CNED - La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours
Dissertation : CNED - La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Higaan • 16 Janvier 2016 • Dissertation • 2 823 Mots (12 Pages) • 1 494 Vues
Objet d’étude : La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours
Question :
Quel regard les auteurs de ces textes portent-ils sur l'autre et sur eux-mêmes ? :
Dans le texte A, l'auteur –D. Diderot- semble vouloir faire comprendre à l'explorateur que les personnes qui ne vivent pas comme lui, mais qui sont heureuses, ne sont pas inférieures, aux hommes dits civilisés comme semble le penser l'explorateur. Simplement qu'elles sont différentes. L'explorateur semble prétentieux et fier de ses mœurs. Il semble que l'auteur ait un regard moqueur pour l'explorateur et un beau regard pour le peuple tahitien.
Or, celui qui parle est un tahitien, un vieillard de 90 ans passés, comme il le dit lui-même et il s’adresse, dans cette partie du discours, directement à Bougainville après s’être adressé aux Tahitiens. Diderot concentre ici toute la virtuosité de sa plume pour produire un discours véhément d’une étonnante modernité : les Tahitiens ont accueilli avec bienveillance les explorateurs, ils ont reconnu en eux l’image d’eux-mêmes : « nous avons respecté notre image en toi ». On ne peut mieux dire : l’autre est accepté comme un autre soi ni inférieur ni supérieur, mais il est aussi celui grâce auquel le soi se reconnaît dans sa propre valeur. Et c’est bien celle-ci qu’entend défendre le Tahitien à l’encontre de cette civilisation qu’on voudrait lui imposer de force : leur mode de vie n’a rien à envier à celui qui, orgueilleusement, voudrait lui proposer celui qui prétend incarner les lumières. Leur travail couvre leurs besoins sans les déborder pour satisfaire des désirs superflus ; l’effort n’est pas fui mais il est strictement mesuré à la nécessité, laissant ainsi toute la place à la jouissance et au repos. Le Tahitien réinventé par Diderot ressemble au sage épicurien : le repos et la jouissance sont la meilleure des vertus pour celui qui a compris qu’il n’a à désirer que ce qu’il peut obtenir par son travail parce que ces vertus s’opposent à l’agitation et aux tourments produits par de faux désirs qui ne conduisent qu’au malheur. Comme Rousseau l’évoquait dans son Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, Diderot envisage bien lui aussi une vie selon la nature qui offre un modèle de santé physique et de santé morale qui loin d’être méprisable (« Sommes-nous dignes de mépris ? ») pourrait bien au contraire devenir un modèle utile et enviable de culture. De fait, si les grands auteurs humanistes tels que Montaigne ou T. More avaient déjà âprement critiqué cet orgueil de la civilisation européenne prompte à juger « barbare » toute culture autre, Diderot –comme Rousseau- prolonge dans les Lumières cette critique par un relativisme très moderne qui loin de réduire les cultures à des particularismes relatifs, montre au contraire que la valeur des cultures ne peut résider que dans leurs « relations » et leurs échanges grâce auxquels elles peuvent prendre conscience de ce qu’il y a de bon en elles.
Dans le texte B, l’auteur –J. Lacarrière- raconte ses voyages dans la Crète du sud et il nous décrit comment il a été progressivement transformé tout en restant pleinement lui-même par ces rencontres. Il a été complétement transformé parce que confronté à des coutumes, des usages et des traditions qui lui étaient étrangères, il a dû revoir ses propres habitudes. Ainsi, il le note avec précision, les infrastructures touristiques étant à l’époque tout à fait absentes, aucun repère –ne serait-ce que de confort- n’était disponible pour le voyageur. C’est pourquoi, la frontière entre l’hospitalité traditionnelle et l’hospitalité réelle, l’hospitalité de façade et l’hospitalité authentique, est délicate à définir : être hébergé dans ces villages ne semblait pas le plus difficile puisque l’hospitalité fait partie des traditions des peuples rencontrés par l’auteur. Néanmoins, devenir un hôte choisi et désiré est tout à fait différent. Il faut alors savoir, comme le dit l’auteur, être tout à fait invisible et tout à fait présent. N’est-ce pas contradictoire ? Non, même si c’est paradoxal, devenir invisible suppose de se couler le plus rapidement possible dans les coutumes locales sans pour autant renoncer à sa propre personnalité et à sa propre culture. En effet, le voyage est d’abord une rencontre et comme toute rencontre réelle, cela suppose un échange : si l’hôte devient tout à fait invisible au point de ressembler aux Crétois qu’il côtoie, il n’aura de fait plus rien à leur apporter.
Voilà pourquoi il doit être aussi bien présent en tant qu’étranger susceptible d’apporter à ses hôtes des éléments de culture qui leur sont inconnus. C’est bien ce que l’auteur vise dans ses voyages : rendre cette rencontre avec des inconnus la plus riche possible pour lui et pour les autres. Ce besoin a été obtenu par la rencontre de familles et de villages, dont les personnes étaient pour la plupart hospitalières, chaleureuses et intéressantes, malgré le fait que ce soit des inconnus et des personnes ne faisant pas partie de son pays et ses traditions. L’auteur se sent comme un enfant qui nait et qui a besoin de tout connaître et il fait confiance aux différentes personnes rencontrées durant le voyage pour lui apprendre la vraie vie des différents peuples. Il a donc un beau regard sur l'autre, à la fois curieux et humain. Et la beauté de ce regard, il faut le souligner, tient au fait que la rencontre avec l’autre permet à l’auteur de renaître au sens fort c’est-à-dire de rompre avec les liens de sang, les liens familiaux, les proches qui nous sont imposés. La thèse est ici très claire : les liens familiaux sont de faux liens et ses voyages sont pour l’auteur, l’occasion de décider de sa propre naissance en établissant des liens ponctuels mais puissants avec les personnes rencontrées. En bref, le voyageur véritable ne cherche pas à être partout chez lui, mais au contraire, devient vraiment lui-même en abandonnant les liens familiaux et sociaux qui jusque-là lui ont été imposés et auxquels il s’est contraint. Voilà pourquoi, voyager n’est rien d’autre que recommencer sa propre naissance, ou bien encore, naître vraiment à soi-même.
Dans le texte C, l’auteur –V. Ségalen- définit et critique l’exotisme –au sens convenu- à travers son expérience du voyage. Il explique que l’exotisme est, outre un divertissement et un plaisir, une expérience qui permet l’enrichissement de l’homme. Son regard traduit l’exotisme comme l’expérience
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