Schéma Vérité
Cours : Schéma Vérité. Recherche parmi 301 000+ dissertationsPar loulan • 22 Février 2025 • Cours • 6 289 Mots (26 Pages) • 21 Vues
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Repères (ordre alphabétique)
Analyse/synthèse
- Ce couple a de nombreux usages, avec des différences notables selon les domaines. Mais on peut distinguer deux grands sens. D'une manière générale, l'analyse désigne la décomposition et la remontée vers les principes, la synthèse correspondant au cheminement inverse : recomposition et descente vers les conséquences. On peut, dans ce cadre, analyser et synthétiser des idées ou des substances : l'analyse mathématique divise un problème pour remonter vers ses paramètres pertinents, alors que la chimie décompose un corps en ses éléments matériels, qui sont aussi les principes de sa constitution.
- Depuis Descartes, on remarque en philosophie de la connaissance et en science un sens élargi de l'analyse, qui englobe le moment de production du résultat final. Elle désigne la méthode générale par laquelle on traite un problème à partir de ses données pour le résoudre par étapes successives. Cette méthode est promue car elle fusionne la découverte (ou l'invention) et la démonstration. Par contraste, la synthèse désigne ici une méthode d'exposition et de démonstration par laquelle on construit une réponse à partir de principes que l'on pose sans les tirer des données du problème – on ne sait donc pas comment les trouver avec cette seule méthode.
Absolu/relatif
- Est absolu ce qui est indépendant et ne varie pas. Inversement, est relatif ce qui dépend d'autre chose et varie en fonction de lui.
- Par exemple, la température d'un gaz est relative à sa pression et à son volume (loi de Boyle-Mariotte). Ainsi, la température d'ébullition de l'eau dépend de la pression à volume constant : dans une cocotte-minute, l'eau bout au-dessus de 100 °C. À l'inverse, ce qu'on appelle en physique le zéro absolu est… absolu ! Il s'agit de la température minimale qu'il est possible d'atteindre (environ moins 273 °C).
- Cette distinction parcourt de nombreux domaines de la réflexion philosophique (la morale, la nature, la science, etc.), où se pose la question de savoir s'il y a des absolus ou, en cas de relativité, de quoi dépend une chose donnée. Par exemple, si le jugement esthétique est relatif, il reste à déterminer s'il varie en fonction de certains cadres culturels, des goûts individuels…
Abstrait/concret
- Cette distinction comporte deux grands sens. À un premier niveau, est abstrait ce qui n'est pas sensible, ce qui renvoie au registre de l'intelligible et de l'immatériel. Est concret ce qui est sensible et peut faire l'objet d'une perception empirique. En ce sens, l'âme, Dieu, les Formes de Platon sont des réalités abstraites, alors qu'une couleur est concrète et sensible.
- À un second niveau, est abstrait ce qui est détaché d'un objet et devient une propriété généralisable. Est concret l'objet particulier tel qu'il peut être perçu avec toutes ses propriétés. En ce sens, telle couleur est concrète, mais la couleur, et même le blanc en général, sont abstraits en tant que propriétés générales, en elles-mêmes non sensibles (on ne peut percevoir la qualité générale de couleur ou de blancheur).
- Ces distinctions éclairent en particulier le statut de la pensée et l'origine des idées. Sont-elles innées (nées avec nous), représentent-elles des structures de la raison pure (indépendantes de toute expérience) ? Ou bien dérivent-elles de processus d'abstraction par lesquelles les objets particuliers sont regroupés et divisés selon certaines propriétés progressivement généralisées (des objets blancs à la blancheur) ?
Concept/image/métaphore
- D'une manière générale, un concept se caractérise par une définition précise et une fonction théorique. Il se distingue donc de la notion et des termes de la langue courante, qui n'offrent qu'un sens assez vague. Un concept prend toute sa consistance dans un ensemble théorique déterminé, par exemple une doctrine philosophique ou une théorie scientifique. Ainsi, le concept de matière n'est pas le même dans la physique de Descartes, où il se définit par l'étendue et renvoie à une représentation mécanique du monde, et chez Diderot, où il désigne un ensemble d'éléments ou d'atomes hétérogènes doués d'une énergie propre.
