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Puis-je juger qu'autrui a tort ?

Dissertation : Puis-je juger qu'autrui a tort ?. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  24 Octobre 2024  •  Dissertation  •  4 423 Mots (18 Pages)  •  36 Vues

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BARROSO ELSA TG4

Puis-je juger qu’autrui a tort ?

PHILOSOPHIE

La règle numéro 10 du best-seller de Dale Carnegie, intitulé Comment se faire des amis stipule qu’il ne faut pas dire à autrui qu’il a tort. L’auteur recommande plutôt au lecteur d’être de nature conciliante, en faisant preuve de tact et de diplomatie, afin d’éviter la création d’un conflit avec lui. En effet, que gagne-t-on à dire à l’autre qu’il a tort ? Si je lui prouve que j’ai raison, il m’aimera moins à coup sûr, tandis que si j’ai tort mais que je prétends avoir raison, je me ridiculise. Certes, l’auteur délivre ce conseil dans le contexte où autrui est un.e ami.e en devenir, et que je cherche à « sympathiser » avec lui/elle. Alors, qu’en est-il pour mon ennemi.e ? Et des institutions, tel que l’état ? Avec quelle autorité puis-je prétendre avoir raison, et l’autre, tort ? Juger qu’autrui a tort reviendrait à affirmer que j’ai raison et que je détiens la vérité, qui se définit par l’adéquation entre mon jugement et la réalité. Si, comme l’affirme Dale Carnegie, dire à autrui qu’il a tort serait source de conflit, n’existerait-il pas un moyen pour éviter cela ? En lui disant qu’il a tort, suis-je vouée à créer un conflit avec autrui ? Nous nous pouvons donc nous poser la question suivante : puis-je juger qu’autrui a tort ? D’un côté, celui qui porte atteinte aux droits fondamentaux de chacun.e est immoral, et ne doit en aucun cas perpétrer ses actions. Il semblerait alors que reconnaître qu’autrui a tort s’apparenterait davantage à un devoir qu’à une possibilité. Malgré les « excuses » portées sur la tradition ou les différences de culture afin de justifier certains actes, chaque être humain bénéficie de droits irrévocables, qui ne peuvent être remis en question. D’un autre côté, il existe des vérités universelles, qui se construisent en opposition aux vérités générales, qui elles, peuvent admettre des exceptions. On retrouve parmi ces vérités, les vérités scientifiques, qui, en raison de la méthode scientifique, sont objectives. A nouveau, si j’ai raison et elle, tort, je prends le risque de vexer la personne. Ainsi, aucun cas présenté ici n’est plaisant pour les deux personnes. Pour tenter de dépasser le problème que nous venons de formuler, nous verrons dans un premier temps qu’il est de mon devoir de juger et de reconnaître qu’autrui a tort lorsque cette personne commet des actes immoraux, afin d’éviter leur banalisation. Toutefois, nous verrons que juger fausses certaines affirmations ne serait pas pertinent, lorsque celles-ci relèvent du domaine des vérités universelles, qui n’admettent aucune exception, à la différence d’une vérité générale, ou bien de son opinion sur une œuvre d’art, dans la mesure où la sensibilité est propre à chacun. Cependant, nous verrons que le relativisme peut entraver nos bonnes intentions, si nous venions à nous faire tous justice nous-même, en devenant en quelque sorte des « représentants du tribunal des droits de l’Homme », et qu’il est plus prudent d’avoir des preuves et des connaissances sur le sujet donné pour juger qu’autrui a tort.

 

