L’exposition: un fonctionnement médiatique
Commentaires Composés : L’exposition: un fonctionnement médiatique. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertation • 3 Mai 2013 • 3 747 Mots (15 Pages) • 1 048 Vues

dossier
Raymond Montpetit
L’exposition :
un fonctionnement
médiatique L’exposition
un geste envers des visiteurs
Raymond Montpetit - Directeur du département Histoire de l’art - Université du Québec à Montréal
Through the medium of exhibitions, we are addressing the visitor, the public [...] We tend to believe that the people who go to the exhibitions « get something out of them». Peter Vergo, « The Reticent Object » in The New Museology,1989, p. 46.
Longtemps les publics ont été invités à se rendre au musée pour voir ses collections, le plus sou- vent montrées dans une muséographie stable
dont les dispositifs permanents étaient intégrés à même l’architecture du bâtiment ; aujourd’hui, ils sont de plus en plus conviés à visiter des expositions temporaires, identi- fiées par un titre spécifique bien en vue sur les affiches. Les expositions partout prennent le devant de la scène, elles créent, pour quelques semaines ou quelques mois, l’événe- ment au musée. C’est sur elles que porte tout le battage publicitaire qui vante leurs contenus et leurs mérites : il faut avoir vu, avoir su profiter de ce rassemblement momentané de choses remarquables, avant qu’elles ne repartent vers d’autres lieux, réjouir ailleurs d’autres foules.
Les chercheurs peuvent toujours, sur demande, entrer dans les réserves d’un musée et consulter là, tel objet ou telle œuvre qu’ils veulent étudier de près ; mais pour le grand public, l’exposition reste la modalité unique par laquelle il
accède aux objets de collection artistique, historique ou scientifique. C’est sous la forme de l’exposition qu’œuvres, artefacts et spécimens sont offerts à sa contemplation. Une nette distinction est désormais affirmée entre les espaces non publics voués à l’entreposage des collections et aux tra- vaux des conservateurs, et les salles publiques où certaines pièces deviennent, un temps, objets d’exposition. Cela a pour conséquence que le musée transforme ses pratiques pour se définir plus clairement comme un lieu de production qui doit, à intervalles réguliers, concevoir, planifier, réaliser et tarifer des événements changeants — les expositions et leurs activités connexes — inscrits dans sa programmation annuel- le et dans sa stratégie de communication avec ses publics. L’exposition émerge ainsi comme une réalité à part entière : certes elle fait toujours appel à des objets de collections qui sont, pour ainsi dire, son principal matériau, mais elle sélec- tionne parmi eux ce qu’elle veut donner à voir et assure une prise en charge de ces « morceaux choisis » dans une logique et dans un propos qui sont les siens et auxquels répond la proposition muséographique (visuelle et spatiale) particulière qu’elle installe.
Si l’exposition est vue comme un média, c’est d’abord parce qu’elle constitue le lien essentiel programmé entre publics et musées ; elle agit en tant que niveau de production de
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L’exposition un geste envers des visiteurs

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L’exposition
un geste envers des visiteurs
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sens bien repérable qui opère sur les collections, en propo- sant un certain rassemblement intentionnel d’objets qui relève d’un autre ordre que celui de la collection et qui l’ins- crit dans un geste de communication. Ce regroupement de choses exposées, temporaire ou de plus longue durée, dans un espace déterminé et accompagné de technologies et matériel de support, est conçu pour être significatif aux yeux de ceux qui y pénètrent et le parcourent. Il a pour but de faciliter chez eux, une réception orientée et une certaine pro- duction de sens, dont la nature semble être un mélange d’i- dées, de savoir, de représentations et de rêveries. Nous y reviendrons. Exposer, c’est donc réunir des objets matériels et les inscrire dans une double discursivi-
té, celle d’une séquence de relations spa- tiales et celle d’un commentaire textuel, plus ou moins développé, avec l’intention de faire que leur combinaison constitue un parcours significatif, capable de trans- mettre du sens aux visiteurs, ou, plus pré- cisément, de leur « donner à penser 1 » et à rêver, à partir de ce qu’ils perçoivent autour d’eux.
Nous voudrions dans un premier temps,
citer quelques définitions de l’exposition
pour mieux cerner ses éléments constitu-
tifs et sa dynamique, en tant qu’instance
sens « avec et autour » de ces objets qu’elle recompose dans l’espace. Puis, dans un second temps, nous décrirons briè- vement quelques lieux sociaux dans lesquels l’exposition s’est manifestée, pour bien marquer que le musée n’est qu’une instance parmi d’autres où l’exposition entre en jeu.
L’exposition
et ses composantes
Au mot « exposition », le Grand Robert identifie cinq gran- des aires de signification : exposition : action d’exposer, résultat de cette action ; action de mettre en vue ; présen- tation publique de produits, d’œuvres d’art ; ensemble de produits et d’œuvres d’art exposés ; lieu, emplacement où on les expose. Sens figuré. Action de faire connaître, d’expliquer ; situation d’un édifice, d’un bâtiment, par rapport à une direction donnée ; orientation ; action de soumettre quelque chose à l’action d’autre chose. L’exposition concerne en prio-
rité la vue. Elle est un geste qui a trait au public. Elle est à la fois un lieu et un rassemblement d’objets et, le plus sou- vent, se propose aussi d’expliquer ce qu’elle montre. Ce fai- sant, elle prend position, oriente et installe une perspective. À terme, elle affecte ceux qui la fréquentent, en les soumet- tant ainsi à son action. Ces éléments constitutifs se retrouvent dans plusieurs définitions mises de l’avant par des muséolo- gues. Georges Henri Rivière, par exemple, propose celle-ci : « L’exposition, c’est l’action de mettre en valeur à destination de tout public,
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