- Par distinction avec le concept, l'image et la métaphore ont plutôt une puissance suggestive. L'image propose un dispositif particulier, mental ou discursif (produit dans le discours) ; la métaphore suggère une analogie. L'image peut prendre un sens restreint et renvoyer aux figures spatiales. Ainsi, on conçoit sans l'imaginer la matière en général, mais on peut imaginer un corps particulier en traçant mentalement sa forme (celle d'un cube par exemple). En ce sens, beaucoup de concepts renvoient à des idées non imaginables, ce qui permet de préciser que le concept est avant tout une idée générale qui se définit par une proposition. En un sens élargi, une image est une manière d'illustrer, comme quand on présente la justice à partir de l'équilibre de la balance. L'image est alors métaphorique.
- On pourrait penser que l'argumentation philosophique privilégie nécessairement les concepts sur les images et les métaphores. Il est vrai que certaines traditions philosophiques se donnent un modèle mathématique. Mais, il n'est pas possible, même alors, de se passer des images spatiales, essentielles en géométrie et en mécanique. En outre, les philosophes les plus « rationalistes » utilisent les images discursives et les métaphores. Certains cherchent même à construire des analyses à partir d'elles, soit parce que la question résiste à un traitement purement logique, soit parce que l'image ou la métaphore sont traitées comme des outils parfaitement légitimes.
- C'est en particulier vrai de l'image, qui constitue un dispositif très riche en philosophie comme en science. L'image peut commencer par être métaphorique pour devenir un vrai concept. Par exemple, l'analogie entre certains phénomènes naturels et la machine a quelque chose de métaphorique, notamment dans le texte de Fontenelle, qui compare les rouages de l'opéra aux ressorts cachés de la nature. Toutefois, chez les savants et philosophes mécanistes de l'âge classique, elle représente une identité structurelle profonde : la nature est mécanique et la science des machines dévoile des causalités que l'on peut généraliser à tous les êtres. Mais certains aspects de la métaphore sont alors réduits ou évacués : la mécanique naturelle ne suppose pas nécessairement un auteur pensé comme un artisan divin.
- L'essentiel est alors de distinguer ces ressources intellectuelles tout en étant capable de voir comment une image et une métaphore peuvent avoir une fonction argumentative, voire devenir d'authentiques concepts.
Contingent/nécessaire – Impossible/possible
- Est nécessaire ce dont le contraire (ou la négation) implique contradiction ou n'est pas possible. Autrement dit, est nécessaire ce qui ne peut pas ne pas arriver, soit dans l'absolu (nécessité absolue), soit dans un contexte donné (nécessité relative). On distingue plusieurs degrés de nécessité, de la plus forte : la nécessité métaphysique (il est impossible de penser et de ne pas être en même temps, d'où la certitude indubitable de « je pense donc je suis », à des nécessités plus relatives comme la nécessité d'un effet étant donné telle cause et tel contexte (si A, alors nécessairement B dans le contexte C). Il y a aussi des ordres différents de nécessité : ce qui est nécessaire pour notre esprit (nécessité logique) ne l'est pas forcément pour la nature ou pour Dieu. Ainsi, selon Descartes, Dieu aurait pu faire que 2 + 2 ne soit pas égal à 4.
- Est contingent ce qui est possible, mais dont le contraire est aussi possible. Le plus souvent, on parle de contingence d'un fait ou d'un événement : il existe ou peut arriver, mais son contraire n'implique aucune contradiction et/ou est physiquement possible. Les mêmes distinctions que pour la nécessité se retrouvent ici : la contingence peut être absolue ou relative, relever des limites de notre connaissance (nous ne voyons pas les causes nécessaires d'un phénomène) ou désigner une réalité profonde (hasard réel ou avenir non prédéterminé).
- Est possible ce qui est soit nécessaire (ce qui est nécessaire étant évidemment possible), soit contingent. Le contraire (au sens de la contradictoire exclusive) du possible est l'impossible. Une chose (A) qui n'est pas nécessaire (non A est possible) est donc soit contingente (A et non A sont possibles), soit impossible (A n'est pas possible). Réciproquement, si A n'est pas impossible, il est soit nécessaire soit contingent.
