Dissertation cinéma : les comédies musicales : une illusion spectaculaire ?

Dissertation

Les comédies musicales

La comédie musicale a émergé au moment où le cinéma parlant a vu le jour, symbolisé par le film emblématique The Jazz Singer en 1927, bien que ce genre ait déjà prospéré sur les scènes de Broadway. Cependant, malgré sa popularité, il a été soumis à une série de critiques, notamment dans un article, intitulé “les Comédies musicales” se trouvant dans la revue Séquences, et dans lequel il est affirmé que : “La comédie musicale exalte le plus souvent un monde d'une inconsistance et d'une fadeur qui n'invite certes pas à la réflexion et à l'élévation morale, mais bien plutôt à la paresse, à la facilité, à l'illusion et au rétrécissement de l'âme.”. La comédie musicale renvoie ici et surtout dans ce contexte à un genre cinématographique, un film dans lequel la musique est dominante, mêlant chant et danse à certains moments du film, et pouvant servir, ou non, à la poursuite du récit, car elle peut également servir au monde spectaculaire, comme l’affirme le critique. Ce dernier, d’ailleurs parle d’un “monde d’une inconsistance et d’une fadeur”, supposant alors que la comédie musicale crée un nouveau monde à part et donc un nouvel univers, bien que celui-ci ne manque de consistance c’est-à-dire de cohérence et de solidité, étant alors inintéressant et ennuyeux, mais est également fade, manquant alors de saveur, et donc potentiellement de caractère, la comédie musicale restant alors, selon l’auteur très superficielle n'exploitant aucunement le profond. Par le verbe “exalter”, qui signifie glorifier ou faire l’éloge, il montre bien que la comédie musicale fait partie de ce monde, allant jusqu’à même le mettre en valeur. De même, il affirme également que la comédie musicale a un certain impact sur le spectateur, notamment et surtout au niveau moral, grâce à la phrase : “qui n'invite certes pas à la réflexion et à l'élévation morale”, supposant alors ici qu’elle n’amène pas à un engagement moral ni même politique pour le spectateur, ni ne cherche à instruire ce dernier, en mettant en valeur l’aspect spectaculaire avec les performances. L’auteur va renforcer son idée avec l’anaphore : “à la paresse, à la facilité, à l'illusion et au rétrécissement de l'âme”, cette gradation suppose donc un spectateur passif et presque infantilisé avec la comédie musicale, celle-ci allant même jusqu’à réduire l’esprit du spectateur, en montrant notamment l’illusion d’un monde utopique, dans lequel le bonheur règne malgré tout, ce qu’il exprime particulièrement avec le terme “facilité”, qui renvoie au fait qu’il n’y a pas (ou presque pas) de prises de têtes, le plongeant alors dans l’illusion d’un monde facile, ce qui l’invite alors à la “paresse”, ne l’amenant aucunement à être en position de réflexion, ni d’avoir une activité de l’esprit. Autrement dit, selon l’auteur, la comédie musicale est avant tout spectaculaire avec sa performance, ne cherchant donc pas une histoire structurée, étant alors inintéressante. Elle fait alors l’éloge d’un monde qui ne cherche pas à instruire moralement ou politiquement le spectateur, mais, au contraire, à abaisser son esprit dans l’illusion d’un monde et d’une vie facile ainsi que le plonger dans la passivité. Or, les comédies musicales, par leurs caractéristiques, ne contribuent-elles pas justement à faire du cinéma un art en créant un monde à part entière ? De même, qu’en est-il des films musicaux qui cherchent dans les performances à faire des revendications politiques et donc amener à une réflexion par le spectateur, allant au-delà du simple aspect spectaculaire ? N’y aurait-il pas également une recherche de dénonciation de certains faits, tels que par exemple le cinéma lui-même ? Il est alors possible de poser la problématique suivante : La comédie musicale est-elle condamnée à n’être qu'une illusion spectaculaire, ou bien peut-elle créer un monde à part entière à dimension artistique ? Il sera alors important de noter que certes, la comédie musicale, infantilisante pour le spectateur, crée un monde d’illusion, de facilité et donc de paresse, mais il n’en demeure pas moins que ces performances peuvent également permettre de créer un monde imaginaire  et donc faire de la comédie musicale un genre à part entière qui contribue à faire du cinéma un art, c’est pourquoi, force sera de constater que par ce passage au monde imaginaire et grâce aux performances qui sont certainement spectaculaires, les comédies musicales peuvent également être porteuse d’un discours.