  On peut tout d’abord affirmer que si l’être humain est celui qui fait le bien, alors l’être inhumain est celui qui commet le mal. Ainsi, je dois juger que celui qui porte atteinte à l’intégrité d’autrui a tort d’agir ainsi. Celui qui affirme trouver son bonheur dans le crime est forcément immoral. Mais qu’est-ce que l’immoralité ? A partir des Fondements de la métaphysique des mœurs, nous pouvons affirmer que tout être de raison peut avoir accès à la loi morale pour peu qu’il écoute sa raison. En effet, la loi morale est purement formelle et universelle, et elle prend l’attrait d’un impératif catégorique pouvant être formulé ainsi : nous devons toujours agir de manière à considérer l’humanité aussi bien dans sa propre personne que dans celle de toute autre ; ne jamais considérer l’autre simplement comme un moyen, mais toujours comme une fin. Par le passé, nombreux ont été ceux qui ont été immoraux sur ce point là : la pratique de l’esclavage était auparavant monnaie courante, alors que l’Homme rend compte à présent de l’inhumanité d’un tel usage, puisqu’il s’agit d’une mise en danger du bien être humain. La loi elle-même a joué un jeu dans ces actes transgressant la morale : en effet, c’est le Code Noir, qui incarnait la loi dans les colonies françaises, qui autorisait l’esclavage. Nous pouvons donc dire que même si la loi a jugé et perçu une pratique comme juste par le passé, son immoralité n’en reste pas moins évidente. Nous pouvons aujourd’hui juger que la loi a eu tort, et qu’elle continue d’avoir tort dans plusieurs domaines. La question du bien être animal n’est par exemple aujourd’hui pas assez médiatisée ni présentée comme importante au public, si bien qu’on dénombre par exemple encore des centaines d’abattoirs en France, où des animaux sont abattus encore à-demi conscients ; c’est pourquoi de nombreuses ONG ne cessent d’adresser au Ministre de l’Agriculture des propositions concrètes dans ce domaine. La maltraitance animale est cruelle, et vise à faire souffrir un être-vivant pour son plaisir personnel : cette pratique, aujourd’hui jugée courante, deviendra plus tard, nous l’espérons, immorale. Cette immoralité peut certes prendre de nombreuses autres formes, tel que le proxénétisme, où l’on considère bien autrui simplement comme un moyen, celui de satisfaire ses plaisirs sexuels, ou bien peut être aussi retrouvée dans nos relations avec les autres. Dans l’éthique à Nicomaque, Aristote différencie les amitiés par intérêt, qui sont fondées sur l’utile, l’agréable, le divertissant, aux amitiés bienveillantes et bienfaisantes, où l’ami est aimé pour qui il est. Je dois avant tout chercher des relations éthérées, étymologiquement, du latin ether, ce qui revient à s’élever de manière céleste. Considérer autrui simplement comme « des bras en plus » pour un déménagement, pour passer le temps lorsque l’on s’ennuie un week-end ou bien pour me permettre d’accéder à un poste prestigieux, est immoral, et je dois juger que dans de telles actions, autrui a tort. Chacun se doit de respecter les droits fondamentaux de chacun, sinon, il est immoral.

  Je dois certes juger qu’autrui a tort lorsqu’il affirme trouver son bonheur dans le vice, mais le but de cette revendication est surtout d’éviter que l’autre réitère son acte. En lui disant qu’il a tort, le risque qu’il reproduise l’action s’amenuise, à la manière d’un parent apprenant à son enfant qu’il a tort lorsqu’il frappe en retour sa camarade après que celle-ci lui ait donné un coup. Je dois condamner la personne cruelle, pour ne pas qu’elle répète ses actes. Tel était le but du procès de Nuremberg, au cours duquel furent jugés, entre novembre 1945 et octobre 1946, les principaux responsables du régime nazi, qui révéla des atrocités dépassant en horreur ce que l’esprit le plus pervers aurait pu imaginer. C’est pour empêcher la réitération d’un tel drame et pour affiner le droit international en matière de guerre qu’eut lieu ce procès. Il faut interdire certaines exactions, et faute de pouvoir les interdire au moment du conflit, il faut les juger en se fondant sur le droit international de la guerre, afin que de telles atrocités ne se reproduisent. L’humanité doit juger la barbarie, et doit juger les crimes contre l’humanité. Il en va de la dignité de l’homme. Il faut à tout prix empêcher qu’une guerre, en se développant sans limite, ne propage la barbarie. En jugeant qu’autrui a tort au travers d’un procès, nous évitons que de telles actions ne revoient le jour. Seulement, les relations entre la France à l’Allemagne suite aux deux guerres mondiales ont fomenté des préjugés et des stéréotypes. Pendant ces conflits, la propagande de guerre a souvent utilisé des stéréotypes négatifs pour dépeindre l’ennemi. Par exemple, les Allemands étaient souvent représentés comme des « barbares » ou des « brutes militaires » en France. Il arrive d’ailleurs souvent que l’Homme juge à partir de sa culture, de ses traditions et coutumes, une autre culture, comme si la sienne était supérieure à l’autre : c’est ce qu’on appelle l’ethnocentrisme. Cette pratique peut être dangereuse, car il s’agit en réalité d’un jugement abusif, et se place en opposition avec le point de vue universel des droits humains. Ainsi, lorsqu’en 1492 Christophe Colomb a « découvert » l’Amérique, il s’agit premièrement d’un rejet des Vikings qui avaient y établi des colonies depuis plusieurs siècles, mais aussi d’une vision européocentrée, dans la mesure où des peuples autochtones peuplaient le continent depuis la préhistoire ; l’Amérique était déjà connue, elle ne l’était seulement pas par les Européens. Néanmoins, les relations entre les cultures n’a pas toujours été destructrice. En effet, plusieurs récits de voyage sont des lectures riches en détails ethnographiques et historiques, et se veulent plus respectueuses. Jean de Léry est surtout connu pour son ouvrage Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil, qui rend compte des mois que l’auteur a passé parmi les Tupinambas, un peuple autochtone. Des récits tels que celui-ci ont ainsi permis de dénoncer l’ethnocentrisme des Européens jugeant que leur culture est la meilleure du monde. Dans ses Essais, Montaigne écrit ainsi « Chacun appelle barbarie ce qui n’est point de son usage ».

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