Croire/savoir – Persuader/convaincre
- Croire signifie adhérer sans preuve suffisante ou sans justification à un énoncé ou à une conception. Son principal moteur, avec le préjugé et le sentiment immédiat, est la persuasion, qui repose sur un discours séduisant, s'appuyant sur des images et un jeu sur les émotions, en un mot sur la rhétorique. La croyance englobe l'opinion, individuelle ou collective, la foi et certaines formes d'adhésion immédiate relatives à la connaissance. Par contraste, savoir signifie assumer avec raison une idée ou une doctrine, adhérer en connaissance de cause. Le savoir repose sur l'argumentation, la démonstration ou la preuve empirique, en un mot sur les ressources rationnelles et expérimentales de la conviction.
- Ainsi, on croit en Dieu et, s'il est ignorant des raisons scientifiques, un individu croit que le soleil se lèvera demain (par habitude). Mais, le physicien sait qu'il se lèvera en tant qu'il connait les causes ou lois qui rendent le phénomène nécessaire. Descartes pense aussi prouver l'existence de Dieu qui, dans ce cas, relèverait du savoir métaphysique. La répartition des objets est donc débattue, la différence résidant surtout dans les démarches intellectuelles et dans le degré de certitude.
- Mais il existe un usage distinct du concept de croyance, notamment dans les traditions empiristes et pragmatistes. Pour ces dernières, en l'absence de démonstrations formelles, de nombreux savoirs (ordinaires ou scientifiques) comportent des croyances bien fondées (ou mieux fondées que d'autres). La croyance peut alors avoir une certaine fiabilité qui se mesure notamment par les probabilités.
En acte/en puissance
- Il s'agit d'une distinction, remontant à Aristote, entre deux manières d'envisager des êtres et des processus. Est en acte ce qui est achevé, ce qui n'est pas (ou plus) en devenir et dispose pleinement de toutes ses propriétés. Au contraire, est en puissance, soit ce qui est en cours d'accomplissement, ce qui est en train de s'actualiser (potentialité dynamique), soit ce qui pourrait devenir autre chose (pure potentialité).
- Par exemple, le nouveau-né est en puissance doué de langage : sans le posséder en acte, il en a la potentialité, disposition dynamique qui s'actualise de plus en plus. Par ailleurs, lorsqu'on a mélangé intimement du vin et de l'eau, il est possible de les séparer : l'eau et le vin, qui n'existent plus tels quels, peuvent être retrouvés. Ils continuent donc d'exister en puissance. Comme ils ne font aucun effort pour se séparer, il s'agit ici d'une potentialité passive.
En fait/en droit
- Cette distinction renvoie à deux registres. L'expression « en fait » (le registre du fait) renvoie à ce qui est de l'ordre du constat, aux choses telles qu'elles sont en fonction de l'histoire, de certaines causes particulières ou du hasard. Par opposition, « en droit » (le registre du droit) fait référence à ce qui doit être, que ce soit selon des normes morales ou politiques de légitimité, ou selon une théorie posant des lois nécessaires. Dans ce dernier cas, « en droit » se rapproche de « en théorie ».
- Par exemple, de fait les femmes sont statistiquement moins payées que les hommes pour un travail équivalent, alors qu'en droit, selon la loi française et le principe d'égalité, elles devraient recevoir un salaire égal. Une statistique n'établit pas une norme légitime.
- Cette distinction est essentielle dans toute analyse morale, juridique et politique, et plus largement dans toute réflexion sur les normes. Confondre le fait et le droit, c'est ne plus pouvoir penser la différence entre l'être et le devoir être. Cela revient à accepter tout ce qui est comme une norme indépassable et à s'interdire toute analyse critique. A contrario, c'est en en mobilisant cette distinction que Rousseau réfute le « droit du plus fort ».
Essentiel/accidentel
- Est essentiel ce qui renvoie à l'essence de quelque chose, c'est-à-dire à la propriété qui la définit. Dans le cas de l'essence d'une espèce ou d'une catégorie générale, cette propriété doit permettre d'inclure dans l'espèce tous les êtres qui la composent et exclure les autres. Au contraire, est accidentel ce qui, tout en caractérisant un être, ne fait pas partie de son essence, mais est seulement une propriété accessoire.
- Dans le Ménon, Platon distingue la caractéristique commune à toutes les abeilles, qui pourrait être d'être un insecte volant rayé faisant du miel, des caractéristiques accidentelles comme être petites ou grandes. Un autre exemple souligne l'enjeu moral de cette distinction : être doué de raison semble essentiel à l'homme, alors qu'être blanc est accidentel… sauf pour un raciste (dont le discours tend à essentialiser des caractères accidentels). Assigner une essence est donc une question de logique, mais c'est aussi marquer des priorités et cibler l'important, ce qui rejoint le sens courant du couple essentiel-accidentel.
