Journal de Rimbaud

Cher journal intime,

En ce doux matin de septembre, j’aimerai mettre par écrit, quelque chose de formidable. Une chose qui m’a été donnée de faire, une personne qui m’a été donnée de rencontrer. Un moment des plus bref mais également des plus intense. Il eut lieu sous le soleil couchant du mois de juin, il eut lieu avec cette fille.

J’aimerais en créer un poème. Je voudrais honorer cet instant, en laisser une trace. On ne peut résumer la vie en quelques lignes, mais on essaye parfois d'en garder une partie. Je n’ai que 17 ans. On n’est pas sérieux quand on a 17 ans.

Je ne veux pas d’un poème qui s’applique uniquement à moi. Celui-ci doit être général, car l’expérience est universelle. Je voudrais que l’on puisse sentir l’amour courtois que l’on partageait mais aussi la sensualité. Je désire que mon lecteur puisse remarquer que lorsque j’étais avec elle, je me sentais ivre intérieurement. Je souhaite avoir une emprise sur lui, je souhaite que mon poème en ait une sur lui, comme lorsque l’on est sous l'emprise d'une passion et que l’on ne peut rien contrôler.

Je voudrais insister sur cette entrée dans le monde nouveau et mystérieux qu’est le sentiment amoureux.

Je voudrais continuer en soulignant que cette fille n’a fait que passer dans ma vie. J’aimerais l’accentuer de manière délicate en utilisant des mots qui lui ressemblaient.

C’était une demoiselle aux airs charmants, qui portait des petites bottines, qui bougeait vivement et me quitta ensuite. J’étais amoureux, elle l’était également. Nous avons continué notre vie, elle près de son père, et moi ici. Je voudrais finir mon poème en rédigeant des vers presque semblables à la première strophe pour affirmer que rien n’est fini, que la vie continue et que les rencontres ne s’arrêtent pas.

...