Hartmut Rosa, Résonnance
Compte rendu : Hartmut Rosa, Résonnance. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar bourdono • 15 Avril 2025 • Compte rendu • 1 538 Mots (7 Pages) • 23 Vues
Fiche de lecture
Texte « résonnance »
Introduction : Hartmut Rosa est un sociologue et philosophe allemand, qui enseigne à l'université Friedrich Schiller d'Iéna. Il fait partie d'une nouvelle génération de penseurs travaillant dans le sillage de la théorie critique. Cet intellectuel a fait des études de science politique et philosophie à l'université de Fribourg-en-Brisgau. Après son livre Accélération, Hartmut Rosa publie un second ouvrage, en 2018 intitulé « résonnance », où il propose de dresser les contours de ce qu'est une vie bonne, c’est à dire une relation au monde responsive. C’est-à-dire une relation de réponse dans laquelle le monde et le sujet parlent de leur propre voix. La relation induit une transformation mutuelle à la fois du monde et du sujet. Dans ce sens, Rosa s’attelle à construire une sociologie de la relation au monde où La notion clé est la résonance. Dans une époque où la mondialisation entraîne toujours plus de compétition et notre rapport au temps n’a jamais était aussi condensé, l’auteur remet en question notre relation avec le monde qui aujourd’hui semble endolorit. Problématique : Depuis le XIXe siècle, avec la révolution industrielle « la modernité » s’est imposé sur la quasi-totalité du globe terrestre. Ces transformations induites par celle-ci sont nombreuses, tant sur le plan individuel que collectif, environnemental, politique, matériel mais surtout sur le plan relationnel.
En effet, la modernité a surtout modifié la relation au monde (entre le sujet et le monde). C’est en ce sens que l’auteur nous fait part de la nécessité, selon lui de restaurer et ou entretenir une relation responsive basé sur la résonnance avec le monde, afin de faire l’expérience d’une « vie bonne ». A cet egard, en quoi une relation « résonnante » (responsive) au monde est le critère clé d’une vie réussie ? Résumé des arguments du texte : Afin de répondre à cette question Hartmut Rosa apporte un éclairage sur la modernité pensée ici comme histoire d’une catastrophe de la résonnance. L’auteur propose une réinterprétation remarquable de la modernité en délivrant ainsi une critique de la relation au monde et des rapports de résonance. A cet egard, cette théorie met en lumière les différentes crises du monde actuel tel que la crise démocratique mais aussi écologique. En effet, aujourd’hui l’homme consomme le monde sans « l’écouter ». La modernité a entrainé l’être humain dans un mode de vie toujours plus rapide et consommateur occultant ainsi la capacité de réception responsive de l’environnement naturel et matériel, aux autres personnes et aux collectifs qui l’entoure. Autrement dit, une forme de rapport au monde « sans relation », où tout devient muet et sourd. Qu’est-ce que la modernité ? Le sociologue et philosophe allemand commence par souligner le paradoxe de la modernité perçue à la fois comme l’ère du progrès qui a libéré l’homme et a permis son émancipation, mais aussi et surtout l’histoire d’un « processus de régression culturelle, au cours duquel les hommes perdent le sens de leur existence puis peu à peu leur liberté, face à une machine économico- technique » Il met en lumière le problème structurelle des institutions de base de nos sociétés dont le bon fonctionnement est basé sur le mode de l’accroissement. Par conséquent, leur stabilité est dynamique et vise un modèle exponentiel. En ce sens, le XXIe siècle demeure encore pleinement dans la modernité. Cependant, la chute du mur de Berlin, la dérégulation des marchés financiers et la révolution numérique sont des facteurs constitutifs d’une rupture notable, vers les années 1990. On passe d’une modernité « classique » à une modernité « tardive » marquée par un trait structurel et le dépassement de la vitesse de transformation générationnelle. Cette logique d’accroissement et de dynamisation modifie la façon dont les individus prennent « position dans le monde ».
En effet cette place n’est plus prédéfinie, au contraire elle peut changer et se créer de manière performative. L’auteur dévoile ainsi, une peur croissante chez l’être humain qui se sent finalement submergé voire aliéné par toutes ces dynamiques technico -économique, caractéristique de la modernité. Ces phénomènes accentuent cette crainte de voir nos relations se transformer, et révèle ainsi un vide intérieur chez l’individu. Tocqueville, philosophe et homme politique français du XIXe siècle, a montré dans De la Démocratie en Amérique que « le désir de l’égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l’égalité est plus grande ». On peut ainsi transposer cette idée pour expliquer ce vide relationnel intérieur ressenti par l’homme aujourd’hui au paradoxe de Tocqueville sur la tolérance aux inégalités. Dans la mesure où d’après Hartmut Rosa à l’ère de la modernité l’homme est dans une logique de consommation qui régit son mode de vie (rapport au temps, à son environnement, à ses relations avec autrui…) qui est illimitée, idéalisée et donc insatiable. La modernité en tant qu’objet d’émancipation de l’individu qui améliore ses conditions de vie est remis en question par Hartmut Rosa qui porte d’avantage son attention sur les conséquences néfastes que la modernité a dans la relation au monde. Selon lui, Le mot clé qui permet de comprendre la relation moderne au monde est « l’extension de l’accès au monde ». Ainsi, le moteur même de la modernité est de « mettre le monde à notre portée », comme si l’être humain, dans un délire hégémonique, cherchait à tout prix à maîtriser, contrôler le monde. Mais aurait-il oublié l’épisode de la tour de Babel ? D’où l’importance d’entretenir et ou restaurer une relation résonnante au monde. A vouloir trop s’approcher d’un idéal, la démocratie pour Tocqueville et la modernité basé sur un modèle dynamique d’accroissement illimité pour Rosa, l’homme perd ses repères. Le silence du monde dans la littérature et la philosophie Dans une seconde partie, l’auteur esquisse certaines évolutions cruciales de l’espoir de résonnance à travers la littérature, la philosophie et les théories sociales. Il part du constat que de l’époque romantique à la fin du XXe siècle, l’opposition d’un « espoir poétique de résonnance » et « l’expérience douloureuse d’un monde figé et muet » constitue un véritable terreau d’inspiration artistique. Cet élément est donc caractéristique de la culture moderne comme le montre Schiller dans Les Dieux de la Grèce, où l’absence de résonance est propre à la modernité. Il évoque tout de même la possibilité grâce à l’éducation esthétique, l’art et le jeu de « restaurer une relation intacte entre le sujet et le monde ». Cette idée qu’une relation résonnante avec le monde n’est qu’illusion se retrouve chez Goethe mais aussi chez Shakespeare dans Hamlet, et se radicalise dans la littérature avec Heine notamment, dès la fin du 19e siècle et surtout du 20e siècle. Le problème d’aliénation et la difficulté de « trouver sa place » dans un monde où d’après Beckett, « tous les axes de résonnance inimaginables sont systématiquement rendus muets ». Ce bref tableau de la modernité littéraire dévoile ainsi une « catastrophe historique de la résonnance » en faisant émerger une certaine « déstabilisation et un trouble de la relation au monde ». Dans un second temps, Hartmut Rosa évoque rapidement les tentatives littéraires qui défendent la modernité en soutenant une amélioration des modes de vies. Parmi eux, on retrouve Kant, Voltaire, Habermas, Locke… A cette tradition optimiste, l’auteur oppose l’idéalisme allemand dont Hegel, Schopenhauer, Kierkegaard et Nietzche sont tributaire. Cette idée porte son attention sur les transformations dans la « qualité de la relation au monde ».
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