Exemple/preuve
- Une preuve est ce qui permet de soutenir une thèse ou d'établir un fait. Elle peut être rationnelle ou expérimentale. Par distinction avec l'argument, qui prend sens dans un ensemble théorique, elle est supposée purement objective et ne pas nécessiter d'interprétation.
- L'exemple illustre une idée générale par un cas particulier. Il permet de faire comprendre, de donner une dimension plus concrète et de détailler une idée, mais il ne la prouve pas. La seule preuve qu'il puisse donner est de montrer (s'il est valide) qu'il existe au moins un cas illustrant une idée générale. Ainsi, l'exemple de Samir, dans l'ouverture du chapitre sur le « travail », montre qu'un caissier peut penser que son travail n'est pas particulièrement difficile, mais il ne prouve pas que son métier ne soit pas pénible d'une manière générale.
- En philosophie, comme dans tout discours argumentatif, l'exemple et la preuve sont tous deux précieux. Mais il ne faut pas les confondre et croire qu'on a prouvé une thèse quand on a seulement donné un exemple.
Expliquer/comprendre
- Cette distinction comporte deux niveaux. En suivant l'étymologie, expliquer signifie déplier, dérouler les éléments d'un raisonnement ou d'une idée pour faciliter leur saisie et les rendre plus clairs. L'explication va donc du tout vers le détail de ses parties. À l'inverse, comprendre signifie saisir le tout formé par plusieurs éléments, donc les rassembler et les relier. Mais il y a évidemment complémentarité entre ces deux démarches qui se conditionnent l'une l'autre. L'explication permet la compréhension : analyser un tout pour le recomposer plus clairement.
- Un second sens, plus technique, a été fixé par le philosophe allemand Wilhelm Dilthey (1833-1911). Selon lui, l'explication recherche les causes efficientes et constitue la démarche des sciences de la nature. Elle questionne le « comment », le processus physique par lequel un phénomène advient. La compréhension est la recherche du sens d'un acte et constitue la démarche adéquate pour les sciences humaines. Elle se pose la question du pourquoi en cherchant des signes extérieurs permettant d'estimer les intentions sous-tendant un acte et de les confronter à leur réalisation effective.
Formel/matériel
- Cette distinction prend son origine dans la différence entre forme et matière dans la philosophie d'Aristote. Est formel ce qui renvoie à la forme conçue en tant que principe d'ordre, correspondant à une structure intelligible et à une fonction. Est matériel ce qui renvoie aux constituants d'une réalité, indépendamment de toute organisation (qui relève de la forme).
- La définition relève surtout de la forme : la forme et la fonction correspondante caractérisent, plus que la matière, un objet technique comme un lit ou une réalité naturelle comme une feuille d'arbre. Le constituant peut changer (bois, métal, etc.) sans que la forme, et donc, selon cette approche, l'essence, varie.
- Un sens dérivé de cette distinction concerne deux types de vérité. On différencie ainsi la vérité formelle, qui renvoie à la seule structure logique du raisonnement, et la vérité matérielle, qui renvoie au contenu (à la réalité visée).
Genre/espèce/individu
- Cette distinction remonte à Aristote, qui cherchait à classer les types d'êtres et les concepts selon une série d'emboîtements : le genre englobe différentes espèces qui englobent chacune différents individus, tous réunis à chaque fois par une caractéristique commune. Le genre correspond au niveau général, l'espèce à une sous-catégorie particulière et l'individu à l'être singulier. Aristote en faisait aussi une méthode de définition : pour définir un être (notamment un être naturel), il faut indiquer son genre et cibler la caractéristique spécifique (adjectif dérivé du nom espèce) qui distingue son espèce des autres espèces du même genre. La célèbre définition de l'homme comme animal doué de logos (raison et langage) est construite sur ce modèle.
