Finalité et limite du devoir de mémoire
Dissertation : Finalité et limite du devoir de mémoire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar CEFiL • 29 Janvier 2024 • Dissertation • 1 950 Mots (8 Pages) • 112 Vues
Finalité et limite du devoir de mémoire. 2023/02/21
Finalité et limite du devoir de mémoire.
Je vous propose tout d’abord de tenter une définition du ‘Devoir de mémoire’, puis d’évoquer l’exemple du Génocide des Arméniens, d’envisager les finalités et limites du ‘devoir de mémoire’ et enfin de s’interroger sur la place de ce devoir dans nos sociétés.
Devoir de mémoire:
Ce qui est appelé le ‘Devoir de mémoire’ c'est le devoir des individus, comme de la collectivité, de garder vivant l’histoire du passé afin de rester vigilant et d’en tirer les leçons. Le devoir de Mémoire peut se concrétiser par la promulgation de «lois mémorielles», c’est-à-dire des textes officiels chargés de légiférer sur l’interprétation des faits historiques.
Formulé dans les années 1990, le ‘Devoir de mémoire’ répond à un processus, commencé à la fin des années 1970 et mettant en exergue tout d’abord la Shoah, puis la reconnaissance, le 21 mai 2001 par la République Française, de la traite négrière et de l’esclavage comme crime contre l’humanité. Viendra ensuite la loi du 23 février 2005 relative à la reconnaissance du génocide des arménien, les procès Barbie, Bouvier, la guerre civile cambodgienne (1967-1975), le Massacre des Indiens des États-Unis pour ne citer que certains d'entre eux.
Par rapport à la tradition du droit public et de la guerre, le devoir de mémoire suit chronologiquement l'Amnistie, qui, dans un souci de retour à la paix, impose un certain pardon, mais non l'oubli.
Vous ne serez pas surpris si je vous dis que mon travail sur le ‘Devoir de mémoire’ a été suscité par le Génocide des Arméniens et 10 années passées en Arménie, pays ou, le 24 Avril est une fête nationale qui rassemble toute la population et la diaspora dans la commémoration du souvenir du génocide.
Mais avant, il n’est peut-être pas superflu de faire une rapide évocation de l’histoire de ce génocide, en évitant autant que faire se peut le manichéisme, puisque Arméniens et Turcs ont une approche forcement différente qui confine parfois au négationnisme. Le négationnisme auquel le ‘Devoir de mémoire’ doit se confronter, ce sera évoquée en fin de Planche.
Rappel Historique:
Talaat Pacha est considéré comme l’initiateur et l’organisateur du Génocide. En 1913, il fait parti du triumvirat qui s’octroie les pleins pouvoirs par la force dans l’empire Ottoman après avoir renversé le sultan Abdelmadjid II. Talaat Pacha deviendra ministre de l’Intérieur du gouvernement Jeune-Turc, parti nationaliste révolutionnaire dirigé par Kemal Atatürk. Quatre ans plus tard, Talaat deviendra Grand Vizir (Premier Ministre). Il est convaincu que pour sauver ce qui reste de l’Empire Ottoman alors en plein éclatement, il faut procéder a une épuration ethnique. Cette épuration ethnique passe par l’élimination des populations chrétiennes et plus particulièrement des arméniens, qui constituent une des plus importante minorité de l’empire Ottoman. La Première Guerre mondiale, dans laquelle l’empire Ottoman s’engage aux côtés de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, lui fournit un prétexte pour mettre en œuvre ses projets d’extermination. Il accuse les Arméniens de s’être enrichis aux dépens des Turcs et de vouloir faire sécession pour fonder un État indépendant. Il les accuse aussi de trahison, affirmant que les Arméniens du Caucase combattent aux côtés des troupes russes. Talaat affirmait froidement a l’ambassadeur Américain de l’époque que : «La haine entre nos deux peuples est si intense qu’il nous faut en finir avec eux, sinon nous devrons craindre leur vengeance». La rafle et l’exécution de 650 intellectuels arméniens à Constantinople dans la nuit du 24 avril 1915 marque le début de la déportation à marche forcée au-delà des frontières Turques, suivie de l’extermination à grande échelle des hommes, femmes et enfants, sans distinction. C’est le début d'un génocide, le premier du XXe siècle. Il va faire entre 1,2 à 1,5 million de victimes dans la population arménienne de l'empire turc, 250.000 dans la minorité assyro-babylonienne des provinces orientales et 350.000 chez les orthodoxes hellénophones.
Après la guerre, c'est en Allemagne que se réfugient les responsables du génocide, y compris Talaat Pacha. Ce dernier est assassiné à Berlin le 16 mars 1921 par un jeune Arménien, Somoni Tehlirian. Au cours de son procès, ce dernier, sera déclaré aliéné par le tribunal et acquitté par la justice allemande.
Talaat Pacha était FM et même 33eme...comment a-t-il été accueilli a l’Orient éternel?
La nouvelle de son assassinat a fait la une des quotidiens internationaux, mais, malgré tout, la mémoire du génocide retombera dans l’oubli. C'est seulement dans les années 1980 que l'opinion publique occidentale a retrouvé le souvenir de ce génocide, à l'instigation de l'Église arménienne et des jeunes militants de la troisième génération, dont certains n'ont pas hésité à recourir à des attentats contre les intérêts turcs afin de ressusciter le souvenir du Génocide. Soixante années d’oubli donc, qui donne raison a Hitler quand il disait avant d’entreprendre l’extermination de masse des Juifs: qui se souvient du génocide des Arméniens?
Finalité du ‘Devoir de mémoire’ :
Tout d’abord, prôner le ‘Devoir de mémoire’, c’est accepter et défendre l’idée que chacun peut vouloir honorer la mémoire de ses morts, que chaque groupe social, autrefois victime et aujourd’hui héritier de la douleur, peut revendiquer la reconnaissance du préjudice subi, la célébration des siens, martyrs ou héros, et une réparation symbolique ou matérielle.
Ensuite, si on oublie le passé, on se condamne à le revivre. Oublier l’holocauste nazi ou le Génocide des Arméniens, c’est prendre le risque de revivre une seconde fois des exterminations de masse. Cultiver la mémoire, c’est affirmer ne plus jamais vouloir revivre l’holocauste ou le génocide.
Une vision originale du génocide, que je crois utile de mentionner, est celle de certains philosophes qui avancent, que les Génocides, et plus particulièrement la Shoah, ne sont pas purement un retour a la Barbarie, mais le résultat effréné des techniques modernes de domination ou, selon les philosophes de l'école de Francfort, le fruit de l'hyper rationalisation de nos sociétés occidentales. Ce serait, en quelque sorte, le progrès mis au service de l’épuration ethnique.
La notion de ‘Devoir de mémoire’ renvoie également à l’idée que tout groupe social, dont l’identité se fonde dans un passé tourmenté, peut attendre de l’État, de la Nation, l’inscription dans la mémoire dite «nationale» de sa propre histoire. Le ‘Devoir de mémoire’ participe ainsi a la mémoire collective et a la constitution de l’identité nationale ou du groupe. La finalité du ‘Devoir de mémoire’ est ainsi de contribuer, en rappelant certaines épreuves du passé, à l’unité de la nation. Ce qui est abondamment exploité en Arménie.
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