siècle. Les grands principes de courant sont la courtoisie, la loyauté, la fidélité et l’amour. Cependant, à une époque où les mariages sont la plupart du temps arrangés, amour et mariage sont dissociés. Par conséquent, cette grande passion qu’est l’amour courtois est vécue hors mariage. Or, Erec, dans son intervention au discours direct, utilise deux fois le terme « amie » (v. 2511 et 2515) pour s’adresser à Enide. Ce terme appartient au vocabulaire de l’amour courtois et Erec l’emploie alors même qu’il s’adresse à son épouse. Cela montre bien que dans ce roman et tout particulièrement dans cet extrait amour et mariage vont de pair. De plus, l’amour que se porte les deux époux est visible dans leur comportement. Ce passage nous plonge pour la première fois du roman dans les pensées d’Enide et nous permet de saisir la façon dont elle perçoit son mari : « Son seignor a mont et a val / Commença tant a esgarder, / Le cors bien fait et le vis cler » (v. 2486-2488). La description physique du jeune homme est élogieuse notamment grâce à l’adverbe « bien » et à l’adjectif « cler ». La description morale qui suit ne fait que confirmer le caractère idéal de la perception d’Enide : « toz li mieudres chevaliers, / Li plus hardiz et li plus fiers, / Li plus beax et li plus cortois, / Qui onques fust ne cuens ne rois » (v. 2495-2498). Les nombreux superlatifs renforcent la perfection d’Erec aux yeux d’Enide. Cette idéalisation de l’homme aimé est significative de l’amour qu’Enide porte à Erec. L’amour que ce dernier porte à sa jeune épouse se lit dans sa réaction lorsqu’il la voit pleurer : « Dites moi, bele amie chiere, / Por qoi plorez en tel meniere ? / De qoi avez ire ne duel ? / Certes, je le savrai, mon vuel, / Dites le moi, ma douce amie, / Et gardez ne me celez mie » (v. 2511-2516). Il semble inquiet et lui porte beaucoup d’attention comme le montrent les phrases interrogatives. Les adjectifs « bele » et « douce » témoignent également d’une certaine douceur.
C’est cependant cet amour passionné qui met leur mariage à l’épreuve et pousse Erec à aller à l’encontre des valeurs chevaleresques. En effet, la force des sentiments des deux jeunes gens fait de leur relation une relation démesurée. Erec, qui a été reconnu comme le meilleur des chevaliers, est complètement distrait par l’amour qu’il porte à Enide et délaisse totalement ses devoirs de chevaliers pour se consacrer à elle : « A de tout en tout relinquie / Por moi tote chevalerie » (v. 2499-2500). L’expression « de tout en tout » souligne la radicalité du choix et du comportement d’Erec. Cette décision, aussi importante soit elle, semble avoir été prise sur un coup de tête, sans réfléchir aux conséquences qu’elle pourrait avoir à long terme. De plus, on peut voir la description des époux au lit comme une façon de critiquer leur isolement par rapport à la société : « il jurent en lor lit, / Ou eü orent maint delit ; / Bouche a bouche entre braz gisoient, / Come cil qui mout s’entramoinet » (v. 2471-2474). Cette description constitue un exemple concret de ce qui est reproché à Erec par ses compagnons d’armes quelques vers plus tôt : « Sovant estoit midi passez / Ainçois que de lez li levast » (v. 2442-2443). Ces deux citations soulignent la paresse dans laquelle l’amour plonge Erec notamment avec les verbes « jurent », « gisoient » et le fait qu’il se lève après midi alors même qu’à cette époque, les gens se lèvent et se couchent généralement avec le soleil (ce qui signifie qu’à midi, la journée est déjà bien entamée).
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