- Aujourd'hui, cette distinction a surtout un usage logique et biologique. En logique et en philosophie générale, elle permet de préciser des relations d'emboîtement entre des catégories, les plus particulières étant contenues dans les plus générales. En biologie, notamment en systématique (classification des êtres vivants), elle a pris une forme spéciale. C'est le savant suédois Linné qui la systématisa pour classer les êtres vivants, proposant une méthode générale dite binomiale. Ainsi, le loup commun est nommé Canis lupus (genre Canis, spécification lupus). La question est alors de savoir s'il existe quelque chose derrière ces catégories, où si, comme tend à l'affirmer la pensée darwinienne, il n'existe que des individus ou des lignées généalogiques (des suites d'individus naissant les uns des autres).
Hypothèse/conséquence/conclusion
- L'hypothèse, au sens étymologique, est ce qu'on pose avant une thèse pour la soutenir. Elle est alors un postulat de départ, ou encore un principe. En un sens plus général, on appelle souvent hypothèse ce qui n'est pas certain ou n'est pas encore prouvé. Dans ce cadre, l'hypothèse est une simple conjecture, une construction intellectuelle à partir de données connues qui n'a pas la fixité du postulat ni la force du principe admis.
- Dans les deux sens, une hypothèse permet de tirer des conséquences, qui elles-mêmes peuvent aboutir à une conclusion. Celle-ci peut soit être la dernière conséquence d'une série de déductions, soit être un bilan sur l'ensemble formé par l'hypothèse et ses conséquences. Par exemple, dans son argumentation, Darwin considère la sélection naturelle comme une hypothèse confirmée par les faits. L'idée selon laquelle chaque espèce aurait été produite à dessein pour un milieu donné est alors considérée comme une hypothèse contraire, non comme un principe établi. En confrontant les deux hypothèses aux données disponibles, Darwin conclut que la sélection naturelle explique mieux et davantage de choses.
Idéal/réel
- Dans ce couple, le réel désigne les choses telles qu'elles sont indépendamment des jugements de valeur et des aspirations humaines. Il peut renvoyer à ce qui est déterminé par certains rapports de forces ou certaines causes largement indépendantes de nous. Il relève en tout cas du registre du fait.
- Par contraste, l'idéal renvoie au registre des normes et des valeurs, au droit plutôt qu'au fait, au prescriptif (ce qui est dicté, imposé), plutôt qu'au descriptif. L'idéal désigne alors le terme ultime d'un projet moral, politique ou plus largement normatif (ce qui fixe une règle, une norme).
- Ces deux termes s'opposent souvent : l'idéal est généralement éloigné du réel, dont il révèle par contraste l'imperfection. Mais, l'idéal est aussi une manière de construire le réel selon une échelle normative et axiologique (relative aux valeurs). Dès lors, le réel peut être modifié au nom de l'idéal et s'en rapprocher. L'écart n'est plus absolu mais relatif.
- Il faut noter que, dans un autre cadre, notamment celui de la philosophie de Platon, l'idéal et le réel ne s'opposent pas. Si le réel renvoie à ce qui est absolument, et non au sensible, alors il rejoint l'idéal : les Formes représentent à la fois ce qui est parfait et ce qui est éternellement.
Identité/égalité/différence
- Au sens mathématique ou logique, l'égalité implique l'identité, c'est-à-dire la possibilité d'intervertir les données égales sans créer de différence. L'égalité s'oppose donc ici à la différence. Par exemple, 2 + 2 = 4 signifie que 2 + 2 et 4 sont égaux et que l'un des termes peut remplacer l'autre sans créer de changement.
- Par contraste, l'égalité, au sens juridique ou moral, n'implique pas l'identité et ne s'oppose pas à la différence, mais à l'inégalité ou à l'iniquité. Deux hommes égaux devant la loi ou en dignité demeurent différents et ne sont pas interchangeables : les différences sociales, de genre ou d'origine ethnique ne sont pas annulées. C'est même parce qu'ils sont différents que l'on affirme leur égalité pour s'opposer à ce que cette différence conduise à une inégalité de traitement.
- Cette distinction a une importance morale, juridique et politique centrale. La plupart des questions mettant en jeu les rapports entre les hommes demandent d'abord de déterminer les relations d'égalité. Ainsi, le principe fondamental du droit des sociétés démocratiques, l'égalité devant la loi, implique de savoir reconnaître l'égalité malgré et à travers les différences.
Impossible/possible
- Cf. Contingent/nécessaire.
