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L'indiscible

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Par   •  1 Octobre 2023  •  Dissertation  •  1 328 Mots (6 Pages)  •  145 Vues

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L'indicible

  L'indicible étant ce qu'il est impossible de dire, il n'accède à sa radicalité que s'il s'agit avec lui d'une impossibilité universelle et nécessaire, et non pas simplement relative, par exemple par défaut de vocabulaire pour un individu ou pour une langue particuliers. C'est ainsi le dire ou le discours mêmes, en leur essence, qui ont à être interrogés quant à leurs éventuelles limites, pour tenter de déterminer s'il y a de l'indicible en soi. Mais s'il y en a, il faut encore tenter d'en discerner la raison et la nature : qu'est-ce donc qui, le cas échéant, est par nature impossible à dire, et pourquoi ? Et comment soulever ces questions et tenter d'y répondre avec rigueur autrement que par et dans un discours, qui serait donc à la fois l'objet et l'instrument de l'examen ? Si l'indicible est par définition ce qui demeure hors du discours, il s'agit donc de tenter de clarifier la nature de son extériorité par rapport à lui, celle-ci paraissant d'abord énigmatique, et ne pouvant pas être caractérisée d'emblée comme étant simplement celle d'un obstacle.

I. le langage comme tel est à la fois différenciation et articulation d'éléments, distincts et définissables chacun pour eux-mêmes, même s'ils ne se définissent que relativement les uns aux autres : noms, sujets, verbes, etc. Importance particulière du couple sujet-verbe, le reste n'étant que complément.

 → l'indicible serait alors l'in-différencié, l'in-forme, ce en quoi on ne peut distinguer ni aspects ni moments, ce qui ne peut être ni désigné ni saisi par absence de tout « ceci », de tout « là » ; ce qui ne « fait » rien, et n'« est » rien (rien de particulier).

 Ex :

 - la substance de l'âme chez Pascal

- surtout : la volonté chez Schopenhauer, la volonté de puissance chez Nietzsche.

 Volonté chez Schopenhauer : elle est en elle-même sans forme, sans distinction interne, sans contours et donc sans limites, et elle se manifeste au travers d'êtres qui eux sont séparés, distincts, définis et finis. Seuls ces derniers peuvent être saisis par l'entendement et ses catégories, et ainsi par des mots : ils sont dicibles par nature ; la volonté, elle, reste absolument hors des prises du discours.

 Le discours articulé déforme donc le fond substantiel de la réalité : idée plus nette encore chez Nietzsche, à propos du couple sujet/verbe, qui instaure de la distinction là où règne en vérité le continu, l'homogène = la « volonté de puissance » comme ce qui fonde et anime tous les êtres particuliers.

 → l'indicible est en amont du rationnel, de l'intelligible ; c'est la vraie réalité, dont le dicible n'est que la surface, la manifestation, ou le travestissement.

Mais cela même peut être dit : le langage est donc capable de se corriger lui-même, de saisir ses propres limites, de déjouer les illusions engendrées par lui-même ; il n'est donc pas qu'un instrument déformant ce à quoi il s'applique, et peut en quelque manière saisir ce qui est, le réel et le vrai, ce qui oblige à réévaluer le rapport entre ces derniers et le discours.

II. Ce qui devient, mélange d'être et de non-être, n'est que réalité toute relative, non substantielle ; or c'est cela qui échappe au discours : ce dernier, au travers des mots qui sont autant de catégories générales ou universelles, des Idées, ne dit que l'immuable, « ce qui demeure », l'essence.

 Platon : seul l'intelligible, le « réellement réel », peut être dit ; le devenir ne peut jamais être saisi, défini ; s'échappant sans cesse à lui-même, il échappe par là même à la pensée discursive. Les Idées, elles, sont dicibles en elles-mêmes, même si nous ne parvenons pas toujours à les dire (ex : l'idée de vertu dans le Ménon), parce que a/ elles sont ce qu'elles sont, sans déficit ni débord, et b/ elles sont liées entre elles, se définissent les unes avec et par les autres → forment un tout, un « monde » (ou un « ciel ») médiatisé en lui-même.

 Hegel prolonge et précise cette position : ce ne sont pas le plus réel et le plus vrai qui sont indicibles, mais au contraire l'indéterminé, l'informe, le chaotique ; concept et discours saisissent les choses non pas dans leur surface mais dans leur être-réel, en acte au sens aristotélicien du terme.

 Par exemple dans la graine, tout est encore confondu, non-distinct, la plante n'existe qu'à l'état de promesse; dans sa réalité actuelle (= en acte) ou effective, elle est articulée en moments, aspects, liés entre eux de l'intérieur (tige, feuilles, etc.) : or c'est cela que le langage dit.

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