D’où provient l’émotion que l’on ressent à la lecture d’un texte poétique ?

Rhita Bzik 1èreSA                                                                                                                   07 Novembre 2017

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………….....

Dissertation : D’où provient l’émotion que l’on ressent à la lecture d’un texte poétique ?

    Le principal but d’une œuvre littéraire est de susciter des réactions chez le lecteur. Néanmoins, le roman ou le théâtre par exemple ne produisent pas le même effet que la poésie. « L’esprit du poète est une fabrique d’images » dit le surréaliste Pierre Reverdy en 1966 dans son célèbre poème « sable mouvant ». Autrement dit, par l’intermédiaire du poète, la poésie transmet des émotions, moins durables que le sentiment ou  la passion, elles sont en revanche plus intenses et se manifestent chez le lecteur par la joie, la tristesse, la colère etc… Ainsi, qu’est-ce qui, dans un texte, crée l’émotion poétique chez le lecteur ? Comme dans les productions des autres arts, le résultat est une somme ou un produit et provient de plusieurs facteurs. Nous allons dans un premier temps voir que la poésie émeut par la nature de son poète et par les sujets qu’elle aborde, puis nous expliquerons  dans un second temps comment l’émotion poétique naît d’autres arts, et pour finir nous allons étudier la capacité de la poésie à s’évader du monde réel laissant le lecteur empli d’émotions.

    L’émotion dépend avant tout du poète et du regard qu’il rejette. « La Poésie ne se trouve pas dans la nature mais dans le regard de celui qui contemple », dit Paul Reverdy. En effet, derrière chaque écriture poétique se trouve un être sensible qui souhaite soigner ses maux par des mots décrivant ainsi ses propres émotions. La poésie lyrique naquit par la volonté des poètes à créer un lien émotionnel avec le lecteur,  lui permettant  de s’identifier à eux ; « Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous », dit Victor Hugo.

L’émotion poétique peut également surgir d’une thématique. En effet, la poésie est connue par sa variation de thèmes universels. L’amour par exemple est commun à tous les humains de tous les âges. Il plonge Tardieu (« Conjugaisons et interrogations ») dans un profond désarroi et fait vivre Victor Hugo (« Je respire ou tu palpite ») dans un bonheur absolu.  On retrouve également d’autres thèmes comme la mort (« La mort » de Paul Verlaine), ou encore la solitude (« Demain dès l’aube » de Victor Hugo). La poésie est un moyen d’amplification des cris de douleurs de ses adeptes  ainsi que leurs cris de bonheur. Les fleurs du mal de Charles Baudelaire est un recueil qui mêle deux émotions contraires pour en créer une nouvelle. L’actualité du thème contribue aussi à émouvoir ; Certains poètes préfèrent s’exprimer sur des thèmes moins universels en lien avec les circonstances et la réalité du moment. La poésie engagée par exemple (« Contre la peine de mort » de Lamartine) crée un sentiment de révolte chez le lecteur. Outre les thèmes liés à la guerre et à la mémoire, la célébration d’un événement à travers l’écriture poétique crée l’émotion esthétique née de la beauté (l’art pour l’art des Parnassiens).

    La poésie est un art qui mêle les pinceaux de l’émotion et du langage. La preuve en est que le poète est un peintre qui fait naître l’émotion chez le lecteur en un simple mouvement de pinceau, comme l’indique l’étymologie du mot « émotion » (du latin motio), un mouvement nous sortant de nos habitudes. La poésie est une peinture qu’on entend au lieu de la voir. Un poème crée l’émotion à la manière d’un tableau, par sa forme même, sa mise en page (vers, strophes, calligrammes). Mais c’est aussi par les tableaux qu’il décrit que le poète crée l’émotion, par l’usage de couleurs, de formes (Baudelaire : « Invitation au voyage », « Parfum exotique »). Enfin, par les images (comparaisons, métaphores, personnifications…), le poète crée des visions, surprend, émeut. La musique étant la transmission sonore d’émotions, la musicalité ne peut que contribuer à la transmission poétique de l’émotion. « De la musique avant toute chose », conseille Verlaine. En effet, la musique constitue l’Histoire de la poésie (mythe d’Orphée, poésie chantée). Les sonorités (assonances et allitérations « Une rue assourdissante hurlait » Baudelaire), les jeux sur les rythmes, les rimes (plates, croisées, embrassées…), les refrains ainsi que les répétitions sont des moyens musicaux qui font naitre une émotion plutôt par la forme que par le fond. De même, l’agencement des idées dans un poème conduit à l’émotion. Prenons l’exemple de  « Les animaux malades de la peste » tirée des Fables de La Fontaine qui indigne d’abord le lecteur de l’injustice que subit l’âne au cours de l’histoire de telle sorte qu’il adhère finalement à la morale de la fable : Les courtisans flattent leurs supérieurs et les honnêtes gens souffrent de leur hypocrisie sociale. La forme crée donc de l’émotion à partir de la musicalité et de la disposition.

...