Intuitif/discursif — Médiat/immédiat
- Au sens premier, est médiat ce qui passe par certains intermédiaires (les « médias » étant censés être des intermédiaires entre l'information et la société) et immédiat ce qui se passe de tout intermédiaire. Il peut s'agir du temps (immédiat signifiant alors instantané), mais aussi d'autres formes de médiations, comme les étapes discursives d'un raisonnement ou les ressorts cachées d'une sensation apparemment intuitive.
- Intuitif et discursif représentent quant à eux deux modes de connaissance. Dans ce cadre, conformément à l’étymologie latine (intuitio : voir d’un seul regard), est intuitif ce qui relève d'une saisie immédiate par l'esprit (ou les sens). L'intuition peut être parfaitement rationnelle et évidente ; elle ne renvoie pas forcément, comme dans le langage courant, à une inspiration mystérieuse. Par contraste, est discursif ce qui se construit par des médiations, selon des étapes successives, comme un discours.
- Par exemple, l'intuition cartésienne est une saisie immédiate par l'esprit d'une idée ou d'une relation. Ainsi, le fameux « je pense donc je suis » du Discours de la méthode, malgré le « donc », constitue une intuition et non une déduction logique : l'esprit saisit d'un seul acte que pour penser il faut nécessairement exister. Au contraire, un raisonnement suppose de passer par plusieurs moments (compréhension de chaque terme, construction progressive de leurs relations). C'est le cas des « longues chaînes de raisons » dont parle Descartes).
Légal/légitime
- Quoique ces deux termes soient construits étymologiquement à partir de la racine latine leg- (lex, legis : la loi), il est indispensable de les distinguer. La légalité renvoie au droit positif (le droit établi de fait dans une société donnée) et désigne ce qui est conforme à la loi, et, par extension, à l'ensemble des règles conventionnelles du droit (décrets, etc.). La légitimité désigne la conformité à des principes d'un niveau plus fondamental, par exemple moral. Elle renvoie plutôt au droit naturel ou à l'idée d'un droit universel. Mais, elle peut aussi renvoyer aux principes fondamentaux du droit comme la constitution, les juristes parlant aussi de légitimité. On peut donc distinguer une légitimité à prétention universelle et absolue et une légitimité contextuelle désignant les principes fondamentaux valant dans une société donnée.
- La première fonction de cette distinction est d'introduire une différence, au sein de la justice, entre ce qui relève d'une part de l'institution et des normes établies, et, d'autre part, de principes fondamentaux ou d'un idéal. D'où une fonction critique : montrer l'écart éventuel entre ce qu'est le droit et qu'il devrait être. Mais elle a aussi une fonction fondatrice, la légitimité pouvant et devant servir de repère pour construire le droit (au moins dans ses grandes lignes).
Médiat/immédiat
- Cf. Intuitif/discursif.
Objectif/subjectif/intersubjectif
- Cette distinction d'usage courant recèle une difficulté car elle comporte deux niveaux. Au premier sens, est objectif un énoncé conforme à son objet, par extension une démarche ou une attitude fidèles à la réalité. Par opposition, est subjectif ce qui dépend des dispositions du sujet et non du seul objet visé, ce qui se traduit par une différence entre la représentation ou la perception de l'objet et l'objet lui-même. C'est en ce sens qu'on dit que la science est un modèle d'objectivité (toute sa méthode vise à conformer ses énoncés sur un objet à ce qu'est l'objet lui-même). En revanche, lorsqu'on est sous le coup d'une grande passion (colère, désir, etc.), on risque de laisser parler sa subjectivité et d'altérer la perception de la réalité.
- En un second sens, est subjectif ce qui se rapporte au sujet en général, considéré comme être conscient. Les philosophes du sujet, comme Kant, dégagent ainsi des structures universelles de la subjectivité, à distinguer absolument des préjugés et autres biais individuels. Sous cet angle, les normes de l'objectivité relevant de la raison du sujet, elles sont subjectives, tout en étant les mêmes pour tout sujet rationnel.
- Le second sens permet de voir que ce qui est subjectif peut être intersubjectif, alors que dans le premier, ce qui est subjectif concerne une personne particulière. L'intersubjectif caractérise alors ce qui est partagé par des sujets. Mais il peut aussi désigner ce qui est construit collectivement par des sujets (comme des normes), ou ce qui suppose la médiation de l'autre (ma conscience de moi-même pouvant par exemple dépendre de mon rapport à autrui).
Obligation/contrainte
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