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Lecture analytique d'un Extrait de la préface du roman Dernier Jour d’un Condamné de Victor HUGO

Compte Rendu : Lecture analytique d'un Extrait de la préface du roman Dernier Jour d’un Condamné de Victor HUGO. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  6 Avril 2013  •  3 104 Mots (13 Pages)  •  5 623 Vues

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Lecture analytique.

Extrait de la préface du Dernier Jour d’un Condamné, V. HUGO (1832).

Lors de sa parution, d’abord anonyme, en 1829, le Dernier Jour d’un Condamné est mal accueilli. On lui reproche notamment de se complaire dans l’horreur. Victor Hugo rédige alors, trois ans après la première édition, une préface dans laquelle il met en avant la fonction morale et politique de son roman. Le roman prend dès lors, pour Hugo, une dimension idélologique.

Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort nécessaire. D’abord, – parce qu’il importe de retrancher de la communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui nuire encore. – S’il ne s’agissait que de cela, la prison perpétuelle suffirait. À quoi bon la mort ? Vous objectez qu’on peut s’échapper d’une prison ? Faites mieux votre ronde. Si vous ne croyez pas à la solidité des barreaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries ?

Pas de bourreau où le geôlier suffit.

Mais, reprend-on, – il faut que la société se venge, que la société punisse. – Ni l’un, ni l’autre. Se venger est de l’individu, punir est de Dieu.

La société est entre deux. Le châtiment est au-dessus d’elle, la vengeance au-dessous. Rien de si grand et de si petit ne lui sied. Elle ne doit pas “punir pour se venger” ; elle doit corriger pour améliorer. Transformez de cette façon la formule des criminalistes, nous la comprenons et nous y adhérons.

Reste la troisième et dernière raison, la théorie de l’exemple. – Il faut faire des exemples ! il faut épouvanter par le spectacle du sort réservé aux criminels ceux qui seraient tentés de les imiter ! -Voilà bien à peu près textuellement la phrase éternelle dont tous les réquisitoires des cinq cents parquets de France ne sont que des variations plus ou moins sonores. Eh bien ! nous nions d’abord qu’il y ait exemple. Nous nions que le spectacle des supplices produise l’effet qu’on en attend. Loin d’édifier le peuple, il le démoralise, et ruine en lui toute sensibilité, partant toute vertu. Les preuves abondent, et encombreraient notre raisonnement si nous voulions en citer. Nous signalerons pourtant un fait entre mille, parce qu’il est le plus récent. Au moment où nous écrivons, il n’a que dix jours de date. Il est du 5 mars, dernier jour du carnaval. À Saint- Pol, immédiatement après l’exécution d’un incendiaire nommé Louis Camus, une troupe de masques est venue danser autour de l’échafaud encore fumant. Faites donc des exemples ! le mardi gras vous rit au nez.

Que si, malgré l’expérience, vous tenez à votre théorie routinière de l’exemple, alors rendez- nous le seizième siècle, soyez vraiment formidables, rendez- nous la variété des supplices, rendez- nous Farinacci, rendez- nous les tourmenteurs jurés, rendez- nous le gibet, la roue, le bûcher, l’estrapade, l’essorillement, l’écartèlement, la fosse à enfouir vif, la cuve à bouillir vif ; rendez- nous, dans tous les carrefours de Paris, comme une boutique de plus ouverte parmi les autres, le hideux étal du bourreau, sans cesse garni de chair fraîche. Rendez- nous Montfaucon, ses seize piliers de pierre, ses brutes assises, ses caves à ossements, ses poutres, ses crocs, ses chaînes, ses brochettes de squelettes, son éminence de plâtre tachetée de corbeaux, ses potences succursales, et l’odeur du cadavre que par le vent du nord-est il répand à larges bouffées sur tout le faubourg du Temple. Rendez- nous dans sa permanence et dans sa puissance ce gigantesque appentis du bourreau de Paris. À la bonne heure !

Voilà de l’exemple en grand. Voilà de la peine de mort bien comprise. Voilà un système de supplices qui a quelque proportion. Voilà qui est horrible, mais qui est terrible.

I/ Un réquisitoire qui fait appel à la raison de ses lecteurs.

A/ Le schéma argumentatif du passage :

1) Le texte est très fermement structuré : on le voit aux connecteurs logiques et articulations du discours qui découpent le texte en trois parties : « d’abord », « mais », « la troisième et dernière raison ». Il est ainsi aisé de retrouver le schéma argumentatif de ce passage.

2) La première phrase est au présent de vérité générale : elle énonce donc une thèse, qui n’est pas celle de Victor Hugo, qui désigne par une périphrase « ceux qui jugent et qui condamnent » les partisans de cette thèse que va contrer Hugo. On note qu’il s’adresse d’abord aux instances judiciaires, qui seront à nouveau évoqués par le GN « les criminalistes ». On remarque également qu’il y a une association, une sorte d’équivalence, qui s’établit entre « juger » et « condamner » (les deux PSR comptent presque le même nombre de syllabes : 2 et 3 ; cette isocholie renforce l’équivalence entre les deux termes). Discrètement, Victor Hugo assimile ainsi l’exercice de la justice à celui de la condamnation, forgeant ainsi l’image d’une justice sévère.

3) Le texte se construit ensuite sur un schéma simple : Hugo commence par énoncer les arguments des partisans de la peine de mort, puis leur oppose des contre- arguments. On le voit notamment aux termes qui connotent l’opposition : « vous objectez », « mais », « pas de », « ni l’un ni l’autre », « nous nions » (anaphore).

B/ Un réquisitoire en forme de dialogue :

 L’efficacité de ce réquisitoire tient à sa vivacité qui l’assimile à un discours. Hugo use ici de procédés oratoires destinés à interpeller le lecteur et à capter son attention.

1) Les pronoms personnels employés sont typiques du dialogue.

D’une part, le locuteur parle à la première personne, et apparaît donc comme un tribun prononçant un discours. Il utilise le « nous », qui a ici une valeur de modestie : c’est le « nous » des auteurs, des conférenciers, des étudiants, qui estompe l’individu derrière une entité collective (à la différence du « nous » de majesté des rois). Hugo ne cherche pas à mettre en avant sa propre personne, mais à se fondre dans un groupe ; ce faisant, il suggère également au lecteur qu’il n’est pas seul à condamner la peine de mort.

D’autre part, il s’adresse directement aux partisans de la peine de mort. On observe une évolution dans l'emploi des pronoms personnels : à la première ligne, Hugo parle de ces partisans de la peine de mort à la troisième personne

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