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Qu'est-ce qu'une crise ?

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Par   •  28 Juin 2024  •  Dissertation  •  4 930 Mots (20 Pages)  •  76 Vues

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Colle «Qu’est-ce qu’une crise ? »

Introduction

         Sur le tableau d’André Brouillet de 1887 intitulé Une leçon clinique à la Salpêtrière, nous pouvons percevoir le médecin Charcot donnant une leçon clinique à un public essentiellement masculin, leçon visant à provoquer chez sa patiente Blanche Wittman placée sous hypnose une crise d’hystérie.

Comme le restitue parfaitement le peintre, tous les regards convergent vers la jeune femme, les apprentis médecins réunis attendant impatiemment le déclenchement de la crise, c’est – à – dire, la manifestation aiguë d’un symptôme, l’apparition soudaine d’un état critique venant rompre avec les états antérieurs.

Cet exemple pictural permet ainsi de mettre au jour, l’une des acceptions les plus courantes de la crise entendue dans le domaine purement médical comme phase décisive de l’évolution d’une maladie. Pour être reconnue en tant que telle, la crise suppose par conséquent l’intervention d’un regard (ici clinique dans le cas du tableau) qui vient poser le diagnostic de la crise (tout comme aurait pu le faire un économiste au sujet d’une crise financière).

La crise est alors selon cette première acception entendue dans son versant strictement négatif dans la mesure où elle apparaît comme le révélateur d’un déséquilibre (comme peut l’être une crise économique), d’un malaise ; venant briser l’ordre ordinaire des choses, la crise introduit en effet une rupture brutale dans la trame temporelle et marque ainsi une discontinuité par rapport à un équilibre antérieur ; les expressions courantes comme «traverser une période de crise » témoignent en effet de cette idée de profond malaise, malaise que traduit par exemple la crise d’adolescence décrite par Annie Ernaux dans son roman de 1989 Ce qu’ils disent ou rien où l’autrice narre le difficile passage de l’enfance à l’âge adulte ; pur surgissement, la crise existentielle traversée par l’adolescente apparaît définie comme ce moment critique doté d’une véritable puissance d’ébranlement où l’équilibre du passé (l’enfance) est à jamais révolu et où l’avenir (l’âge adulte) est incertain.

Cet exemple littéraire permet ainsi de relever d’emblée, l’une des principales caractéristiques de la crise qui suggère toujours un temps d’après crise, une issue en forme d’alternative sous forme d’un «ou bien » «ou bien ». L’incertitude paraît alors être le propre de ce moment d’après crise, cette dernière pouvant parfaitement suggérer la catastrophe de par sa non intégration dans une série causale.

Néanmoins, le retour à l’étymologie grecque du mot crise, krinein signifiant «juger » mais aussi «trier, séparer, choisir » nous permet d’entrevoir ici, une première acception du mot ne semblant plus être teintée négativement. Effectivement, en désignant originairement l’opération consistant dans le domaine agraire à séparer les grains à l’aide d’un crible, la crise fait ici prévaloir une dimension non plus passive (comme la patiente du médecin Charcot en proie à une crise d’hystérie) mais active ; la crise renvoie en effet ici à l’idée d’une faculté de choisir où le sujet, au terme d’une délibération, en vient à trancher, la crise désignant donc ici proprement ce moment radical de rupture choisie. On songe alors ici à la crise proprement politique symbolisée par la figure révolutionnaire du personnage de Gauvain dans le roman Quatrevingt -treize de Victor Hugo, crise semblant ici désigner cet évènement ne relevant plus du pur pâtir comme le suggérait la première acception mais cet évènement venant rompre de manière délibérée avec le statu quo antérieur.

Nos différents exemples (picturaux et littéraires) révèlent ainsi que la crise, quelque soit son acception, tend à toucher tous les domaines de la réalité en nous conduisant de l’individuel (cas de la crise d’adolescence évoquée par Annie Ernaux) au collectif (cas de la crise politique présentée par Hugo dans Quatrevingt – treize). Néanmoins, le sujet nous étant proposé («Qu’est – ce qu’une crise ? ») ne nous invite guère à juxtaposer les différents domaines pouvant toucher la crise (ce qui nous ferait tomber dans l’écueil d’une approche fragmentaire de la crise) mais davantage à trouver une essence commune (comme le montre  le déterminant indéfini «une ») à tous ces concepts régionaux.

Problématique : Par conséquent, à la vue des premières acceptions ayant été dégagées en introduction, nous nous demanderons si la crise doit nécessairement être entendue comme un pur «surgir », un évènement imprévisible subi par le sujet qui connaît une situation de malaise au risque de tomber dans un double écueil ; d’un côté, celui d’une réduction de la crise à son versant strictement négatif et de l’autre, celui d’une approche strictement évènementielle de la crise qui semble éclore ex nihilo.

I-Notre réflexion nous conduira dans un premier temps à montrer que la crise peut être entendue comme un phénomène venant rompre de manière inattendue avec la continuité temporelle et générant de par son issue incertaine une situation de malaise, d’incertitude

II-Néanmoins, il s’agira dans un second moment de montrer que la situation critique révélée par la crise n’est pas forcément à entendre au sens d’une situation défavorable, l’étymologie commune krinein nous révélant que la crise peut être définie comme un évènement positif permettant une vue discernante, un jugement.

III-Il s’agira cependant dans un troisième et dernier temps de questionner cette définition de la crise comme pur «surgissement » (que celui – ci soit négatif ou positif) en montrant que la crise correspond non pas tant à un évènement imprévisible mais davantage à un processus s’étant installé sur le temps long

I- Il apparaît tout d’abord que la crise, lorsqu’elle se déclenche apparaît comme un pur surgissement venant rompre avec la continuité temporelle ayant prévalu jusqu’à lors. Ce premier moment vise ainsi à montrer que la crise relève d’un évènement se caractérisant par sa dimension de surprise et nous insisterons dans ce premier temps sur l’idée que la crise peut être entendue comme une situation critique subie par le sujet, sujet qui comme nous le verrons, est en proie à l’incertitude.

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