        La comédie musicale peut être considérée comme contributive à la passivité du spectateur en renforçant également une illusion sur un monde utopique, relevant d’une grande facilité, notamment par sa mise en scène pouvant s’avérer assez simplifiée, de même que les personnages, qui peuvent être de purs archétypes, et enfin cette illusion est renforcée par la mise en avant d’une dimension spectaculaire, au profit d’un scénario qui peut s’avérer inabouti. 

        La facilité des comédies musicales peut se manifester premièrement dans la simplicité de leur mise en scène, qui reflète également la superficialité des scénarios. Les décors et les costumes colorés, bien que visuellement attrayants, peuvent manquer de profondeur et de complexité, ce qui contribue alors à une expérience cinématographique facile et peu exigeante pour le spectateur. Cette simplification de la mise en scène peut ainsi conduire à une perception d'illusion de la facilité du monde et de la vie, car le spectateur n'est pas nécessairement incité à interpréter ou à questionner les choix artistiques du réalisateur. Au contraire, il peut être tenté de se laisser porter par le divertissement sans réfléchir de manière critique, ce qui pourrait entraîner un rétrécissement de l'âme en empêchant le développement de la pensée et de la réflexion profonde. Le film Grease, réalisé par Randal Kleiser offre un exemple emblématique de ce type de mise en scène. En effet, dans ce film, se déroulant dans les années 1950, et suivant l’histoire de deux lycéens qui se rencontrent et tombent amoureux pendant l’été, puis qui se retrouvent dans la même école à la rentrée, leur relation étant alors mise à l’épreuve par les pressions sociales et les attentes de leurs pairs, car les deux groupes auxquels ils appartiennent sont ennemis, force est de constater plusieurs éléments de la mise en scène, qui contribuent à faire que celle ci est très simplifiée et amenant ainsi à créer une expérience divertissante et accessible pour le spectateur, tout en renforçant l’illusion de la facilité du monde et de la vie. C’est le cas notamment pour la séquence emblématique de la chanson “Summer Nights”, un exemple assez important car il regroupe tous les procédés utilisés dans le film. Effectivement, tout d’abord, celle-ci utilise des décors et des costumes de manière reconnaissable mais simplifiée des années 50, tels que par exemple les voitures vintage, de même que les vêtements, qui proposent d’ailleurs une grande diversité des couleurs, ainsi que les éléments de décor emblématiques comme par exemple le terrain de baseball, qui contribuent à créer une dimension nostalgique et festive, mais cela sans forcément chercher à représenter la réalité de manière très détaillée. Cette esthétique colorée et simplifiée de la mise en scène peut permettre aux spectateurs de s’immerger facilement dans l’univers du film, sans être distrait par des détails complexes. De même, la séquence utilise beaucoup de plans larges ou moyens, qui permettent de montrer l’ensemble des acteurs en train de danser et chanter, une danse d’ailleurs très entraînante et synchronisée, invitant le spectateur à participer à cet aspect festif et à se laisser emporter par la musique. Les mouvements de caméra fluides utilisés, tels que des travellings en gure, capturent également l’enthousiasme des personnages, suivent les intéractions entre les personnages de manière dynamique et naturelle, et créent ainsi une sensation d’immersion pour le spectateur. En somme, cette séquence illustre donc bien par la création d’une expérience divertissante et immersive, grâce sa mise en scène simplifiée par les décors, les costumes et les mouvements de caméra, que cette dernière contribue à l’illusion de la facilité du monde et de la vie par la comédie musicale pour le spectateur. Ainsi, il est possible de dire que la mise en scène simplifiée des comédies musicales contribue à cet aspect d’illusion de la facilité du monde et de la vie pour le spectateur.  

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