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Les Travailleurs de la mer, Victor Hugo

Dissertation : Les Travailleurs de la mer, Victor Hugo. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  15 Décembre 2020  •  Dissertation  •  1 976 Mots (8 Pages)  •  1 260 Vues

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CHAUSSON

Crystal

38002967

Humanités droit, éco/gestion

Littérature du XIXème siècle – Dissertation sur Les Travailleurs de la mer

« Jamais Victor Hugo n’a su construire un livre cohérent et équilibré. Dans Les Travailleurs de la mer, il ne bâtit pas, il plaque. Faiseur par pièce et par morceaux, il coupe le fil à son récit et à ses personnages avec des dissertations abominables, dans lesquelles se débattent, comme dans un chaos, les prétentions d'un Trissotin colossal. », c’est ce qu’affirme le critique littéraire contemporain Jules Barbey d’Aurevilly. Pour analyser ce jugement, nous allons étudier Les Travailleurs de la mer de Victor Hugo publié en 1866. Lorsque que l’auteur écrit cette œuvre, il est en exil dans l’île anglo-normande de Guernesey. Nous verrons que cet exil est important pour comprendre la démarche d’Hugo avec ce roman.  D’abord l’auteur a dédié ce livre à « ce rocher d’hospitalité et de liberté ». Pour introduire notre étude il serait bienvenu de résumer ce roman. Cependant, après sa lecture, nous nous rendons vite compte que même si l’intrigue peut paraître simple et légère, il est impossible de résumé ce livre comme un simple roman de fiction. Ainsi nous voyons que Les Travailleurs de la mer est un ouvrage complexe et riche, on pourrait presque dire qu’il contient deux à trois romans en un.

Ainsi, quand le critique littéraire affirme que l’auteur « ne bâtit pas, il plaque » nous comprenons que cela fait référence au réalisme présent dans le texte de Victor Hugo, un réalisme qui souvent traine en longueur dans « des dissertations abominables » où l’auteur s’adonnent à de longues descriptions. Effectivement le roman est découpé par « pièces » et par « morceaux » au moyen de nombreux et courts chapitres qui laissent successivement place à la description de nouveaux personnages et de nouvelles actions. Le livre alterne entre focalisation sur des personnages, actions et de longues descriptions.

Dans cette étude nous allons nous demander si la critique de Jules Barbey d’Aurevilly rend bien compte du roman ?

Dans un premier temps nous verrons que le critique littéraire a raison de pointer du doigts une certaine dislocation du livre. Puis, dans un second temps nous verrons que cette apparence désorganisée du roman est en fait un habile procédé de l’auteur pour organiser son intrigue d’un bout à l’autre.

Les Travailleurs de la mer est un livre riche et complexe. Nous pouvons y retrouver plusieurs genres littéraires. Le roman est divisé en trois parties : dans la première partie Gilliatt tombe amoureux de Déruchette, dans la seconde partie il part sauver la machine de la Durande contre laquelle lui est promise la main de Déruchette s’il mène cette mission héroïque à bien puis dans la troisième partie Gilliatt revient à Guernesey avec la machine de la Durande afin de se marier avec son amante rêvée. Ces trois parties se mêlent mais forment presque trois histoires de trois genres littéraires différents.

En effet le livre est d’abord structuré comme une sorte de roman d’amour initié dès le premier chapitre par l’intrigue amoureuse entre Gilliatt et la jeune Déruchette. Cependant quand on se fie à la table des matières, peu de chapitres renvoient directement à cette histoire d’amour. La première partie du roman présente les personnages principaux ainsi que les lieux de déroulement de l’action notamment l’île de Guernesey. Suite au premier chapitre, nous sommes pris par l’intrigue amoureuse et désirons savoir ce qu’il adviendra de l’histoire de Gilliatt et Déruchette. Cette entrée dans le roman laisse croire que nous allons avoir affaire à un roman d’amour mais Déruchette se remêle à l’intrigue seulement bien plus tard dans le livre. En effet avant de la retrouver, le narrateur nous fait d’abord la présentation de chaque personnage principal puis des principaux lieux de l’action ce qui entraine des longueurs dans la lecture du livre.

Dans la deuxième partie, Gilliatt devient un héros épique dans un roman de chevalerie où il est question de la lutte de l’Homme contre la nature. En effet, Gilliatt éperdument amoureux de Déruchette qui lui sera promise s’il arrive à sauver la machine de la Durande, part dans une excursion à priori impossible et mortelle. Pendant le voyage en mer de Gilliatt, Déruchette disparait totalement, elle n’est même pas évoquée, comme s’il l’avait oubliée. La jeune femme est remplacée par la Durande, son double. En effet, Mess Lethierry (l’oncle de Déruchette) « a deux amours : Déruchette et la Durande ». Cette deuxième partie est axée sur les aventures de Gilliatt au rocher Douvres où est échouée le bateau. Ce long et périlleux sauvetage présente alors Gilliatt comme un héros chevaleresque, il subit toutes les épreuves pour être aimé de sa belle, même les plus dangereuses, celle qui font de lui un héros. C’est le cas de son affrontement avec la pieuvre que l’on retrouve dans le chapitre intitulé « Le monstre ». Ce titre appuie la puissance de Gilliatt qui réussit finalement à vaincre cette force de la pieuvre décrite comme presque surnaturelle.  Dans cette situation difficile, Gilliatt régresse, il retourne à l’état primaire où il s’agit uniquement de survivre C'est peut-être la raison pour laquelle Déruchette semble être effacée de sa pensée.

Dans la troisième partie du roman, Gilliatt revient triomphant rendre la machine de la Durande à son inventeur Mess Lethierry. Gilliatt qui était auparavant méfié de tous est désormais un héros. Auparavant tout le monde le fuyait, maintenant qu’il n’est plus un marginal mais un héros, tout le monde se précipite à Guernesey pour le voir. Cependant Déruchette n’a pas que Gilliatt comme chevalier : il y a aussi Ebenezer dont elle est tombée amoureuse à l’Église et dont elle répond favorablement à la demande en mariage. De là naît une tragédie romantique puisque Mess Lethierry ordonne que Déruchette soit mariée à Gilliatt mais cette dernière aime Ebenezer et pensait être sur le point de l’épouser. En effet le lyrisme d’Ebenezer envers Déruchette a effacé les déclarations d’amour chevaleresques de Gilliatt de son bagpipe à son exploit en mer comme preuve d’amour. Le tragique de cette affaire est accentué par l’injustice dont le lecteur est témoin : Ebenezer n’a rien fait pour mériter l’amour de Déruchette que de la regarder alors que Gilliatt a mis sa vie en danger pour elle, sauver la machine c’est comme « travailler dur ». Il méritait le cœur de Déruchette pour son effort héroïque. En sauvant Ebenezer au début du récit, Gilliatt signe sa propre mort. Mais Victor Hugo écrit dans une lettre que « ce qui échappe à la mer n’échappe pas à la femme » : Gilliatt a vaincu la mer mais il ne peut pas vaincre le cœur de la femme qui n’obéit à rien d’autre que l’amour et le désir puisque le cœur est le « plus implacable des abîmes ». On peut par la force et la science contrôler la nature mais on ne peut pas contrôler l’amour d’un cœur auquel on ne peut pas avoir accès, vous avez votre place dans un cœur ou vous ne l’avez pas. Ici l’amour ne laisse pas beaucoup de place à l’espoir dont l’exploit de Gilliatt est l’expression, il est plutôt guidé par le destin. Ainsi, en même temps que naît la tragédie romantique, le roman épique de Gilliatt disparaît pour s’achever sur sa mort.

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