Analyse de la nouvelle Cat Person
Commentaire d'oeuvre : Analyse de la nouvelle Cat Person. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar forban29 • 13 Mai 2023 • Commentaire d'oeuvre • 1 527 Mots (7 Pages) • 439 Vues
Féminismes contemporains
Réflexion/analyse : la nouvelle Cat Person
La nouvelle Cat Person publiée en 2017 et écrite par Kristen Roupenian raconte une période de séduction et une relation sexuelle ratée entre deux personnages : Margot et Robert. En utilisant un style simple et réaliste, l’auteure adopte le point de vue de Margot, une étudiante dans la vingtaine. Nous allons synthétiser les questionnements et enjeux en lien avec le féminisme que supposent ce texte. Les normes de genre dans la séduction hétérosexuelle seront le sujet de notre première partie, ensuite nous analyserons les liens entre sexe et pouvoir ainsi que les questions du désir féminin et du consentement, avant de conclure sur la dimension collective de cette nouvelle et sur les leçons à en tirer.
Tout d’abord, Cat Person met en lumière le modèle traditionnel homme/femme dans la séduction. Margot et Robert incarnent les normes qui pèsent sur les genres, et les deux personnages entretiennent une relation qui a un caractère systématique dans les relations hétérosexuelles modernes. Leur rencontre ainsi que le déroulement de leur phase de séduction – leur échanges de messages, leurs blagues, leurs dates – sont ordinaires et facilite l’identification des lecteurs à leur situation. Le fossé qui se creuse entre le rôle de la femme et de l’homme dans ce processus de séduction montre bien que les normes de genre s’immiscent dans la sphère privée. Robert, lui, est montré comme ayant un côté bestial, autoritaire, orgueilleux, jaloux et actif : il est quasiment dépeint comme étant un prédateur aimant avoir le contrôle. Cela apparaît aussi bien dans de leurs sorties en ville – comme lorsqu’il paie à manger à Margot à la supérette – et dans le sexe, où il se place en position de domination en enchaînant les positions de manière brutale ou mécanique. Quant à Margot, elle a intériorisé le modèle idéal du couple et recherche inconsciemment en Robert le moyen de correspondre à ce schéma de recherche de sa moitié. La discussion avec ses parents l’atteste, lorsqu’elle elle affirme « On est amoureux, et on va sûrement se marier » (p. 125). On remarque également l’occurrence de la peur du viol et la crainte d’une agression : Margot éprouve un sentiment d’insécurité et une hyper vigilance, par exemple lorsqu’elle est dans la voiture de Robert (p.125-126) ou quand ils arrivent chez lui (p. 135). Ainsi, Margot voit Robert soit comme étant bestial et dangereux, soit comme un naïf qui succombe à ses charmes. Le culte de la perte de la virginité est aussi mis en lumière : à la page 139, Margot explique que la perte de sa virginité fut un rite de passage à caractère événementiel. De plus, il y a une différence d’âge de plus d’une dizaine d’années entre les deux personnages, Robert étant le plus âgé. Cela reflète bien le culte de la jeunesse de la femme dans nos sociétés et dans lequel baignent les relations hétérosexuelles. Margot est également infantilisée et mise en état de passivité sous le regard de Robert : par exemple, Robert pose un regard paternel et protecteur sur elle comme lorsqu’il la fait se sentir précieuse en posant un baiser sur son front (p. 124). On remarque donc la dualité de la pure et de la provoquante dans la représentation de Margot : dans la vie ordinaire, Robert la perçoit comme une poupée précieuse et pure, mais cela s’oppose à la manière de celui-ci de la qualifier à la fin de la nouvelle (« pute ») et à la vision qu’il a d’elle dans le sexe.
Ensuite, cette dualité entre la pure et la provocante s’affirme lors du rapport sexuel. En effet, Margot est un objet sexuel passif dans une chorégraphie du sexe mécanique dominée par Robert. Celui-ci reproduit le schéma du sexe véhiculé notamment par le male gaze de la pornographie : « il l’avait secoué dans tous les sens comme s’ils étaient dans un film porno » (p. 142). Margot est en position de passivité et stimule le désir et les fantasmes de Robert, sans elle-même ressentir du désir ou de l’excitation pour cet homme. Elle a d’ailleurs intériorisé le rôle subalterne de la femme dans la sexualité : « elle essaya de s’abrutir et de transformer sa résistance en soumission » (p. 136). Robert est brutal et mécanique : cette violence sous-latente et robotisée fait que cette relation sexuelle est une relation de pouvoir dans laquelle l’expérience masculine prime. On peut articuler cela avec les conséquences de la révolution sexuelle des années 1960, qui a placé la femme comme un objet sexuel attisant le désir des hommes. De plus, pour l’anthropologue italienne Paola Tabet[1] la sexualité s’inscrit dans un cadre plus vaste de séparation des pouvoirs économiques. La sexualité des femmes et le corps de celles-ci sont des monnaies d’échange dans un monde gouverné par le pouvoir économique des hommes. Dans Cat Person, l’érotisme du rapport sexuel est ainsi remis en cause : ce n’est pas un moment de partage, mais une relation de pouvoir dominée par Robert. Le texte étudié amène aussi la question du désir féminin. En effet, Margot n’est pas attirée par l’homme qui est en face d’elle, mais par le désir que Robert pose sur elle : « plus elle imaginait son désir à lui, plus elle s’excitait elle-même » (p. 138). Pour Lili Boisvert[2], il y a un déséquilibre dans le désir sexuel des femmes et celui des hommes. Ces dernières s’excitent de leur propre image et se regardent être regardées par les hommes. Margot ne ressent pas de désir direct pour Robert : « la vague de dégoût qui l’envahissait » (p. 140). Ainsi, le manque d’enthousiasme de Margot, voire son apathie, nous amène à nous interroger sur la question du consentement. Margot subit les pressions culturelles qu’elle a intériorisées : le devoir de « faire plaisir » à l’homme, même si cela signifie laisser ses propres désirs et plaisir de côté. Elle subit d’autres contraintes sous-latentes : ne pas faire de la peine à Robert car celui-ci a fait preuve de sympathie à son égard, ne pas refuser car il est une figure d’autorité du fait de son âge plus élevé. De plus, elle est assujettie à un principe de cohérence qui lui souffle, une fois arrivée dans la chambre, de ne pas refuser le rapport pour ne pas passer pour une capricieuse qui « aurait l’air d’être une gamine gâtée impulsive » (p. 136). Cette situation est donc une « zone grise » du consentement qui amène le problème des violences sexuelles, qui sont finalement plus communes et moins spectaculairement violentes que l’on pourrait penser. Après avoir lu la nouvelle, on remarque que ce qui attire les personnages ce n’est pas l’autre en lui-même, mais le fantasme qu’ils se créent eux-mêmes dans leur esprit. Pour Margot, ce qui l’attire c’est le désir d’une romance, l’envie de convenir au schéma du couple et le besoin de susciter le désir de l’homme. Robert, lui, cherche à posséder Margot à la fois en la protégeant et en la fétichisant. Dans les deux cas, les personnages projettent sur l’autre des préjugés construits de toutes pièces et nés de la pression subie par la société : la séduction et le sexe sont assujettis aux normes de genre.
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